Triangulation morbide d’une campagne : ou comment Zemmour profite à Macron

, par  DMigneau , popularité : 0%

Triangulation morbide d’une campagne : ou comment Zemmour profite à Macron

" Delicate Tension " N.85. 1923. Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid. © Wassily Kandinsky

L’apparition d’Éric Zemmour dans cette campagne pour l’élection présidentielle de 2022 semble avoir plongé les candidats de droite, « d’extrême droite » et même " de gauche " dans une situation de crise. Pourtant, en analysant plus précisément la vie politique " hexagonale ", il nous est peut-être permis de penser que cette candidature a surtout le mérite de profiter à l’actuel candidat de l’Élysée.

Nous l’avons vu, avec l’apparition du polémiste Éric Zemmour en potentiel candidat à une élection présidentielle particulièrement cruciale (en ceci qu’elle marquera de façon décisive pour les années à venir la possibilité - ou non - d’une mise en place d’une politique économique et sociale structurée à partir de la réalité de l’urgence climatique) les candidats de droite, « d’extrême-droite » et certains " de gauche " semblent focalisés sur la menace que constituerait une telle candidature pour l’avenir du pays.

En focalisant sur le " symptôme politique " incarné par M. Zemmour, l’on oublie de considérer en quoi sa candidature constitue un réel danger pour " la gauche ", peut-être plus que pour la droite, puisque ce dernier en attirant sur lui et sur ses thématiques " extrême-droitières " la lumière, élude totalement des débats essentiels que nous devrions avoir sur un " climat social " dégradé, " l’urgence climatique " et la paupérisation croissante de la population en France après bientôt cinq années de " Macronisme ".

Généalogie d’un vol démocratique et bilan du " Macronisme "

Lorsque Emmanuel Macron a été élu Président de la république à l’occasion d’un second tour l’opposant à Marine Le Pen et au " Front National " en mai 2017, ce dernier s’était posé en unique garant et " sauveur " des institutions républicaines et démocratiques de la nation.

Si l’actuel occupant de « l’Élysée » parvient à s’imposer grâce à un " vote barrage " le portant à 66,1 % des voix au second tour, contre 33,9 % pour la principale représentante de « l’extrême droite » en France, ce résultat est moins important que celui de Jacques Chirac, qui avait rassemblé 82,21 % des voix en sa faveur contre Jean-Marie Le Pen en 2002.

Nous pouvons dès à présent noter que les années de " recyclage " et de " siphonage " des thématiques identitaire, ethnique, migratoire et sécuritaire de « l’extrême-droite » par Nicolas Sarkozy et l’ex-" UMP ", ainsi que l’affaissement du " Parti Socialiste " et de François Hollande par l’entremise de son ministre de l’intérieur, puis 1e Ministre, Manuel Valls qui plébiscita le projet de loi en faveur de la déchéance de nationalité, avaient préparé le terrain et participé à une réorientation de l’attention publique avec des intentions électoralistes.

Ainsi M. Macron fut porté aux plus hautes fonctions de « l’État » sous la 5e République. Mais ce faisant, par une concentration de voix hétéroclites se faisant sur son nom pour empêcher la " fascisation " de la vie politique et des institutions du pays, il se devait, en l’état, de créer une légitimité politique qu’il n’avait pas, en prenant en considération par sa gouvernance la diversité d’opinions qui le fit élire, et notamment de nombreux électeurs " de gauche " et des " écologistes " (chez MM. Mélenchon et Hamon notamment) qui étaient en droit d’attendre une forme de représentation de la part de celui qui était appelé à présider au nom et en faveur de tous les citoyens français.

Il n’en fut rien.

M. Joseph Biden est en la matière un " contre-exemple " aux États-Unis. Après avoir reçu l’investiture du " Parti Démocrate " et le soutien de M. Bernard Sanders et de son électorat durant toute la campagne présidentielle de 2020 face à M. Trump, une fois élu, M. Biden s’est engagé à donner des garanties à cet électorat " de gauche " en mettant notamment en place une politique de relance " keynésienne " pour soutenir les classes populaires, étudiants et familles en temps de crise politique, économique et sanitaire.

Cette démarche " pro-active " à destination de celles et ceux qui sont les grands oubliés des années Trump, associée à un soutien indéfectible en arrière fond pour le mouvement " Black Lives Matter " et toutes les mouvances " progressistes " cherchant à s’émanciper des discours identitaires, racistes et sexistes qui ont caractérisé les prises de parole du " Parti Républicain " et de M. Trump, a permis d’unifier la nation états-unienne et surtout de tenter de soigner des blessures profondes qui avaient été réouvertes entre 2016 et 2020.

En France, durant le mandat d’Emmanuel Macron, il n’en fut rien. Pire, ces années de présidence ont marqué un tournant autoritaire du néo ou " ultra-libéralisme " qu’il incarne, voire même un certain horizon " fascisant " de cet " ultra-libéralisme ", comme le soulignèrent les philosophes Barbara Stiegler ou Frédéric Lordon.

Le mouvement des " Gilets Jaunes ", s’il en est, cristallise toute la violence symbolique et physique de la gouvernance d’Emmanuel Macron qui, en laissant faire ses ministres de l’intérieur successifs M. Castaner et M. Darmanin (nommé le 6 juillet 2020 à cette fonction, alors qu’il était accusé de viol) et en maintenant le préfet de police de Paris dans ses fonctions, M. Didier Lallement, sévèrement critiqué pour sa stratégie de répression policière, n’a - en réalité - fait que cautionner cette utilisation de la police nationale comme d’une milice retournée contre sa propre population qu’elle est normalement censée servir et protéger.

Le mouvement des " Gilets Jaunes " (qui fut sempiternellement discrédité et insulté par le pouvoir en place qui cherchait à l’associer à « l’extrême droite » idéologiquement) ne faisaient qu’appeler à l’aide, manifester une indignation face à ces années d’inaction gouvernementale face à un pouvoir économique exercé sur eux, tout en se permettant de rappeler les trahisons du mandat de François Hollande.

Plus de " justice sociale ", plus de " démocratie participative ", une meilleure " redistribution des richesses " : voilà sommairement tout ce que réclamait ce mouvement et voilà tout ce que semble réclamer la population française actuelle si l’on se fie au sondage effectué par l’institut de sondage " Harris Interactive " qui a fait évaluer la popularité du programme social-écologiste " L’Avenir en Commun " porté par Jean-Luc Mélenchon et " l’Union Populaire ".

L’utilisation par la police de " lanceurs de balles de défense " ou de certains types de grenade de désencerclement, interdits dans tout le reste de « l’Union européenne », pour intimider la population, inspirer la peur et empêcher toute contestation ou manifestation à caractère social a engendré 2 500 blessés du côté des manifestants, 1 800 du côté de la police, plus de 30 éborgnés et plusieurs mains arrachées.

Des ONG, à l’instar d’ " ACAT " ou d’ " Amnesty International " ont dénoncé ces pratiques " choquantes ".

Cette instrumentalisation de la police à des fins répressives doit maintenant être analysée parallèlement à un autre fait économique qui est aussi un fait politique.

Durant les cinq années de mandat d’Emmanuel Macron le nombre de personnes vivant sous le " seuil de pauvreté " en France, dans la cinquième puissance économique mondiale, est passé de 8,9 millions en 2017, à près de 12 millions en 2021 selon les chiffres du CNLE (" Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion ").

Parallèlement à cela, et suite à la crise sanitaire dans laquelle nous nous trouvons encore et durant le mandat d’Emmanuel Macron, le patrimoine des milliardaires de France est passé de 249 milliards en 2017 à près de 500 milliards dès l’été 2021.

Selon les chiffres d’une étude réalisée par la banque Suisse " UBS " et le cabinet d’audit et de conseil " PWC ", les milliardaires français sur une période de 10 ans se sont beaucoup plus enrichis que leurs homologues européens ou nord-américains. À titre de comparaison, lorsque l’accroissement des richesses de ces milliardaires en France s’élèvent à plus de 430 %, il s’élève à 238 % au Canada, 175 % en Allemagne, 170 % aux États-Unis et 168 % au « Royaume-Uni ».

Alors, que vient faire Éric Zemmour dans cette affaire me demanderez-vous ?

Il a plusieurs " vertus ". Il vient jeter, de par la nature virulente, raciste et sexiste de ses discours, un " nuage de fumée " opaque sur la campagne présidentielle qui s’annonce, sur le bilan économique et social désastreux, ainsi que sur la politique de division identitaire permanente d’Emmanuel Macron qui fut précisément élu par des reports de voix de toute la droite républicaine et de toute " la gauche " pour " faire barrage " à Mme Le Pen.

Dans l’éventualité d’une confrontation Macron/Le Pen qui n’a cessé d’être annoncée comme " inévitable " dans les médias durant les mois précédent le surgissement de M. Zemmour dans la " vie politique " du pays, l’actuel président de la république ne peut plus légitimement prétendre être " un rempart " face à « l’extrême-droite », comme il le fit en 2017, puisqu’il a lui-même utilisé ce logiciel discrétionnaire, brutal et identitaire à des fins politiques.

Emmanuel Macron et son mouvement, " La République en Marche ", ont contre eux une politique sociale et économique calamiteuse, des répressions policières ultra-violentes contre des mouvements sociaux et des atteintes aux libertés publiques qui se sont exprimées par la fusion de certaines mesures de " l’État d’urgence " dans le droit commun, par le " passe sanitaire ", ainsi que de multiples supercheries et mensonges accumulés à l’endroit du prétendu souci de M. Macron de mener une politique soucieuse de lutter structurellement contre le " dérèglement climatique " et ses conséquences tragiques sur nos vies.

En bref, cet homme a perdu toute crédibilité et dans de telles circonstances, son bilan social, économique et " écologique " doit impérativement être étouffé.

Zemmour, meilleur allié d’Emmanuel Macron

L’arrivée dans " l’arène politique " de M. Zemmour a de multiples avantages.

Tout d’abord, il permet de diviser « l’extrême droite » en son cœur. Les obsessions identitaires, " l’islamophobie " et " l’imaginaire historique " totalement saugrenu de M. Zemmour divise le " Rassemblement National " de Marine Le Pen, mais également toute la " droite républicaine " que M. Macron n’a pas encore pu totalement désintégrer, à l’instar du " Parti Socialiste " qui s’est effondré sur lui-même.

M. Zemmour en ne cessant de focaliser sur « l’Islam » et les musulmans de France, en faisant de l’immigration le dénominateur commun de tous les problèmes, en minorisant ou niant les dangers du " réchauffement climatique " et du nucléaire, ne fait que camoufler les échecs de l’actuel président de la république, parce que M. Zemmour est en somme une caricature politique de tous ses échecs.

Il est un " repoussoir " encore plus violent que Mme Le Pen, en ce sens que tout " surmoi politique ", " républicain ", " moral " et " démocratique " semble avoir disparu de cet homme dont les discours excessifs et xénophobes sont également ceux d’un misogyne qui a déjà été poursuivi et condamné à plusieurs reprises pour " incitation à la haine raciale ".

Éric Zemmour capte la lumière comme aucun autre en tant que candidat potentiel à la présidentielle, parce qu’il n’a cessé d’occuper la scène médiatique au cours de ces 20 dernières années, que cela soit sur " France 2 ", " Cnews ", " Paris Première ", " Europe1 ", " RTL ", ou encore dans les colonnes du quotidien " Le Figaro " durant plus longtemps encore.

Son autre utilité consiste à affaiblir " la gauche ", celle de " l’Union Populaire " et de Jean-Luc Mélenchon qui en 2017 avait réuni presque 20 % des voix et était presque parvenu à intégrer le second tour des présidentielles. M. Mélenchon cherche à nouveau, comme en 2017, à mobiliser les voix " abstentionnistes ". Cette potentielle candidature de M. Zemmour, si l’on se fie aux instituts de sondages, irait justement puiser dans ce " vivier " et affaiblir le candidat de " l’Union Populaire " tout en désagrégeant la droite et « l’extrême droite ».

Face à Éric Zemmour et à la violence de ses discours, Emmanuel Macron semble prendre " de la hauteur " et apparaîtrait à nouveau comme la seule alternative " crédible " face à un risque de " désunion nationale " qu’il n’a - en réalité - jamais cessé d’alimenter durant son quinquennat. Ce trouble jeté par l’éventuelle candidature du polémiste « d’extrême-droite » capte également l’attention de médias " alternatifs " en France tels que, de façon surprenante, " Thinkerview " ou, de façon moins surprenante, " Livre Noir ", qui lui tendent un micro supplémentaire pour exprimer ses opinions et toucher un public moins orienté vers les médias dit " mainstream ".

M. Zemmour capte également l’attention des médias étrangers qui voient en lui un Trump de pacotille, permettant ainsi la diffusion plus globale au-delà de nos frontières d’une illusion politique et électorale. Le " danger Zemmour " permet d’escamoter la possibilité d’un véritable débat sur les effets des politiques nationale et internationale de M. Macron. Comme un reportage de " BBC World " le rappelle en rapportant les propos du maire de Béziers, M. Ménard, la possibilité d’une union entre Le Pen et Zemmour ne ferait qu’intensifier illusoirement la nécessité d’un vote Macron pour faire, une fois encore, " barrage ".

Le déni d’une " gauche " et de ses propositions

Comme nous l’avons compris les discours de désunion, de stigmatisation de l’autre, les rhétoriques sécuritaires faisant appel aux traumatismes profonds des attentats terroristes de 2015 et la verve " islamophobe " déguisée derrière une laïcité trahie et transformée en " religion d’État ", permettent d’éviter tout débat sur le fait social, sur la réalité d’une lutte de classes qui est toujours présente et que l’on a cherché à faire oublier ; sur le fait que la politique de l’actuel Président de la république, notamment à travers l’abrogation de l’ISF, n’a fait qu’affermir la suprématie d’une bourgeoisie et d’un capitalisme financier qui n’ont cessé de capter les richesses produites, tout en ignorant le plus grand danger qui soit : le " changement climatique ".

Comme Giorgio Agamben le rappelait dès la fin des années 1990, alors qu’il poursuivait un travail de recherche sur les notions de " vie nue " et de bannissement, sur la nature profonde de " l’État d’exception " et sur une généalogie théologique de l’économie et du gouvernement, le devenir des États « néolibéraux » risquait d’être à ces yeux de nature autoritaire.

Notre présent en France, à l’Est de l’Europe, tout comme en Amérique du Nord ou au Moyen-Orient lui donne raison. Face à ce danger, il serait possible de dire que la meilleure alternative se trouve dans l’union, dans la refondation d’un modèle économique, social et politique fiable et totalement " re-conceptualisé " à partir de la question " écologique " de manière à permettre une nouvelle réalité culturelle.

Cette alternative est portée depuis des années par " la France Insoumise " et ses députés - et maintenant par " l’Union Populaire " - mouvement censé rassembler des sensibilités diverses à travers la candidature de Jean-Luc Mélenchon :

- Réduction du temps de travail de manière à créer plus d’emplois à une heure où pour une offre nous avons 24 chômeurs en moyenne ;

- Sortie progressive du nucléaire dont les dangers sont immenses et dont " l’indépendance énergétique " qu’elle nous procurerait est une illusion ;

- Investissement massif dans la recherche et la production " d’énergies renouvelables " et " éco-compatibles "...

- Promotion d’une nouvelle éthique du « numérique » ;

- " justice sociale " et redistributions des richesses ;

- convocation d’une « Assemblée constituante » pour moderniser et démocratiser réellement nos institutions et passer à un régime parlementaire (à l’instar de l’Allemagne) ;

- Institution du « Référendum d’initiative citoyenne » et possibilité de révocation des élus (comme cela est déjà le cas dans certains États d’Amérique du Nord) ;

- Refondation de la " politique agricole " pour une transition vers une nourriture d’origine " biologique " et interdiction du glyphosate et d’autres produits chimiques cancérigènes. Ces mesures pour recréer de l’emploi et redynamiser notre vie politique et citoyenne sont nombreuses et majoritairement plébiscitées par les Français.

Pourtant ces questions ne sont jamais directement débattues dans les " grands " médias, à l’instar de l’un des derniers billets de M. Stéphane Robert, chef du service politique de " France Culture ", qui durant plusieurs longues minutes s’attache à accumuler des attaques ad hominem en multipliant les distorsions rhétoriques pour proposer finalement un billet militant et non de l’information.

Ce dernier commence par qualifier le positionnement de M. Mélenchon sur " l’échiquier politique " en le présentant comme un candidat " d’extrême gauche ".

Première nouvelle.

Il existe effectivement au moins deux candidats déclarés de « l’extrême gauche », M. Philippe Poutou pour le NPA et Mme Nathalie Arthaud pour " Lutte Ouvrière ". Si M. Mélenchon qui fut dans le passé membre du " Parti Socialiste " incarne bien, comme Pierre Bourdieu l’avait lui-même formulé, " la gauche de la gauche ", il n’est en aucune manière « d’extrême-gauche », qualificatif visant à discréditer dans l’imaginaire bourgeois le programme et la politique de ce candidat.

Il s’agirait là, pour ainsi dire, d’un " gros mot " tombant comme une condamnation politique, une façon de ne pas avoir à regarder ou écouter le fait que Jean-Luc Mélenchon est l’avocat d’une " économie mixte ", comme martelé lors de sa conférence à HEC, le 17 mars 2021.

Le candidat de " l’Union Populaire " est ensuite présenté par M. Robert comme un homme préférant la logique de " l’ardoise magique ", effaçant le label de " la France Insoumise " pour une nouvelle appellation, suggérant ainsi que nous aurions affaire avant tout ici à un tacticien en communication plus qu’à un homme politique, cherchant à regrouper différentes forces et sensibilités autour d’un même programme.

Pour ajouter à la confusion, ce dernier est ensuite déplacé dans un imaginaire " droitier ", brisant avec la tradition de gauche - " Parti Socialiste " et " Parti Communiste " - en créant un " mouvement " à la place d’un parti pour affirmer sa stature de " leader charismatique ", ce qui revient à avancer que ce dernier - en réalité - mépriserait sa base, son électorat, bref le mouvement censé le porter.

Ici, nous voyons se mettre en place une rhétorique visant à décrédibiliser Mélenchon sur " sa gauche " en le faisant politiquement passer pour un imposteur. Et c’est effectivement ce que cette attaque semble ultimement viser, puisque celui qui depuis plus de 10 ans est l’avocat d’une « 6e République » parlementaire est, in fine, présenté comme le meilleur représentant de l’imaginaire politique de la « 5e République », ce qui reviendrait à dire, sans user de ces mots, qu’il serait - selon M. Robert - un traitre à sa propre cause politique et à son électorat.

Pour finir, M. Mélenchon est présenté comme un homme " seul ", aux abois, dont " l’Union Populaire " serait " une tentative un peu vaine, un peu désespérée, visant à rééditer l’exploit d’il y a 5 ans ".

Qu’en est-il de M. Fabien Roussel du " Parti Communiste " crédité de 1 à 3 % dans les sondages ?

Sa tentative est-elle noble ou bien - elle aussi - vaine et désespérée, lui qui aujourd’hui va soutenir des syndicats policiers factieux devant « l’Assemblée Nationale » ?

Qu’en est-il de Mme Hidalgo, créditée de 4 à 6 % et dont la candidature est considérée comme vaine ou perdue d’avance ?

Qu’en est-il de M. Jadot d’ " Europe-Écologie " qui souhaitait tout d’abord " verdir " le capitalisme, avant de finalement se présenter comme un " anti-capitaliste " ?

Est-il désespéré, opportuniste ?

Est-il " seul " ?

Qu’en est-il de ces candidats qui, à l’image d’Arnaud Montebourg, se présentent et se trouvent à 7 mois d’une élection présidentielle sans même avoir un programme à présenter et un projet détaillé pour la France ?

Dans cette rhétorique " anti-mélenchoniste ", qui refuse de débattre avec ce dernier de son programme et qui dans un même temps se complet à offrir toujours plus d’espace à un « néo-fasciste » comme Éric Zemmour, l’on peut reconnaître un dénominateur commun : une détestation de la gauche véritable par la bourgeoisie, la même qui en 1938 avait préféré se livrer à l’inconnue du fascisme plutôt que de soutenir le " Front Populaire ".

Le pari d’Emmanuel Macron est là.

Sa peur viscérale de voir des classes populaire et " moyenne " se coaliser " à gauche " se confond avec le mépris véritable qu’il leur porte et ce sentiment d’appartenir à une forme d’aristocratie, celle de sa classe, celle produite par un imaginaire institutionnel qui ne cesse de s’exprimer depuis la " contre-révolution " à vrai dire.

Zemmour joue ici le rôle de " l’idiot utile ", mais au-delà du divertissement honteux et terrible que constitue sa candidature non-officielle, c’est à une nouvelle séquestration des imaginaires et des aspirations légitimes à une vie meilleure que nous assistons.

Nous laisserons-nous une fois encore voler cette élection et ne devons-nous pas, au-delà de toutes nos différences, ne pas accepter une bonne fois pour toute, que nous sommes appelés à vivre ensemble un destin commun et meilleur, plutôt que de prêter le flanc à cette épouvantable politique de " l’ami et de l’ennemi " théorisée par le sinistre Carl Schmitt ?

Sélim RAUER

MediaPart.fr