Norilsk, ville polaire, cité du nickel

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Norilsk, ville polaire, cité du nickel

Sans grands égards pour les peuples autochtones ni pour un environnement fragile, « l’Union soviétique » a très tôt exploité les ressources énergétiques et minières au-delà du cercle polaire en déplaçant une importante main-d’œuvre forcée ou pionnière.

Les cités arctiques russes comme Vorkouta sont-elles amenées à disparaître ? Ou perdureront-elles, comme Norilsk, en attirant de nouveaux volontaires pour une aventure aussi exaltée que douloureuse ?

Kharp, sur la ligne Vorkouta-Labytnangui qui traverse l’Oural, mai 2016

Construite au milieu de la toundra (1), la ville de Norilsk se situe à quatre heures d’avion (trois mille kilomètres) de Moscou et à quatre jours de bateau de Krasnoïarsk, la grande ville du Sud sibérien.

Aucun train, aucune route ne relie la région au reste de la Russie.

Construite par 69° de latitude nord, la cité arctique s’enorgueillit du statut de ville la plus septentrionale du monde.

L’hiver y dure neuf mois, avec 280 jours de neige et 150 de " pourga " (blizzard). Le soleil disparaît totalement pendant près de deux mois, tandis que la température moyenne en janvier ne dépasse pas — 28 °C.

En ce 18 juillet 2015, l’une de ces longues journées d’été sans obscurité, l’oligarque Vladimir Potanine défile aux côtés des autorités municipales.

Qu’est-ce qui peut pousser la première fortune de Russie — l’homme « pèse » environ 12 milliards de dollars — à se rendre dans une région au climat si redoutable ?

L’heureux propriétaire de " Norilsk Nickel ", premier producteur mondial de nickel et de palladium, vient célébrer les 80 ans du plus grand combinat (2) minier de Russie, et l’un des principaux exportateurs du pays.

Sur l’avenue Lénine, des milliers d’employés marchent sous les drapeaux des diverses corporations de l’oligopole, qui regroupe toute l’industrie minière de la région.

L’entreprise aime mettre en avant sa politique familiale : les enfants font partie de la fête. Ceux qui reviennent de vacances organisées par le groupe défilent avec leurs parents.

Juste avant la place centrale, où domine le siège administratif couleur bleu ciel de " Norilsk Nickel ", une immense scène musicale a été dressée pour accueillir plusieurs ensembles populaires.

Elle dissimule l’entrée du musée consacré à la mémoire du goulag (3), fermé pour l’occasion…

« Nous produisons l’avenir de la Russie », fresque à Severny, mai 2016

Le travail forcé et le système concentrationnaire ont présidé aux destinées de Norilsk comme à celles de Vorkouta (lire « Vorkouta, son charbon et ses fantômes ») ou de la région de la Kolyma, autour de Magadan.

Entre 1935 et 1955, le combinat a vu passer près de 500 000 prisonniers (4). Un pan de son Histoire que la ville cherche à occulter.

À Norilsk, on célèbre encore le mythe des pionniers et les valeurs de l’industrialisation massive héritées de l’époque soviétique.

La gloire de cette cité arctique créée ex nihilo est toutefois ternie par le départ de près d’un tiers de sa population depuis 1991 (elle compte 170 000 habitants, contre plus de 267 000 en 1989) et par le titre de ville la plus polluée de la Fédération de Russie.

Les rejets de métaux lourds et de dioxyde de soufre ravagent la maigre végétation et ruinent la santé des habitants. Une catastrophe écologique de même échelle que celle de l’assèchement de la mer d’Aral, beaucoup plus médiatisée.

Dès le début des années 1930, des détenus venus des îles Solovki, dont beaucoup de prisonniers politiques, effectuent des " missions " sur les pourtours nord du fleuve Ienisseï afin d’identifier les grands gisements de nickel, de cuivre ou de palladium.

Norilsk est fondé en tant que « goulag » en 1935.

Au plus fort de son activité, son administration, baptisée " Norillag ", gère huit complexes de camps de détention répartis dans le nord de la région de Krasnoïarsk.

Quelques milliers de volontaires, principalement des ingénieurs, accompagnent l’ouverture des camps et y travaillent en hommes libres.

Le site ne peut être rejoint qu’en été, par bateau, via le port de Doudinka.

La petite bourgade qui émerge alors n’existe encore sur aucune carte. Il faut attendre la « déstalinisation », en 1955, pour que Norilsk soit doté du statut de « ville », certes fermée, mais reconnue.

Aujourd’hui encore, pour s’y rendre, le visiteur étranger doit être muni d’une autorisation des services de sécurité avant de prendre l’avion, ou - les mois d’été - emprunter les bateaux est-allemands des années 1950 encore en circulation sur l’Ienisseï.

Seules les marchandises transitent toute l’année par l’océan Arctique, grâce aux brise-glaces.

Le " Norillag " était un camp d’intellectuels : ingénieurs, géologues

Le goulag s’est délité rapidement.

Durant l’été qui suit la mort de Joseph Staline, en mars 1953, et après les premières libérations de détenus de droit commun par le chef de la police politique Lavrenti Beria, de nombreuses grèves et émeutes éclatent.

Les prisonniers politiques, principalement ukrainiens, baltes et polonais, se révoltent. Ils organisent le plus grand soulèvement de l’Histoire des camps soviétiques.

Entre 1954 et 1956, puis plus lentement jusqu’à la fin des années 1950, débute la « dégoulaguisation » de Norilsk : les camps, selon leur statut, ouvrent leurs portes pour laisser partir les détenus.

« Les habitants libres de Norilsk regardaient avec inquiétude la foule des " zeks " [acronyme par lequel les prisonniers du goulag se désignaient] numérotés traversant la rue principale de la ville.

Tout le monde avait peur des pillages, des bagarres...

Les rues n’ont pas été sûres pendant plusieurs années », raconte Mme Elizabeth Obst, fille d’un ancien prisonnier du goulag et présidente locale de l’association " Mémorial ".

Usine de traitement du minerai de Severny

La plupart des anciens détenus sont repartis vers la Russie occidentale ou vers leur république d’origine, mais quelques-uns se sont décidés à rester : certains n’avaient nulle part où aller ; d’autres souhaitaient continuer à travailler dans l’extraction minière.

Le " Norillag " était en effet un camp d’intellectuels : il comptait de nombreux ingénieurs, géologues et autres spécialistes qui avaient acquis leur savoir-faire dans les camps et souhaitaient continuer à exercer en hommes libres.

Qu’ils soient nés dans les camps ou après la fermeture du goulag, les enfants d’anciens prisonniers ont été élevés dans cette mémoire douloureuse.

À la fin des années 1980, durant la " perestroïka " (la période de réformes économiques et d’ouverture politique lancée par M. Mikhaïl Gorbatchev), se forme à Norilsk, comme ailleurs en « Union soviétique », une association " Mémorial ", animée par des anciens du goulag et leurs descendants.

Ses militants demandent la reconnaissance de leur statut de victimes du stalinisme et la mise en place d’une politique du souvenir.

La loi du 18 octobre 1991, adoptée quelques semaines avant la fin de l’URSS, prévoit une réhabilitation assortie de compensations financières pour tous les citoyens soviétiques victimes de répression politique sur le territoire de la Russie « depuis le 25 octobre 1917 ».

Plus de quatre millions de personnes sont réhabilitées, en conformité avec la « Convention européenne des droits de l’Homme » (5). Progressivement, toutefois, " Mémorial " élargit son action à la défense des droits humains en Russie, dénonçant notamment les exactions commises par l’armée et la police dans le Caucase du Nord, et devient l’une des cibles privilégiées du régime du président Vladimir Poutine.

Les membres de la section locale de Norilsk ne partagent pas toujours les positions critiques de leurs homologues de Moscou ou de Saint-Pétersbourg. Pour nombre d’entre eux, le rejet du système « stalinien » n’entraîne pas une condamnation de « l’Union soviétique » en général, bien qu’ils n’en partagent pas tous les mythes fondateurs et qu’ils se méfient du grand consensus mémoriel sur le « moindre mal » qu’aurait représenté le stalinisme.

Beaucoup se réjouissent des gestes de réconciliation venus de « l’Église orthodoxe », qui canonise les victimes du stalinisme, ou de M. Poutine lui-même, qui s’est rendu sur le site du goulag de Norilsk en 2010.

Pour Mme Obst, « Poutine sait qu’il ne faut pas cacher la vérité historique, mais l’enseigner aux générations futures. Nos bureaucrates, eux, préfèrent dissimuler tout cela ».

Pour les Norilskais de " Mémorial ", l’occultation du goulag serait moins le fait de Moscou que celui des autorités locales.

Sur l’anneau de Vorkouta, tombe des victimes de la grande grève de 1953, exécutées par le NKVD.

Dans leur combat pour rappeler la dette à l’égard des anciens " zeks ", les militants de l’association ont obtenu quelques maigres succès.

Le musée local a accepté que les salles consacrées aux camps soient considérées comme permanentes et non temporaires. Mais le grand musée et le centre d’archives qu’ils appellent de leurs vœux se font attendre.

Les autorités restent obstinément amnésiques : seul un modeste mémorial officiel, surnommé « Golgotha », a été inauguré en 1990.

Chaque communauté religieuse ou nationale y a érigé un petit lieu de mémoire, notamment grâce à des subsides du combinat, mais sans le soutien financier de la municipalité.

Sur le site Internet du groupe " Norilsk Nickel ", l’onglet « Histoire » ne fait aucune mention des camps. Les festivités de 2015 ont passé sous silence les décennies de travail forcé. La seule plaque commémorative inaugurée à cette occasion a été dédiée à un bateau, le " Spartak ", premier navire arrivé en 1935… avec à son bord des ingénieurs et géologues — des hommes libres.

Pour les autorités locales, l’Histoire officielle de la ville commence avec l’accession de Nikita Khrouchtchev à la tête du « Parti communiste » de « l’Union soviétique », en 1953. Le premier secrétaire lance cette année-là une nouvelle vague de peuplement : celle des " komsomols ".

Les « Jeunesses communistes » prennent la relève des détenus libérés sur tous les grands chantiers de construction de Sibérie, puis d’Extrême-Orient.

En 1956, lors du sixième plan quinquennal, 29 000 jeunes s’installent à Norilsk ; un afflux qui prendra le nom de « débarquement des komsomols ». Cette jeunesse patriote, exaltée par les projets d’industrialisation, portée par la victoire de la « Seconde guerre mondiale » et sans expérience directe de la répression des années 1930, transforme Norilsk en profondeur.

Les nouveaux arrivants apportent de nouveaux modes de vie : on cherche à suivre la mode vestimentaire de Moscou ; on écoute en douce les " Beatles ", officiellement interdits ; on aime avoir des fleurs devant la fenêtre et des conserves de légumes pour tenir durant le long hiver polaire.

Cette génération, très attachée à la ville comme au combinat, se considère aujourd’hui comme la seule détentrice légitime de la mémoire locale et reste méfiante envers les anciens " zeks ".

Cimetière à l’abandon dans Vorkouta

« On vivait très bien, on avait tout avant tout le monde : les chaînes de télé, les spectacles. Les magasins étaient bien approvisionnés. Nous étions bichonnés », se souviennent Vladimir et Tatiana (6), la soixantaine.

Ses parents à elle ont fui la misère de Sibérie du Sud en trouvant du travail au combinat, tandis que son père à lui, militaire, était en poste à Norilsk.

Tous deux ont passé une partie de leur enfance ici, fait des études à Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg), puis sont revenus travailler au combinat en tant que " komsomols ".

À la retraite, ils sont repartis sur le « continent » (" materik "), comme les habitants du Grand Nord ou de la Sibérie orientale appellent la « Russie occidentale ».

Ces anciens ingénieurs, dont le prestige social allait de pair avec la fierté d’avoir contribué à hisser la Russie au rang de " grande puissance industrielle ", vivent avec peine cet éloignement. Ils reviennent à Norilsk les mois d’été, fiers d’habiter au numéro 1 de l’avenue Lénine, dans des bâtiments d’architecture néoclassique de l’époque stalinienne, superbes mais décrépis.

Norilsk symbolise ce que cette génération veut retenir du régime soviétique : des conditions de vie parfois dures, ou tout du moins spartiates, mais une foi dans les capacités de l’homme à se perfectionner par le savoir et l’éducation, à maîtriser la nature au service du développement industriel.

Autant de valeurs qui caractérisent les " Severianes ", les « gens du Nord », nom que les habitants des régions arctiques portent avec fierté.

Dans l’imaginaire collectif, le " Severianine " est doté de qualités toutes particulières : il se réalise dans le travail et n’a pas peur des défis physiques.

Les conditions arctiques le poussent à être accueillant, partageur, solidaire. Il participe à un projet collectif - la construction du socialisme - tout en se méfiant de ceux qui ne comptent que sur « l’État » pour assurer leur subsistance.

On le représente sous les traits d’un géologue ou d’un ingénieur spécialisé, les héros de l’industrialisation soviétique.

Homme ou femme, le " Severianine " célèbre l’égalité des genres.

Il porte les vertus du " socialisme tardif " qui, tourné vers la réalisation personnelle, voit la naissance d’une société de consommation " à la soviétique " et l’arrivée des femmes dans des professions masculines.

Le mythe du « front pionnier » n’est pas tout à fait mort

Nostalgiques de " l’âge d’or " de la ville, qui fut également celui de leur jeunesse, lorsque succès professionnels et épanouissement personnel se conjuguaient, Vladimir et Tatiana ont vécu le délitement du tissu social de Norilsk comme un drame personnel.

Le départ des amis et collègues a renforcé l’éclatement des sociabilités, tandis que beaucoup n’ont pas supporté la disparition de leur patrie - l’URSS - ni les années de chaos qui ont suivi, au cours de la décennie 1990, marquée par de nombreux décès précoces : maladies, ravages de l’alcoolisme, suicides.

Le mythe du « front pionnier » est-il mort ?

Pas tout à fait.

Face à ces deux mémoires urbaines contradictoires, celle du goulag et celle des " komsomols ", une troisième s’est progressivement formée : celle des migrants économiques, arrivés dans la ville durant les années de la " perestroïka ".

Comme les autres villes arctiques riches en ressources énergétiques et minières, Norilsk a attiré des travailleurs venus d’Ukraine et d’Azerbaïdjan, puis du Caucase du Nord (principalement du Daghestan) et d’Asie centrale (surtout du Tadjikistan et du Kirghizstan).

Les pionniers azéris, installés dès les années 1980, tiennent aujourd’hui la plupart des restaurants, cafés et boîtes de nuit de la ville, tandis que la seconde génération azérie et les Centre-Asiatiques dominent les marchés, en particulier la vente de fruits et légumes acheminés depuis le sud.

Ces migrants ont modifié l’espace urbain en occupant des emplois très visibles, au contact avec les autres habitants. Ils ont apporté un nouvel élément d’architecture urbaine : la mosquée la plus nordique du monde, construite par un homme d’affaires azerbaïdjanais à la fin des années 1990, gérée par un imam du Tatarstan et fréquentée essentiellement par des Nord-Caucasiens et des Centre-Asiatiques.

La plupart de ces migrants vivent dans les anciens foyers de " komsomols ", exposés aux vents glacés chargés des effluves des usines d’extraction de la vieille ville.

Parmi les habitants originaires des anciennes républiques socialistes soviétiques, seule une petite minorité, essentiellement des ingénieurs ukrainiens, azerbaïdjanais et kazakhs spécialisés dans l’extraction, travaillent pour " Norilsk Nickel ".

Aux yeux de leur communauté, intégrer le combinat représente l’apogée d’une carrière professionnelle, conjuguant bonnes conditions matérielles, sécurité de l’emploi et prestige social.

Cela signifie, en bref, faire partie des « élus ».

Les autres dominent le secteur tertiaire. Ces nouveaux arrivants disent apprécier la mentalité laborieuse et sobre des anciennes générations. Ils notent le bon fonctionnement de l’économie locale, même s’ils travaillent souvent dans des domaines éloignés de leur qualification d’origine.

Leurs affaires sont rentables. Ils partagent avec leurs aînés " komsomols " le sentiment d’avoir réussi.

Namig, un Azerbaïdjanais qui a fui le conflit du Haut-Karabakh au tout début des années 1990, vend aujourd’hui des vêtements d’occasion sur le marché central de Norilsk. Il nous explique : « Ici, on se sent en sécurité. On gagne davantage qu’ailleurs en Russie, même si, ces derniers temps, la situation est plus difficile. Et puis on n’a pas de problème avec les gens... »

Son collègue Vugar, spécialisé dans les fruits et légumes, ajoute : « La vie est dure surtout l’hiver, mais c’est pour tout le monde comme ça. Seuls ceux qui sont courageux et n’ont pas peur de travailler peuvent survivre ici. »

Ces migrants qui ont quitté les régions méridionales d’Eurasie pour se réaliser dans le Grand Nord revisitent à leur manière le mythe du " Severianine ", tout en l’adaptant aux conditions " postsoviétiques " de « l’économie de marché ».

Pour les habitants de Norilsk, toutes générations confondues, le Grand Nord, c’est avant tout le sentiment d’appartenir à un front pionnier héroïque, au-delà des paradoxes d’une vie faite de contraintes climatiques, environnementales et logistiques.

Mais l’horizon s’assombrit : la crise économique russe, la chute du prix des minerais et les difficultés croissantes, pour le Kremlin, à financer le développement extensif du Grand Nord pourraient remettre en question l’existence d’une ville d’une telle taille au cœur de l’Arctique…

Sophie Hohmann & Marlène Laruelle

Respectivement sociologue, chercheuse associée au « Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-européen » (Cercec), auteure de " Pouvoir et santé en Ouzbékistan ", Pétra, Paris, 2014 ; et politiste, professeure à l’université George-Washington, auteure de " Russia’s Arctic Strategies and the Future of the Far North ", M. E. Sharpe, New York, 2014, et, avec Jean Radvanyi, de " La Russie entre peurs et défis ", Armand Colin, Paris, 2016.

Monde-diplomatique.fr

Notes :

(1) Zone de climat froid caractérisée par une végétation rase comprenant des mousses, des lichens et quelques arbres nains. Elle borde le nord de la taïga, forêt boréale constituée de conifères et de bouleaux.

(2) Dans les pays de l’ancien « bloc soviétique », groupement d’entreprises opérant dans le même secteur.

(3) Ce terme, issu de l’acronyme russe de " Glavnoïe oupravlenie lagereï ", signifie « direction générale des camps ». Il désigne plus largement l’ensemble du système répressif soviétique, dont les travaux récents ont montré qu’il avait pris des formes très variées, des « colons de travail » à l’internement complet, avec une rotation importante, 20 à 40 % des détenus étant relâchés chaque année.

(4) Les statistiques sur la répression sont sujettes à débats. Selon les archives ouvertes à la fin de l’URSS, le goulag a compté jusqu’à deux millions et demi de détenus au début des années 1950, auxquels il faut ajouter environ autant de « déplacés spéciaux », généralement déportés collectivement. Cf. Nicolas Werth, « Le goulag au prisme des archives », dans Elisabeth Anstett et Luba Jurgenson (sous la dir. de), " Le Goulag en héritage. Pour une anthropologie de la trace ", Pétra, Paris, 2009.

(5) Nadine Marie-Schwartzenberg, « La réhabilitation au regard du droit », dans " Le Goulag en héritage ", op. cit.

(6) À la demande des intéressés, les prénoms ont été changés.