Pourquoi la paix indo-pakistanaise n’est pas pour demain
Pourquoi la paix indo-pakistanaise n’est pas pour demain
Entendu le 8 février par la justice indienne, l’organisateur des attentats de Bombay, en novembre 2008, a déclaré que l’opération avait été planifiée avec le renseignement militaire pakistanais. De quoi jeter de l’huile sur le feu, alors que les gouvernements des deux pays tentent de renouer le dialogue à propos du Cachemire.
Voilà qui ne va pas arranger les affaires des partisans de la paix entre l’Inde et le Pakistan. Alors que les premiers ministres des deux pays, Narendra Modi et Nawaz Sharif, essaient de sauver la reprise du dialogue initiée à la surprise générale le jour de Noël, à Lahore, et mise à mal par l’attaque terroriste de début janvier contre la base de l’armée de l’air indienne à Pathankot, près de la frontière pakistanaise, l’organisateur des attentats de Bombay qui avaient fait près de 200 victimes, en novembre 2008, vient de jeter de l’huile sur le feu.
Entendu par la justice indienne en vidéo conférence depuis sa prison américaine où il purge une peine de 35 ans, David Headley a déclaré lundi 8 février qu’à l’époque, il n’avait fait qu’exécuter les ordres de " Lashkar-e-Taiba " (l’Armée des Purs, LeT), l’organisation islamique pakistanaise armée dont Delhi ne cesse de réclamer la dissolution et l’arrestation de ses dirigeants.
Ce n’est qu’une confirmation de ce que beaucoup savaient déjà. Mais ces propos ont été tenus quelques jours seulement après que le fondateur de LeT, Hafiz Mohammad Saeed, a de nouveau menacé l’Inde.
Aujourd’hui à la tête du " Jamaat-ud-Dawah " (JuD), la vitrine politique de LeT, Hafiz Mohammad Saeed, que tout le monde en Inde considère comme “ le cerveau ” des attentats de Bombay, s’exprimait lors d’un meeting organisé dans la partie nord du Cachemire occupée par le Pakistan. Il a prévenu que l’attaque de Pathankot n’était rien et qu’en représailles du “ génocide ” perpétré par les soldats indiens au Cachemire, la violence allait connaître “ une escalade ” dans le sous-continent. Car officiellement, son combat est celui-là : le rattachement de la totalité du Cachemire au Pakistan.
L’ennui, c’est que David Headley n’en est pas resté là.
La veille de son audition, il a expliqué à ses geôliers que les attentats de Bombay avaient - par ailleurs - été planifiés avec l’accord de l’Inter-Service Intelligence (ISI), le service des renseignements de l’armée pakistanaise, sur laquelle le gouvernement d’Islamabad n’a pratiquement aucune autorité.
A Delhi, le gouvernement Modi soupçonne précisément le ISI d’avoir facilité l’attaque de Pathankot en manipulant l’autre grande organisation islamiste hébergée au Pakistan, à savoir le " Jaish-e-Mohammed " (l’Armée de Mahomet, JeM), considérée comme la petite sœur de LeT.
Ainsi, pendant que les politiques cherchent le moyen de résoudre les différends frontaliers, les militaires saboteraient leur travail en coulisses. La rencontre au sommet entre l’Inde et le Pakistan, initialement prévue début janvier, puis fin janvier, n’est donc pas prête d’avoir lieu. D’autant que David Headley doit être à nouveau auditionné mardi 9 février et pourrait faire de nouvelles révélations...
Guillaume Delacroix
MediaPart