Un loto pour financer le patrimoine : quand Stéphane Bern fait les poches des pauvres

, par  DMigneau , popularité : 65%

Un loto pour financer le patrimoine : quand Stéphane Bern fait les poches des pauvres

A sa fonction de " Monsieur patrimoine " d’Emmanuel Macron, Stéphane Bern a voulu ajouter celle de " percepteur du roi " - LUDOVIC MARIN / AF

Le " Monsieur patrimoine " d’Emmanuel Macron a obtenu qu’un tirage du loto finance ses projets.

Les pauvres, plus volontiers joueurs, financeront donc les vieilles pierres. Pendant ce temps, les " fondations d’entreprises " grèvent l’État de 600 millions d’euros par an pour leur mécénat.

« Le loto, c’est facile, c’est pas cher et ça peut rapporter gros ». Il faut croire que le slogan de la Française des jeux (FDJ) des années 70-80 a su séduire rue de Valois.

Pour financer le patrimoine, au lieu de faire payer l’entrée des cathédrales comme l’a suggéré Stéphane Bern, le " Monsieur patrimoine " d’Emmanuel Macron, c’est en effet la solution consistant à affecter le produit d’un tirage du loto qui a finalement été retenue par le ministère de la Culture.

Idéalement, celui réalisé aux alentours de la date de la journée consacrée " aux vieilles pierres du pays ".

L’idée, reprise à son compte par Stéphane Bern et adoubée par la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, n’est pas nouvelle. Cela fait un bout de temps que François de Mazières, le maire " divers droite " de Versailles et ancien patron de la Fondation du patrimoine, tente de la vendre.

Coup double pour l’édile : son ancien employeur recevra les 22 millions de subsides publics supplémentaires grâce au tirage " spécial monuments ".

Le loto, ça rapporte gros, donc. Mais cela coûte surtout aux joueurs. Et pas n’importe lesquels : les 100 millions de mises qui devraient être engagées dans ce tirage sortiront pour l’essentiel des poches des moins aisés de nos concitoyens.

L’argent des pauvres pour financer les vieilles pierres ?

Il fallait y penser. Stéphane Bern, l’a fait...

Car s’il y a bien une règle d’airain dans le milieu du " gambling ", c’est que « plus on est pauvre, plus on joue ».

Selon une étude de l’Inserm consacrée « aux jeux d’argent et de hasard », près de 50 % des ouvriers cochent les petites grilles, quand moins de 20 % des personnes exerçant une profession libérale s’y adonnent.

Bref - et ce n’est une surprise pour personne - le jeu, c’est l’impôt du pauvre. Un impôt injuste donc, mais également cher à collecter. Sur 100 millions de mises, 66 millions seront redistribués aux joueurs et 22 millions iront au patrimoine.

Restent donc 12 millions à répartir entre la FDJ et les distributeurs, buralistes pour la plupart.

Conclusion : pour gratter 22 millions aux Français, la combine coûtera à ces derniers 34 millions… Avec un coût de collecte équivalant à près de 50 % de son produit, voilà un prélèvement qui ferait frémir les magistrats de la Cour des comptes. Mais qu’importe ; le jeu étant par définition un acte volontaire, cette ponction sur les ménages ne sera pas comptabilisée comme un nouvel impôt, ce qui n’est pas le moindre de ses avantages.

Pendant ce temps-là, les grosses entreprises gagnent à tous les coups

La " Fondation du patrimoine ", qui recevra ce bon et bel argent, augmentera donc encore ses ressources publiques. Depuis une disposition de la loi de Finances s’est, en effet, ajoutée à la liste des ressources de la fondation « une fraction fixée par décret du produit des successions appréhendées par l’État à titre de déshérence ».

Avec un taux de 75 %, ce sont en moyenne près de 5 millions d’euros qui tombe régulièrement dans les poches de cette fondation, sans que jamais les députés n’aient à dire leur mot, comme s’en est émue la Cour des comptes en 2013.

Mais si la " Fondation du patrimoine " s’occupe du patrimoine des autres et parfois même des plus riches, d’autres fondations s’occupent de leur propre patrimoine. Et là, pas besoin de tirage pour gagner.

Les grosses fondations d’entreprises ont en effet développé un modèle simple de financement, un jeu de grattage de l’État à 100 % gagnant. Chaque année, au titre du mécénat, les entreprises - et parmi elles les plus grosses - s’offrent une réduction d’impôt sur les sociétés équivalant à 66 % des dons qu’elles effectuent.

Il y a pour plus de 600 millions d’euros. Une situation récemment rappelée par François Ruffin, le député " France insoumise " de l’Oise. A titre d’exemple, la fondation d’entreprise Louis Vuitton s’est offert un superbe bâtiment au cœur du Bois de Boulogne pour la bagatelle de 800 millions d’euros, comme " Marianne " l’avait révélé.

Entre la TVA remboursée et la déduction fiscale, le petit joujou de Bernard Arnault, patron de LVMH et maître des lieux, aura coûté à l’État la bagatelle de 650 millions d’euros entre 2004 et 2014.

L’équivalent de trente années de tirage du loto du patrimoine.

Quand on a ce jeu de grattage, effectivement... on laisse le loto aux pauvres.

https://youtu.be/KFtUi7lIbr4

Emmanuel Lévy

Marianne