La Pologne veut devenir la plus grande puissance militaire de l’Europe
La Pologne veut devenir la plus grande puissance militaire de l’Europe
Photo : AFP
La guerre en Ukraine déclenchée en février 2022 est devenue un puissant moteur des dynamiques de militarisation et de réarmement des pays membres de l’OTAN.
La Pologne entend doubler ses dépenses militaires dans l’ambition de construire la plus grande armée terrestre de « l’Europe ». Le gouvernement « d’extrême-droite » du " PiS " parie sur les partenariats militaires avec les États-Unis et la Corée du Sud pour atteindre cet objectif.
Il y a seulement un mois, la Pologne était au cœur d’une crise qui a risqué d’entrainer un affrontement direct entre l’OTAN et la Russie : un missile lancé par la défense " anti-aérienne " ukrainienne mais de fabrication russe est tombé sur son territoire, tuant deux civils.
Les tensions des premières heures quand l’origine du missile n’était pas encore identifiée et était imputée par le gouvernement de Zelensky à l’armée russe ont provoqué une peur du conflit nucléaire chez un grand nombre de " journalistes " et " d’observateurs " du conflit.
L’escalade ne s’est jamais matérialisée, mais l’incident illustre la proximité géographique de la Pologne, pays limitrophe de l’Ukraine, au conflit militaire qui déchire actuellement l’Europe de l’Est.
Pourtant, l’armée polonaise est déjà l’une des plus puissantes et mieux équipées de « l’Europe » : contrairement à un certain nombre des membres de l’OTAN, la Pologne dédiait 2,4 % de son PIB aux dépenses militaires, déjà avant le début de la guerre en Ukraine.
Son effectif compte 150 000 hommes dont 30 000 font partie d’unités de défense territoriales similaires au modèle ukrainien.
Comparé au 170 000 hommes et femmes engagés dans l’armée allemande, ce n’est pas peu. Mais la Pologne souhaite aller plus loin en se posant pour objectif de consacrer 5 pour cent de son PIB aux dépenses militaires et construire, comme le promet le ministre de la défense Mariusz Błaszczak, “ la plus grande armée terrestre de l’Europe ” avec 300 000 soldats.
« L’État » polonais dans sa course au réarmement mise fortement sur l’artillerie et sur les troupes blindées, le ministère de la défense disant s’appuyer sur les informations partagées par l’armée ukrainienne concernant l’expérience de la guerre défensive en Ukraine.
Pour ce faire, la Pologne relance les commandes pour l’industrie nationale d’armement et fait des commandes aux États-Unis et surtout à la Corée du Sud, le partenariat avec cette dernière ayant un caractère stratégique, explique Blaszczak.
Le printemps dernier, Varsovie a signé un contrat d’achat de 4,9 milliards d’euros pour 250 chars " Abrams " et un contrat de 4,6 milliards pour 32 avions " F-35 " avec les États-Unis.
La Pologne entend acheter à Séoul des armes pour 10-12 milliards de dollars : 180 chars " K2 ", 200 obusiers " K9 Thunder ", 48 avions " FA-50 " et encore 218 des lance-roquettes " Chunmoo K239 ".
Mais ce n’est que le début : avant la fin de la décennie, la Corée doit fournir 1 000 chars " K2 " et 600 obusiers " K9 ".
Comme le note " Politico ", les ambitions polonaises à une hégémonie militaire en Europe ne vont pas se traduire tout de suite par une force politique, « l’État » dirigé par un parti « ultra-nationaliste » PiS restant pour le moment une force secondaire au sein de « l’Union Européenne ».
Mais la Pologne s’inscrit dans une dynamique de réarmement des membres de l’OTAN fortement accélérée par la guerre en Ukraine et que le « Secrétaire général » de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a décrit comme « le plus grand remaniement de notre défense collective depuis la fin de la " Guerre froide " ».
Plus de 19 membres de l’OTAN souhaitent atteindre l’objectif d’au moins 2 pour cent du PIB national pour les dépenses militaires, prévu par les accords de l’OTAN mais jusqu’ici peu respecté par ses États membres.
La guerre en Ukraine a - en effet - donné la possibilité à certains États de peser plus lourd dans l’échiquier mondial. Les gouvernements de ces pays tentent ainsi de profiter de cette nouvelle réalité pour se renforcer au niveau interne et à " l’international ".
Mais cette nouvelle tendance au réarmement de la Pologne est bien vue par les puissances « impérialistes » de l’OTAN. Ainsi, l’Allemagne peut tirer profit d’une Pologne armée étant donné que géographiquement, elle constitue une " zone tampon " entre l’Allemagne et la Russie.
A Washington, ce réarmement est également perçu comme une " bonne chose " car cela rentre dans sa stratégie d’armer ses partenaires face à ses rivaux internationaux pour éviter de devoir s’engager directement dans des guerres aux résultats incertains.
Quoi qu’il en soit cette réorientation des dépenses publiques qui s’inscrit dans une escalade " militariste " qui est très inquiétante pour notre classe, car elle laisse présager des guerres, des coupes dans les budgets des services publics, et facilitera aussi la répression même au niveau national.
Sasha YAROPOLSKAYA
Revolutionpermanente.fr