" Ségur de la santé " : douche froide pour les paramédicaux, exclus des discussions
" Ségur de la santé " : douche froide pour les paramédicaux, exclus des discussions
Le gouvernement a lancé une grande " concertation " des acteurs du « système de santé » sur l’avenir des structures de soins et des soignants, mais a choisi d’exclure en grande partie les paramédicaux.
Vincent Lautard estime que c’est une erreur.
Le lundi 25 mai, le Premier ministre a ouvert " en grande pompe " le " Ségur de la santé ", une grande " concertation " des acteurs du « système de santé » sur l’avenir des structures de soins et des « soignants », notamment sur la question des carrières et des salaires.
Ce " Ségur " doit durer plusieurs semaines.
Au lancement de cet événement, Édouard Philippe devant près de 300 acteurs du « monde de la santé », déclara : " Il serait insupportable pour nos concitoyens, pour les médecins, infirmiers, les aides-soignants, que cette crise du Covid-19 ne soit pas l’occasion de changements radicaux. "
Mais l’enthousiasme fut de courte durée, à peine le discours du Premier ministre terminé, le ministère des " Solidarités et de la Santé " dévoila la composition des deux groupes de travail qui vont plancher pendant plusieurs semaines sur ces épineux sujets et ce fut la " douche froide " pour bon nombre de « soignants ».
Quatre piliers et deux groupes
Pourtant, tout avait plus ou moins bien commencé, pour cette journée du 25 mai qui donnait le coup d’envoi du " Ségur de la santé ", le gouvernement avait invité par visioconférence de nombreuses organisations médicales et paramédicales, qui représentaient l’ensemble du champ sanitaire et médico-social.
Chose rare dans ce genre d’événement, on pouvait trouver aux côtés des organisations médicales, des organisations et syndicats qui représentaient l’ensemble du champ " infirmier " (infirmiers salariés, infirmiers libéraux, infirmiers anesthésistes, infirmiers de bloc opératoire, infirmiers en pratique avancée, cadres de santé…) et de la profession « d’aide-soignant » (comme la « fédération nationale des associations d’aides-soignants »).
A cet événement était également invité le collectif " Inter urgences " (un collectif de paramédicaux « urgentistes ») qui a été à la pointe de la lutte pendant de nombreux mois lors des grèves dans les centaines de services des « urgences » de centre hospitalier et de CHU en France.
A la suite de cette journée, le cabinet du ministre des " Solidarités et de la Santé ", Olivier Veran, publia dans un communiqué de presse, l’organisation mise en place pour les concertations du " Ségur de la Santé " pour les prochaines semaines à venir.
Ces concertations reposeront sur quatre piliers :
Pilier n° 1 : Transformer les métiers et revaloriser ceux qui soignent.
Pilier n° 2 : Définir une nouvelle politique d’investissement et de financement au service des soin.
Pilier n° 3 : Simplifier radicalement les organisations et le quotidien des équipes.
Pilier n° 4 : Fédérer les acteurs de la santé dans les territoires au service des usagers.
Deux groupes de travail ont été mis en place pour réfléchir sur les thématiques citées ci-dessus :
- Le " Comité Ségur national ",
- Le groupe " carrières et rémunérations ".
Ces deux groupes de travail se réuniront chaque semaine jusqu’à mi-juillet et seront animés par l’ex-secrétaire générale de la CFDT, Nicole Notat.
Les « paramédicaux » exclus
Mais alors que le 25 mai avait regroupé une représentation large des « professionnels de santé », le ministère des " Solidarités et de la Santé " a choisi d’exclure en grande partie les « paramédicaux » des deux groupes de travail.
Dans ces groupes de travail on retrouve plus de 12 syndicats et organisations médicales (syndicats de médecins hospitaliers, libéraux, ordre des médecins, internes, chirurgiens…), les grosses centrales syndicales (CGT, CFDT, " SUD santé "…) ou encore les fédérations et associations d’établissements et employeurs du secteur « sanitaire » et « médico-social » mais aucun syndicats ou organisations infirmières ou aides-soignantes à part la « fédération nationale des étudiants en soins infirmiers ».
Non mentionné sur le communiqué de presse, « l’Ordre national des infirmiers » sera finalement présent à la première réunion du " Comité Ségur national " comme l’atteste leurs messages sur les « réseaux sociaux ».
Mais ça sera bien la seule organisation « paramédicale » à pouvoir faire entendre sa voix pendant ces sept semaines de discussions.
En France, on dénombre environ 226 000 médecins en activité, pour plus de 720 000 infirmiers et plus de 240 000 aides-soignants.
Une nouvelle fois, le ministère à fait la part belle au corporatisme médical.
Le collectif " Inter-urgences " ne sera pas convié non plus, car il aurait une posture qui serait trop " sectorielle ", trop ciblée sur « les urgences ».
Une fausse excuse qui cache sans doute la peur du gouvernement, d’avoir autour de la table des discussions, un collectif qui a réussi un grand mouvement social au sein des structures publics de santé.
Est-ce que ce " Ségur de la santé " sera un énième plan de communication pour faire croire à une prise en compte des problématiques de l’ensemble des professionnels de santé ?
On peut fortement le penser, l’avenir nous le dira.
Une nouvelle fois, le signal envoyé par le gouvernement est délétère. Derrière les discours " de façade ", le mépris du pouvoir envers une grande partie des « soignants », notamment des « paramédicaux », se fait de plus en plus ressentir.
Vincent Lautard,
Infirmier et juriste en droit de la santé, consultant dans le secteur sanitaire et social,
Membre de l’équipe nationale du " Printemps Républicain "
Marianne