Ultraconservateur " populiste " contre libéral " europhile " : deux Pologne en guerre pour la présidentielle
Ultraconservateur " populiste " contre libéral " europhile " : deux Pologne en guerre pour la présidentielle
Le président polonais sortant, président sortant, Andrzej Duda (PiS) est face au maire libéral de Varsovie, Rafal Trzaskowski (PO).
Après une campagne d’une violence inouïe, orchestrée par le " Parti ultraconservateur et populiste Droit et Justice " (PiS), au pouvoir en Pologne, les résultats du premier tour donnent un large avantage au président sortant, Andrzej Duda, face au maire " libéral " de Varsovie, Rafal Trzaskowski.
Le deuxième tour aura lieu le 12 juillet.
Ce second tour, entre deux candidats âgés de 48 ans, était loin d’être assuré : au plus fort de la pandémie et à la veille du scrutin qui théoriquement aurait dû se tenir au mois de mai, le président Andrzej Duda, candidat du " PiS " à sa réélection, était donné réélu dès le premier tour. Et ce par tous les sondeurs, avec 60 % des suffrages, contre une candidate " libérale ", Malgorzata Kidawa-Blonska, en perte de vitesse. Au point, le 15 mai, d’obliger sa formation, le principal parti d’opposition, la " Plate-forme civique " (PO, " centre droit ") à changer de " tête d’affiche " in extremis. Et d’opter pour le jeune maire de Varsovie, Rafal Trzaskowski.
Normal : confinement oblige, les autres concurrents étaient dans l’impossibilité de faire campagne et le chef de l’Etat, omniprésent à la télévision publique où il était présenté sous son meilleur jour, profitait d’un battage éhonté.
Contraint par son partenaire de coalition à reporter le scrutin à ce 28 juin, le " PiS ", soutenu par la très influente Eglise catholique, a alors lancé une offensive télévisuelle ultraviolente contre le nouveau candidat de la PO.
Le procédé a rappelé les pires heures de l’époque communiste, quand la propagande officielle pourfendait quotidiennement " l’anti-socialisme ". Le journal télévisé de la chaine publique et gratuite, à la différence des chaînes privées, et donc seule " source d’information " de nombreux Polonais, accusait Trzaskowski tour à tour " d’anti-polonisme " ou pire : de vouloir " détruire la Pologne " !
Contre une mythique Pologne " traditionnelle ", le maire " libéral " de Varsovie chercherait à promouvoir, tour à tour " l’idéologie LGBT ", les intérêts de l’Allemagne, voire de restituer massivement leur patrimoine spolié aux juifs, au détriment des Polonais…
« La télévision d’Etat polonaise, surnommée TVPiS, fait ressembler " Fox news " à " Radio Canada ". Face au défi Trzaskowski, elle a atteint de nouvelles profondeurs », résume l’éditorialiste britannique " polonophile " Timothy Garton Ash.
LES ANTI-PIS ONT VOTÉ UTILE
" Cerise sur le gâteau ", dans un pays très " atlantiste ", Donald Trump a reçu " son ami " Andrzej Duda à la veille du scrutin !
Il n’est guère étonnant que, soumis à un tel matraquage, 43,7 % des Polonais aient voté pour le président sortant. Et il est remarquable, que dans de telles conditions, Trzaskowski ait recueilli 30,3 % des voix.
La participation a été importante, frisant les 63 %, soit 10 % de plus qu’à la dernière présidentielle. Il semblerait que les " anti-PiS " aient voté " utile ". Ainsi, très populaire quand il s’est lancé dans la campagne, le candidat indépendant de gauche, Robert Biedron, ouvertement homosexuel, n’aurait recueilli que moins de 3 % des voix.
Beaucoup d’analystes s’interrogent désormais sur la capacité du maire de Varsovie, représentant d’un parti néolibéral qui n’a pas laissé que des " bons souvenirs " aux Polonais, à recueillir un nombre suffisant de voix " anti-PiS " pour battre Duda au second tour.
Face à la violente campagne contre lui, Trzaskowski - dont le slogan était " on en a assez " - a misé sur la nécessité d’unir les Polonais, plutôt que les diviser. Jouant sur la fibre " pro-européenne " de 90 % de ses concitoyens, il a promis d’apaiser les relations avec Bruxelles qui a entamé des procédures contre Varsovie et menace de réduire ses aides, à cause des graves enfreintes à « l’état de droit » menée par le " PiS ".
Il promet surtout d’assumer le rôle d’arbitre, à la tête de l’Etat polonais, que n’a jamais joué Duda, tout entier soumis au " PiS ".
L’enjeu du second tour, le 12 juillet prochain, est bel et bien de freiner la dérive " populiste " de la Pologne, en rétablissant l’équilibre des pouvoirs détruit par le " PiS "...
Anne Dastakian
Marianne