Mali : le journaliste français Olivier Dubois est-il tombé dans un piège ?
Mali : le journaliste français Olivier Dubois est-il tombé dans un piège ?
Olivier Dubois, un journaliste français qui collabore avec différents médias, affirme avoir été enlevé le 8 avril au Mali par des djihadistes affiliés à " Al-Qaïda ". © Michele Cattani / AFP
Selon les premières informations disponibles, Olivier Dubois, installé au Mali depuis 2015 et bon connaisseur du pays, avait pris contact avec un cadre intermédiaire du " Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans ", qui avait accepté une rencontre.
Deux jours après la diffusion d’une vidéo où il annonce être l’otage du " Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans " (JNIM), affilié à " Al-Qaida ", le sort du journaliste français Olivier Dubois suscite autant de questions que d’émotion parmi ses proches. Grâce à plusieurs témoignages de journalistes locaux ou des médias auxquels il collaborait, on en sait un peu plus sur les raisons qui l’avaient amené à Gao, dans l’est du Mali.
À en croire des missives, dont fait état " Libération ", Olivier Dubois avait pris contact avec un cadre intermédiaire du JNIM, Abdallah Ag Albakaye. Celui-ci avait, semble-t-il, accepté une rencontre pour discuter des affrontements entre son organisation et celle rivale de " l’État islamique au Grand Sahara " (EIGS), lui indiquant même qu’il se rendait à Gao, le 5 avril " pour un travail spécial et secret ".
« PAS UNE TÊTE BRÛLÉE »
Informé de la démarche, " Libération " avait décliné la proposition d’interview, jugeant les risques encourus bien trop grands. Âgé de 46 ans et arrivé au Mali en 2015, après un détour par Taïwan, Olivier Dubois s’y était installé durablement avec sa famille et ses deux enfants et s’était rendu à plusieurs reprises en divers secteurs sensibles, que ce soit pour " Libération ", " Le Point ", " Jeune Afrique " ou " Le Journal du Mali " où il avait occupé des fonctions de rédacteur en chef.
« Ce n’est pas une " tête brûlée ", témoigne un photographe attaché à cette dernière publication. Il avait acquis une bonne connaissance du pays et des dangers mais il tenait beaucoup à travailler dans le nord, et notamment à Gao bien sûr ».
Olivier Dubois s’y rend donc par avion le 8 avril, la date de l’entretien ayant été visiblement modifiée. Selon Serge Daniel, le correspondant de " RFI " au Mali, un intermédiaire l’attend à l’aéroport et le conduit dans un motel de la ville. Il s’agit d’un " fixeur " du nom de Souleymane, un infirmier que le journaliste connaissait, chargé de faciliter la rencontre.
PAS D’ALERTE IMMÉDIATE
Interrogé par des officiers de " Barkhane " avant d’être remis à la police malienne, il a pu échanger quelques mots avec un correspondant de l’AFP, assurant avoir vu Olivier Dubois " embarquer dans une voiture avec plusieurs hommes ". Dès ce moment, le journaliste est seul, sans aucun moyen de communication puisque son téléphone sera retrouvé au motel. Ses ravisseurs, si c’est bien d’eux dont il s’agit, avaient probablement pris cette précaution pour ne pas être " tracés ".
Son absence sur le vol-retour du 10 avril vers Bamako déclenche assez vite un signalement de l’ambassade de France sur sa disparition. Mais consigne est donnée de ne pas alerter les médias. Elle est désormais officiellement rompue mais nombre de questions demeurent. Celle-ci notamment : Olivier Dubois est-il tombé dans un piège tendu par Abdallah Ag Albakaye ?
Et cette autre, découlant de la première : a-t-il été réellement enlevé par des membres du JNIM ?
CONCURRENCE ENTRE GROUPES
Dans la région de Gao, la franchise " djihadiste " dirigée par le Touareg Iyad Ag Ghali est confrontée à la montée en puissance de l’EIGS. Depuis le début de l’année, celui-ci multiplie les coups de force contre les forces maliennes et internationales, comme le 15 mars dernier dans la commune de Tessit.
Bilan : une trentaine de soldats maliens tués. À Gao même, la " police islamique " de l’EIGS apparaît désormais au grand jour.
En kidnappant le journaliste français, les affiliés d’ " Al-Qaida " ont-ils voulu rappeler que la zone est sous leur contrôle exclusif et se signaler ainsi à l’attention médiatique ?
À Paris, comme c’est d’usage, le « Parquet antiterroriste » s’est saisi de l’affaire.
Celle-ci tombe au plus mauvais moment, illustrant une fois de plus l’instabilité permanente régnant dans plusieurs pays du « G5 Sahel ». Et en creux, bien sûr, les difficultés croissantes de l’opération " Barkhane " à contenir l’activité des divers groupes djihadistes. Depuis la libération de l’humanitaire Sophie Pétronin, le 8 octobre 2020, il n’y avait plus d’otage français dans le monde.
Alain LEAUTHIER
Marianne.fr