Raoult évincé : l’étrange silence d’une partie de ses soutiens politiques

, par  DMigneau , popularité : 0%

Raoult évincé : l’étrange silence d’une partie de ses soutiens politiques

Didier Raoult vit ses dernières semaines à l’IHU. Christophe SIMON / AFP

Mis en retraite, Didier Raoult aurait aimé rester quelques années à la tête de son IHU. Si ses soutiens les plus à droite s’insurgent, nombre de ses supporters historiques, de Marseille à Paris, se font bien discrets, comme soulagés par le désamorçage de la bombe Raoult…

Par ici la sortie ! Polémique après polémique, Didier Raoult a perdu le soutien de ses pairs à Marseille et de plusieurs personnalités.

A 69 ans, arrivé à l’âge de la retraite, le célèbre professeur marseillais avait fait une demande pour cumuler emploi et retraite, et ainsi demeurer à son poste à l’IHU. Mais le nouveau directeur général de « l’Assistance Publique Hôpitaux de Marseille » ne l’entend pas de cette oreille.

Arrivé à la tête de l’AP-HM cet été, François Crémieux souhaite " tourner la page " de " l’ère Raoult " à l’IHU. Selon " Le Monde ", « Aix-Marseille-Université » (AMU), autre membre fondateur de l’IHU et membre de son " Conseil d’administration " serait sur la " même longueur d’onde ".

C’est cette dernière instance qui devra décider de l’avenir de la direction de l’IHU.

Lâché par ses pairs

Promoteur de " l’hydroxychloroquine " pour traiter les malades du " Covid-19 ", " grande gueule " et personnage fantasque qui a souvent défrayé la chronique depuis le début de la pandémie, Didier Raoult a d’abord été soutenu par plusieurs personnalités politiques et médiatiques, avant que " certaines " ne prennent leur distance.

Cette semaine encore, le professeur Raoult a fait parler de lui via une vidéo sur le site " Youtube " de l’IHU, en affirmant notamment que " l’Islande a plus de cas maintenant que jamais " alors que c’est le pays " qui a été le plus vacciné de tous les pays développés " ou que " globalement la protection vaccinale contre les variants est modeste en termes d’épidémiologie ".

Des propos qualifiés d’ " inacceptables " par le professeur Jean-Luc Jouve, président de la " commission médicale " de l’AP-HM, réagissant auprès de l’AFP, pour qui cela « donne du grain à moudre aux " complotistes " et autres " antivax " ».

Jean-Marie Le Pen dénonce " l’esprit taliban "

Immédiatement après l’annonce de ce départ dans " Le Monde ", plusieurs personnalités de droite et « d’extrême droite » ont manifesté un vif soutien à Didier Raoult.

On y retrouve Florian Philippot et François Asselineau, qui " surfent " sur la vague " anti-passe sanitaire " pour exister politiquement, mais aussi Jean-Marie Le Pen.

Ce dernier dénonce un " acte odieux gravement préjudiciable au débat scientifique ", avant d’ajouter : « à croire que chez nous règne déjà " l’esprit taliban " ».

https://twitter.com/lepenjm/status/1428326470217310212?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1428326470217310212%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.marianne.net%2Fsociete%2Fsante%2Fraoult-evince-letrange-silence-dune-partie-de-ses-soutiens-politiques

Le Sénateur " RN " des Bouches-du-Rhône, Stéphane Ravier, s’est - de son côté exprimé - dans un communiqué où il fait l’éloge d’une " voix libre et indépendante " victime d’un " véritable règlement de compte politique ".

Ce vendredi, à la veille d’une nouvelle journée de mobilisation contre le " passe sanitaire ", sur les « réseaux sociaux », des messages accompagnés du hashtag " #TouchePasARaoult " se multipliaient.

Amis pour la vie ?

A contrario, parmi les personnalités politiques qui l’avaient soutenu auparavant, certaines restent étrangement silencieuses.

C’est le cas notamment de Renaud Muselier, assez proche de Didier Raoult pour l’inviter à fêter son élection à la tête du " Conseil régional " de Provence-Alpes-Côte d’Azur, selon " La Provence ", mais pas pour le soutenir publiquement au lendemain de l’annonce de sa mise en retraite.

Dans une interview publiée le 22 octobre 2020 par " Paris Match ", Renaud Muselier affirmait que " Didier Raoult est mon ami et le restera, c’est un grand professeur. Il a toujours ma confiance ".

Il poursuivait dans ce même entretien en expliquant que « grâce à ses conseils, j’ai fourni à tous les hôpitaux et soignants de la région Sud des masques au cœur de la crise, et nous avons appliqué sa doctrine : " tester, tracer, isoler, soigner ". »

Aujourd’hui, c’est " silence radio " chez Renaud Muselier, tout comme chez Philippe Douste-Blazy, l’ancien ministre à qui le professeur Raoult avait fait l’honneur d’une préface pour son livre sur la crise du " Covid-19 ".

D’autres personnalités politiques françaises, dont certaines avaient suivi le traitement de Didier Raoult à base de " chloroquine ", restent muettes.

Christian Estrosi qui invitait dans un entretien donné au " Point " le 23 mars dernier à " faire confiance au professeur Raoult ", n’a - par exemple - pas fait de déclaration quant à l’éviction annoncée du professeur.

D’autres élus de la droite marseillaise se font également discrets alors qu’ils étaient " montés au créneau " pour soutenir Raoult dès mars 2020.

Martine Vassal, la présidente de la " Métropole d’Aix-Marseille " et du " Département " des Bouches-du-Rhône n’a pas souhaité faire de commentaire. Mais pour Frédéric Collart, son ami élu à ses côtés en juin dernier, " l’IHU est un outil remarquable, mais aujourd’hui, dans la situation sanitaire du monde et du pays que l’on connaît, il est inacceptable de tenir des discours négatifs ou mitigés sur le vaccin, qui est clairement la seule solution efficace ", indique-t-il à nos confrères de " La Provence ".

Valérie Boyer, élue " LR " marseillaise et " raoultienne parmi les raoultiens ", n’a pour tout commentaire que partagé le " tweet " d’un éditorialiste du " Figaro " expliquant cette " retraite forcée " par " l’aversion des bureaucrates pour les anti-conformistes et les personnalités libres  ».

Seul Yves Moraine, élu " LR " marseillais, a exprimé auprès de " France Bleu " " tout son soutien au professeur Raoult ".
Le contre-exemple Rubirola

À Marseille, il n’y a guère que Michèle Rubirola, la première adjointe à la Santé issue d’ " EELV ", pour défendre la mise en retraite du professeur.

Contactée par " La Provence ", elle explique que « ses propos servent d’arguments aux " complotistes " pendant que des gens meurent à nouveau à l’hôpital. »

La présidente des « Hôpitaux universitaires de Marseille » affirme comprendre " parfaitement tous les médecins qui se sont positionnés contre ses prises de position sur la vaccination alors que nous sommes en pleine vague épidémique ".

Loin, très loin de la fin août 2020, quand la nouvelle maire de Marseille tenait une conférence de presse avec Didier Raoult et Martine Vassal pour dénoncer des mesures imposées à la petite capitale du sud par Paris.

Si elle lâche le professeur, Michèle Rubirola tient toujours à rendre hommage " à son travail scientifique et à l’importance qu’il a su donner à l’IHU ".

D’autres personnalités ont pris leurs distances bien avant avec le professeur.

Ségolène Royal avait ainsi apporté son soutien au traitement très discuté du professeur, dans des " tweets " défendant la " chloroquine " comme la " meilleure solution connue confirmée par des spécialistes incontestables " pour lutter contre le " Covid-19 ".

Mais à la suite de la publication le 22 mai dernier d’une étude dans la revue " The Lancet " qui démontre l’inefficacité, voire la nocivité du traitement chez certains patients, les " tweets " de l’ancienne candidate à la présidence avaient disparu du « réseau social ».

Onfray, " la grippette " et " la trottinette "

Michel Onfray, qui avait également soutenu médiatiquement à plusieurs reprises Didier Raoult, exprimait le 30 décembre 2020 lors d’une interview avec " Le Figaro " pourquoi il avait pris ses distances avec le professeur.

Il expliquait que « sur un certain nombre de sujets, il avait eu tort. […] Par exemple, c’était une " grippette ", avait-il dit, qui faisait moins de morts que les accidents de trottinette. […] Il avait aussi dit qu’il n’y aurait pas de seconde vague ; on est en train de guetter la troisième. Quand on s’est trompé, on doit le dire. »

Alexandre SAMAHA

Marianne.fr