EELV survivra-t-il aux régionales ?

, par  DMigneau , popularité : 0%

EELV survivra-t-il aux régionales ?

Les régionales pourraient-elles sonner le glas de la formation écologique ?

Mal partis dans les sondages, les anti et pro gouvernement qui coexistent au sein de EELV pourraient bien décider de solder les comptes, cinq ans après les régionales victorieuses pour Les Verts. Plus qu’une guerre de personnes, le parti subit lui aussi les tentatives de recomposition du paysage politique.

François Hollande a eu beau jeu de lancer des fleurs, lors de l’ouverture de la COP 21, « à tous les pionniers de la cause écologique, aux précurseurs », le principal parti qui représente en France cette sensibilité va mal. EELV a, depuis sa fondation en 2010, perdu de sa superbe. Et les sondages pour les régionales, les uns après les autres, valident douloureusement cette hypothèse.

On a d’abord vu ses membres se déchirer en place publique à la fin de l’été lorsque François de Rugy, alors président du groupe écolo à l’Assemblée Nationale, a savamment orchestré son départ du parti.

Pris de court, et de peur de se voir passer sous le nez un hypothétique maroquin ministériel, Jean-Vincent Placé, sénateur de l’Essonne, s’est empressé de lui emboîter le pas.

La présidence du groupe écolo dans l’hémicycle a définitivement volé en éclat fin septembre lorsque Barbara Pompili, co-présidente au côté de Rugy et représentante elle aussi de la sensibilité « pro-gouvernement », a jeté l’éponge à son tour, en réponse au choix des militants écologistes de la région Nord de faire liste commune avec le Parti de gauche de Mélenchon.

Depuis, le groupe survit tant bien que mal, échappant à son éclatement avec la mise en place d’une présidence tournante.

Pro et anti gouvernement s’affrontent

Une ligne de fracture entre " pro " et " anti-gouvernement " qui ne date pas d’hier. Elle a éclaté au grand jour lorsque Cécile Duflot et Pascal Canfin, alors tous deux ministres du gouvernement Ayrault, ont fait savoir qu’ils ne souhaitaient pas participer à un gouvernement mené par Manuel Valls.

Une position validée le lendemain par le parti à la suite d’une délibération interne. Emmanuelle Cosse a ensuite déclaré qu’aucun écolo ne participerait au gouvernement. « A ce stade, nous ne pouvons qu’espérer un véritable changement de cap. La non remise en cause des orientations budgétaires ne nous semble pas de nature à permettre cette transition énergétique de grande ampleur que nous appelons de nos vœux », indique-t-elle alors dans un communiqué.

Affirmant une ligne clairement anti-austérité. Le début d’une longue séquence de guerre larvée et de petites phrases entre camarades. Mais la descente aux enfers d’EELV ne se résume pas qu’à des querelles de personnes.

Car c’est dans les urnes que le bât blesse vraiment. EELV s’est en effet construit sur deux réussites électorales. Les européennes de 2009 d’abord, lorsque Les Verts décident d’ouvrir leurs listes à l’ensemble de la mouvance écologique avec les listes Europe Ecologie.

Un pari largement remporté puisque, emmené par Daniel Cohn-Bendit, EE s’impose comme la troisième force politique avec 16,28 % des suffrages exprimés. En 2004, Les Verts dépassaient tout juste les 7 %.

Autre élection décisive, les régionales de 2010, toujours sous la même étiquette, Europe Ecologie prend la place de deuxième force de gauche avec un score nationale de 12,2 % au premier tour. Obligeant ainsi le PS à faire de la place aux nouveaux « alliés » pour les fusions en vue du second tour. Le 13 novembre 2010, EELV est officiellement créé avec un contingent confortable d’élus.

Mais depuis, cette dynamique d’outsider s’est quelque peu effritée. Avec les européennes de 2014 d’abord où les listes, incarnées par Emmanuelle Cosse, n’ont pas réussi à réitérer l’exploit des précédentes élections. EELV est passé derrière l’alliance UDI-Modem fédérée par François Bayrou, à la cinquième place avec 8,95 % des suffrages. Et maintenant, ces sondages difficiles pour la formation écologiste.

« Ca va être très dur pour eux »

« C’est sûr que le comparatif est cruel, reconnaît David Cormand, le Monsieur élection du parti et président du groupe EELV à la région Haute-Normandie. Nous sommes dans le même niveau de baisse que pour les européennes, une baisse de moitié environ. »

Si rien n’est jamais joué avant une élection, les choses semblent mal parties. « C’est une réalité sur laquelle il va falloir s’interroger, regarder ce qui a été fait, ce qui a marché, nous interroger sur les évolutions de la société aussi », analyse-t-il.

Un simple examen de conscience sera-t-il vraiment suffisant ? Pas sûr.

Pour Jean-Luc Bennahmias, ancien député européen écologiste qui a un temps fricoté avec le Modem de Bayrou avant de fonder le Front démocrate écologique et social, « la seule formation à être vraiment pro-gouvernement », le constat est bien plus alarmant. « Ca va être très dur pour eux. Les répercussions en terme d’élus vont faire mal. Ils pourraient passer d’environ trois cent élus régionaux a à peine cinquante. Une perte politique importante et financièrement, le parti va devoir faire avec le manque à gagner », prophétise-t-il. Tout en gardant la tête froide : « ça va être dur pour tout le monde », concède-t-il.

Mais pour David Cormand, les mauvais résultats du parti sont avant tout « à intégrer dans un contexte politique plus large d’effondrement global de la gauche, une résistance plus ou moins forte de la droite et une dynamique très claire du FN. C’est moins la droite qui monte que la gauche qui baisse ». D’autant que l’élu de Normandie préfèrerait éviter que les débats au sein d’EELV ne tournent au règlement de comptes, « le sujet n’est pas d’être sur un repli nombriliste ».

Jean-Luc Bennahmias, quant à lui, même s’il a jusqu’à présent profité des départs d’EELV qui sont venus gonfler les rangs de son Union des démocrates et des Ecologistes (UDE), se défend d’essayer de profiter de la situation et préfère se poser en observateur, certes, mais implacable lorsqu’il s’agit de parler de ses anciens camarades. « Pour moi, la question de la survie ou non d’EELV ne se pose pas puisque je ne les appelle déjà plus comme ça depuis longtemps, explique Bennahmias avant de préciser son propos. Ils sont revenus à leur forme antérieure, celle des Verts, sur une ligne qui n’est plus celle du projet initial d’EELV de dépasser les clivages traditionnels pour porter l’écologie politique. Alors ils continueront à exister bon an mal an, mais ils sont voués, comme le Modem, à voir leurs effectifs s’évaporer dans toutes les régions. Le départ du gouvernement était incompréhensible, ils en paient le prix », lance-t-il.

De la nécessité d’une recomposition de la gauche anti-austérité

Pour David Cormand, EELV est surtout confronté à la recomposition du paysage politique et doit trouver sa place. « Aujourd’hui, il y a un découpage du paysage politique qui ne recoupe pas les réalités. Il y a l’extrême droite, avec le FN bien sûr et une partie des Républicains. Au centre, on trouve le pôle d’accompagnement avec une partie du PS et des personnalités comme Alain Juppé. Et un troisième pôle qui reste à construire, celui de la transformation dont nous faisons partie », analyse-t-il.

Et de poser la question : « Dans cette période de décomposition/recomposition, les partis, sous leur forme classique, auront-ils leur place ? Ce n’est pas le plus important. La question de la fin ou pas d’EELV est donc secondaire. Le rôle des écologistes n’est pas de protéger leur pré-carré ».

Une analyse à double lecture, la forme d’EELV étant moins importante que la place des écologistes et leur influence sur la politique française. D’ailleurs, le conseiller régional nous fait cette énigmatique confidence : « Je n’ai pas le culte du parti de toute façon ».

Les résultats des régionales pourraient donc rebattre les cartes dans le camp écologiste, entre ceux qui ne rêvent que de soutien au gouvernement, ceux qui souhaitent une recomposition ou ceux, simplement, qui espèrent tirer les marrons du feu.

Lesquels ?

On cherche encore. Reste qu’après la première vague de départ d’EELV, une autre pourrait suivre. Des personnalités comme le député Denis Baupin, pourrait, d’après des observateurs avisés, être tenté de partir. Une situation qui serait cocasse. Le parlementaire étant le compagnon d’Emmanuelle Cosse, la secrétaire nationale d’EELV. A moins, qu’elle aussi décide de prendre les voiles...

Bruno Rieth

Marianne