" Ségur de la santé " : 32 organisations d’infirmiers s’unissent pour mettre la pression au gouvernement

, par  DMigneau , popularité : 0%

" Ségur de la santé " : 32 organisations d’infirmiers s’unissent pour mettre la pression au gouvernement

Crédits : Serge D’ignazio

Le " Ségur de la santé " lancé le 25 mai comme une tentative du gouvernement d’apporter une réponse à la crise qui a frappé l’hôpital affaibli par des années de réformes néolibérales, a du mal à convaincre les hospitaliers.

Depuis le début, les attentes des « soignants » sont à la hauteur de leur colère provoquée par la gestion catastrophique de la crise sanitaire.

Leur revendication centrale, motivée par le mépris accordé à leur profession, est une hausse des salaires, de 300 euros nets, pour tout le « corps hospitalier ».

Les revendications concernent également une hausse des effectifs qui, elle, n’est même pas à l’ordre du jour du " Ségur ".

Le gouvernement a fait mine de montrer des " signes d’écoute " sur la question de l’augmentation des salaires mais les promesses, en plus d’être insatisfaisantes, semblent pour l’instant " rester en l’air ".

Plus encore, alors que les « hospitaliers » attendent toujours le versement de la prime " Covid " qui - rappelons-le - ne sera pas remise à l’ensemble des « soignants », le gouvernement tarde à arrêter une décision sur les augmentations salariales et laisse entendre qu’il y aurait peu de " manœuvre budgétaire ".

Est-ce que cette promesse va être remise aux " calendes grecques " ?

C’est ce que certains « soignants » craignent. Comme nous le confie Grégory Chakir, infirmier en " bloc opératoire " : « il ne serait pas étonnant qu’ils nous donnent des miettes comme Marisol Touraine qui avait revalorisé la prime de nuit pour les infirmiers d’1,27 euros par heure de nuit soit 10 euros la nuit ».

Plus encore : « Dès les premières minutes du " Ségur ", on a compris qu’il voulait accélérer le plan " Ma santé 2022 ", c’est-à-dire accélérer ce qui est déjà mis en place depuis des années qui est la privatisation et la casse de l’hôpital public » ajoute l’infirmier qui est aussi l’un des porte-paroles du collectif " Inter-blocs " créé en septembre 2019 dans le sillage du collectif " Inter-urgences ".

De son côté le collectif " Inter-Hôpitaux " a publié un communiqué le 9 juin dernier dénonçant " la méthodologie du Ségur " et surtout s’inquiétant de " l’absence d’annonces de mesures concrètes et chiffrées ".

Toujours pas de plan massif pour l’hôpital ni de revalorisations salariales alors que le Président de la République l’a promis depuis le 20 mars et que ces revendications sont consensuelles depuis le début du" Ségur ".

" Le gouvernement a t-il compris l’urgence de la situation ? ", peut-on lire sur la page " Facebook " du collectif qui participe au " Ségur ".

Par ailleurs, depuis le début, le cadre du " Ségur " est vivement critiqué par des organisations syndicales comme " Sud Santé Sociaux " ou des collectifs de soignants comme le collectif " Inter-urgences ", ou encore le collectif " Inter-blocs ".

Dès le premier jour du " Ségur ", " Sud Santé Sociaux " a dénoncé l’exclusion du collectif " Inter-urgences " du cadre. Puis, après avoir été reçus, nombre de collectifs comme le collectif " Inter-blocs " n’ont plus jamais été recontactés.

« On a été évincé complètement sans aucune explication » résume Grégory Chakir.

« On s’est rendus compte que le gouvernement avait choisi ses interlocuteurs, de négocier avec les organisations syndicales mais qui ne sont pas représentatives de tous les corps de métiers ».

Le gouvernement a fait en sorte d’avoir pour interlocuteurs privilégiés le « corps médical » mais pas l’ensemble des « paramédicaux » c’est-à-dire l’ensemble des corps de métiers des établissements sociaux et de santé en France.

Pour cet infirmier qui exerce depuis plus de 10 ans dans « l’Hôpital public », « tous ceux qui portaient la voix des soignants ces dernières années ont été oubliés ».

Il pense au métier d’infirmier qui est très diversifié et notamment aux infirmiers libéraux, mais aussi aux professionnels des Ehpad ou encore à la psychiatrie. C’est-à-dire toutes celles et ceux qui ont été particulièrement au front et ont vécu dans leur chair la crise de tous les services hospitaliers et de soins avec la crise sanitaire.

Cette « sélection » opérée par le gouvernement a conduit vingt-sept organisations infirmières à se constituer en groupe qu’ils ont nommé groupe « Duquesne », en référence au nom d’une avenue adjacente à l’avenue de Ségur.

Après avoir été évincés du " Ségur ", toutes ces organisations ont décidé de ne pas se laisser faire et de se regrouper pour chercher à s’inviter au " Ségur " qui ne reçoit que des représentants de « l’Ordre National des infirmiers ».

« On veut rentrer dans cette mascarade pas pour négocier, pas pour demander des miettes mais pour obtenir ce qu’on mérite, porter la voix des 700 000 infirmiers par ceux qui sont sur le terrain » nous explique Grégory Chakir.

" Sud Santé Sociaux " a de son côté " claqué la porte " du " Ségur ", actant du fait que le gouvernement compte maintenir le même « cap » qu’avant la crise sanitaire et concéder seulement quelques miettes, en posant comme conditions préalables à toute discussion l’obtention immédiate de 300 euros pour tous les hospitaliers, un moratoire sur la fermeture de lits et des moyens là où c’est nécessaire, ainsi que la mise en stage de tous les contractuels.

Alors que certains ont décidé de " claquer la porte ", pourquoi vouloir à tout prix s’inviter au " Ségur " ?

Pour Grégory Chakir du collectif " Inter-blocs " qui fait partie du groupe " Duquesne ", il s’agit de revendiquer que les infirmiers dans leur diversité puissent être représentés dans le " Ségur " et imposer leurs revendications portant sur la revalorisation du niveau des rémunérations, l’amélioration des conditions de travail, des formations pour le personnel, une augmentation des lits ou encore « l’augmentation du niveau d’autonomie et de responsabilité de la profession ».

Pour le moment, les appels, communiqués et demandes du groupe " Duquesne " sont restés sans réponse.

Grégory Chakir exprime des doutes profonds quant au fait qu’ils soient reçus et sur l’issue du " Ségur ". La perspective principale, au-delà de " faire pression " pour participer au " Ségur ", reste la date de mobilisation nationale du 16 juin.

Il est certain que dans le huis-clos du " Ségur " s’élabore de manière calfeutrée et opaque, loin de la réalité du terrain, un plan dans la droite lignée, à quelques éléments près, de la politique menée jusqu’à aujourd’hui, et que les revendications des hospitaliers, contraires aux intérêts du gouvernement, ne s’obtiendront pas par des discussions et des négociations autour d’une table.

L’éviction des « soignants » qui luttent depuis des années, le mépris exprimé par le gouvernement, les " mesurettes " annoncées ont, ces dernières semaines, contribuent à alimenter la colère et la défiance de nombre de « soignants » à l’image de Grégory Chakir.

Ce dernier estime aujourd’hui qu’il y a peu à attendre du " Ségur " et qu’il va « falloir établir un rapport de force, qu’on montre les crocs ».

En effet, pour que les « soignants » gagnent sur leurs revendications, en pleine crise économique et sociale, confrontés à un gouvernement qui ne compte pas faire de cadeaux aux salariés, c’est un dur combat qui s’annonce.

En ce sens, la préparation du 16 juin est cruciale et pourrait être un premier pas vers ce rapport de force qu’il reste à construire sur le terrain.

Cécile Manchette

revolutionpermanente.fr