Projet de loi "asile et immigration " : Darmanin finalement prêt à durcir les règles du " regroupement familial "

, par  DMigneau , popularité : 0%

Projet de loi " asile et immigration " : Darmanin finalement prêt à durcir les règles du " regroupement familial "

Gérald Darmanin au Sénat le 1er février. Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

La question du " regroupement familial " était tout bonnement absente de la première copie du gouvernement. Face au « Sénat », le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a évoqué des pistes permettant de limiter le dispositif dans le cadre de son projet de loi " asile et immigration ".

Elle était la grande absente du projet de loi des ministres du Travail Olivier Dussopt et de l’Intérieur Gérald Darmanin.

La question du " regroupement familial " a finalement été " mise sur la table " par les sénateurs, durant l’audition des deux membres du gouvernement, mardi 28 février, par la " commission des Lois " de la chambre haute.

Conscient que le texte, intitulé " Pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration ", ne passerait pas sans le concours de " LR " – à « l’Assemblée » fin juin comme au « Sénat » fin mars –, le ministre de " l’Intérieur " s’est montré particulièrement collaboratif.

D’autant que parmi ses interlocuteurs se trouvait François-Noël Buffet, sénateur " LR " du Rhône et auteur d’un rapport sur la " gestion de l’immigration " en mai 2022, dont le locataire de Beauvau dit s’être grandement inspiré pour son propre texte.

« Je serais favorable […] à des dispositions qui pourraient limiter le " regroupement familial " sans être contraires à la Constitution », a ainsi déclaré Gérald Darmanin devant les sénateurs.

Il rappelait par-là que le dispositif officialisé sous Valéry Giscard d’Estaing – la pratique existait déjà dans les années 1920 – est garanti par le « Conseil d’État ».

En 1978, celui-ci érigeait " le droit de mener une vie familiale normale en principe général du droit ", en vertu du " Préambule " de la « Constitution » de 1946 selon lequel " la nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ".

Le principe sera ensuite conforté par le « Conseil constitutionnel » en 1993.

CONDITIONS D’ACCÈS DURCIES

Le ministre de " l’Intérieur " n’a donc que peu de moyens de durcir les règles du " regroupement familial ". Devant les sénateurs, il a néanmoins évoqué trois leviers.

Le premier porte sur les conditions d’accueil des regroupés et la durée de résidence sur le territoire français.

" Est-ce que 1 800 euros pour deux personnes, ça suffit ? ", a interrogé le ministre, avant de renvoyer la balle dans le camp de la " Chambre haute " : « Si le Sénat allait vers des modifications [qui imposeraient] un logement plus grand, une rémunération plus forte et surtout une condition de présence plus longue sur le territoire national, ça me paraîtrait de bon sens. »

Pour rappel - et comme le précise le site de Beauvau - la loi actuelle veut que la taille du logement où seront accueillis les nouveaux arrivants soit au minimum de dix mètres carrés supplémentaires par personne jusqu’à huit personnes – puis la surface minimum supplémentaire passe à cinq mètres carrés, par personne toujours.

Ensuite, ne sont éligibles au " regroupement familial " que les foyers dont les ressources mensuelles ne descendent pas en dessous d’une certaine somme :

- 1 353,07 euros net sur les douze derniers mois précédant la demande pour un foyer de deux à trois personnes ;

- 1 468 euros net pour un foyer de quatre à cinq membres ;

- 1 601,74 euros net lorsque le foyer compte six individus ou plus.

Enfin, la durée de présence sur le territoire français de " l’immigré " qui demande à faire venir sa famille doit être d’au moins dix-huit mois en situation légale à l’heure actuelle.

SANS CONDITIONS

L’autre piste envisagée par le gouvernement concerne la limitation de la " réunification familiale " dont jouissent les réfugiés ou les personnes bénéficiant d’une " protection subsidiaire ".

Le dispositif diffère du " regroupement familial " en cela qu’aucune condition n’est nécessaire pour en profiter. Avant la loi dite " asile et immigration " de 2018, seuls les enfants, le partenaire par mariage ou " union civile " – si le lien était antérieur à la demande d’asile – et, éventuellement, les parents d’un mineur isolé pouvaient venir en France dans le cadre de la " réunification familiale ".

Toutefois – et le sujet est régulièrement rappelé au gouvernement Macron –, le texte de 2018 a élargi ce dispositif aux frères et aux sœurs (non mariés) des mineurs isolés.

« Quand on donne l’asile à quelqu’un, qu’on le donne à sa famille, ça ne me paraît pas choquant. Mais faut-il le donner à sa famille " au sens large " ? », a à nouveau interrogé Gérald Darmanin, évoquant les " demi-frères " et " demi-sœurs " parfois inclus dans la " réunification ".

" Il y a des abus, incontestablement ", a-t-il insisté, appelant à limiter cette réunification " à la stricte famille, en définissant [ce qu’est] la famille au sens français du terme ".

Enfin, « l’exécutif » pourrait étendre les tests linguistiques et de " valeurs de la République ", introduits dans le présent projet de loi, aux membres de la famille demandant un visa de " regroupement familial ".

Auprès de l’AFP, l’entourage de Gérald Darmanin s’est félicité de mesures qui, si elles étaient adoptées, " limiteraient pour la première fois dans le droit français " le " regroupement familial ".

En 2022, la France a délivré 33 735 premiers titres de séjour au motif d’un " regroupement familial " ou d’une " réunification familiale ".

Lou FRITEL

Marianne.fr