Sécurité au Burundi : tous les signaux sont au rouge
Sécurité au Burundi : tous les signaux sont au rouge
Attaques ciblées à motivation politique, arrestations arbitraires, tortures, etc. A plus de deux semaines de la réélection contestée du président Pierre Nkurunziza, la vie des burundais est quasi rythmée par des cas de violence et d’insécurité. Des tirs, parfois accompagnés d’explosions de grenades, sont régulièrement entendus à travers Bujumbura, surtout dans des quartiers dits contestataires du 3e mandat de Pierre Nkurunziza. Le Burundi est « entré dans les prémices de la guerre », selon l’organisation International Crisis Group.
Les cas de mauvais traitement et de torture sont aussi signalés. L’ONG Human Rights Watch met en lumière des dizaines de cas de détentions arbitraires et de mauvais traitements au Burundi. Dans son rapport publié ce jeudi, Human Rights Watch parle de quelques 150 cas, avec des actes de torture, le plus souvent le fait de policiers et d’Imbonerakure, les jeunes du parti au pouvoir.
Les deux attaques ont été perpétrées presque simultanément à l’encontre de deux personnalités burundaises ; le lieutenant général Adolphe Nshimirimana d’une part, considéré comme le bras droit du président Pierre Nkurunziza et l’un des principaux maîtres d’œuvre de la répression des manifestations de ces derniers mois, mais aussi comme l’un des artisans de l’échec de la tentative de coup d’État avortée de mai dernier, et Pierre Claver Mbonimpa d’autre part, vu comme doyen dans le domaine de la défense des droits humains au Burundi et qui s’est farouchement opposé au 3e mandat de Nkurunziza ; auraient-elles contribué à agrandir le fossé entre les pro et les anti 3e mandat de Nkurunziza ?
Est-ce dent pour dent… ?
Les manifestants ont marché depuis le bar du général Nshimirimana jusqu’au lieu de son assassinat (AFP PHOTO / GRIFF TAPPER)
La première attaque s’est déroulée le dimanche 2 août en fin de matinée. Selon des témoins, le général Adolphe Nshimirimana se trouvait dans sa voiture avec ses gardes du corps lorsqu’il a été touché par deux tirs de roquettes avant d’être visé à l’arme automatique. Des témoins disent avoir vu sa voiture criblée de balles. Willy Nyamitwe, le conseiller en communication de la présidence a rapidement confirmé le décès en ces termes : « J’ai perdu un frère, un compagnon de lutte ».
Adolphe Nshimirimana était surtout connu pour avoir dirigé pendant dix ans le Service national de renseignement, également appelé la Documentation. Il avait été écarté de ce poste en novembre 2014 mais en réalité, il avait conservé toute son influence. Il avait la main sur l’appareil de sécurité, agissant dans l’ombre. Sa mort est intervenue une semaine après la proclamation de la victoire de Pierre Nkurunziza à l’élection présidentielle controversée. Avec l’assassinat du général Adolphe Nshimirimana, « c’est le pouvoir burundais qui a été touché en plein cœur ». Willy Nyamitwe, conseiller en charge de communication à la présidence, l’a affirmé, lundi 3 août, à Jeune Afrique.
La deuxième attaque est survenue le lendemain, c’est-à-dire le 3 août vers 17h30. Figure de la société civile burundaise et président de l’Association pour la Protection des Prisonniers et des Droits Humains (APRODH), Pierre-Claver Mbonimpa a été touché par balles au niveau du visage. Alors qu’il rentrait chez lui, un motard s’est approché de sa voiture et a tiré ; il a été atteint à la joue et au cou.
Mbonimpa a eu plus de chance que Ndayishimiye car, malgré de graves blessures, son état de santé s’est amélioré depuis. Et malgré qu’il était poursuivi devant la justice burundaise pour avoir affirmé que des Imbonerakure – les membres de la Ligue de jeunesse du parti au pouvoir CNDD-FDD – recevaient une formation paramilitaire dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) voisine, Mbonimpa, prix Henri Dunant en 2011 pour son engagement en faveur des droits de l’Homme, a pu être évacué ce 9 aout en Belgique pour y être soigné, avec l’autorisation de la justice burundaise.
La tentative d’assassinat de Mbonimpa a toutefois été interprétée comme une réponse au meurtre du général Adolphe Nshimirimana, perpétré la veille. D’après Pacifique Nininahazwe, une autre figure de la société civile burundaise, cette attaque contre Pierre-Claver Mbonimpa était « prévisible après l’assassinat de l’ancien chef du renseignement, le général Adolphe ». Ce dernier a par ailleurs été cité par M. Mbonimpa d’être impliqué dans des exécutions extrajudiciaires survenues au Burundi depuis les anciennes élections de 2010.
Avec cette série d’attaques ciblées et ces actes de violence, la communauté internationale redoute que le pays sombre dans une spirale de violence. L’ Union Européenne appelle à la reprise urgente du dialogue politique : « Pour nous, la priorité pour l’instant c’est vraiment la reprise du dialogue et l’arrêt de la violence… ». L’envoyé spécial des États-Unis pour la région des Grands Lacs, Thomas Perriello, va dans ce sens et souligne l’urgence pour les acteurs de la crise burundaise de renouer le dialogue.
Diane HAKIZIMANA
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