Mort d’Eddie Van Halen, le " guitar hero " qui a tué le hard rock
Mort d’Eddie Van Halen, le " guitar hero " qui a tué le hard rock
Eddie Van Halen, à gauche, parmi les membres du groupe en 1981.
Fryderyk Gabowicz/picture alliance / United Archiv/Newscom/MaxPPP
Le virtuose, mort ce mardi 6 octobre, a achevé le passage du hard rock dans l’ère de la démonstration technique, à la tête d’un groupe en accord avec son temps à défaut d’être en avance sur lui.
C’était un virtuose, il a révolutionné la technique de la guitare en popularisant le " tapping ", technique consistant à délaisser le classique " mediator " pour démultiplier le nombre de notes jouées à la main droite en " tapant " les cordes, et il a pourtant tué le « hard rock ».
Eddy Van Halen est mort ce mardi 6 octobre à 65 ans, des suites d’un cancer. Sans le vouloir, le " guitar hero " d’origine néerlandaise aura, avec son frère Alex, batteur du groupe modestement baptisé " Van Halen ", achevé de transformer le « hard rock » en grand barnum et le " solo de guitare " en numéro de cirque.
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" Van Halen ", qui sort son premier album en 1978, n’est certes pas la source du phagocytage du rock par la culture " mainstream ", mais il en est, tout comme " Kiss " et les " Guns N’Roses " - on va décidément se faire des amis -, l’aboutissement.
Là où les années 70 avaient vu la conjonction miraculeuse d’un mouvement d’avant-garde artistique et d’une industrie musicale florissante permettant sa diffusion aux masses, les années 80, dont les Californiens d’adoption de " Van Halen " sont un symbole, achèvent la bascule vers ce que l’on appellera le " rock FM ". La débauche et les excès en coulisse, l’exubérance des tenues de scène, qui participaient déjà à la mythologie du rock, sont plus que jamais des arguments commerciaux.
La subversion, déjà loin, un " ressort marketing ".
Aux antipodes du " punk ", l’hédonisme décomplexé de Van Halen, revendiqué par le chanteur mégalo David Lee Roth - Robert Plant version supplément chantilly -, colle finalement assez bien au néolibéralisme galopant des années 80.
Si le guitariste lui-même se défiait dans " Rolling Stone " de l’idée d’être " considéré comme le guitariste le plus rapide de la ville, prêt et désireux d’abattre la concurrence ", l’esthétique de son jeu – dont " Eruption ", démonstration technique de deux minutes, est l’exemple le plus frappant -, aura ouvert les vannes d’une musique tournée vers le culte de la performance et de l’exhibition technique.
https://www.youtube.com/watch?v=L9r-NxuYszg
En découleront les Joe Satriani, Michael Angelo Batio, Steve Vai et consorts, tous prodiges techniques étalant leur maestria dégoulinante à longueur d’interminables " solos ".
Autant d’artistes qui donneront corps à la caricature, si bien croquée dans " Tenacious D ", du guitariste " too much ", sans jamais sortir des sentiers bien balisés du gros son distordu, de " l’overdrive " à tout va et des " riffs " qui tâchent. Une musique prisonnière d’une époque et dont le manque de vivacité créative aurait fini par avoir la peau du « rock » si d’autres rameaux - " grunge ", " prog ", " métal ", " stoner ", " indie " - ne s’étaient pas déployés.
Entre maladies et cures de désintoxication, le déclin de " Van Halen " et de son leader accompagnera celui d’un courant musical en panne d’idée, avant sa seconde jeunesse des années 90.
" JE NE POURRAIS PAS FAIRE UN DISQUE CONTEMPORAIN "
Cela suffit-il à passer par-dessus bord l’ensemble de l’œuvre de " Van Halen " ?
N’y a-t-il rien à sauver de leur œuvre ?
Certainement pas, comme en témoigne le solo magistral de " Beat It ". Mais ce " featuring " avant l’heure avec Michael Jackson illustre à lui seul la " notabilisation " de " rebelles en toc " ; en être un vrai ne suffisant pas pour autant à faire de la bonne musique.
Au fond, comme le montre l’hymne de stade " Jump " - unique " numéro un " parmi les " singles " du groupe - " Van Halen ", dont la popularité doit beaucoup à MTV, était un groupe " en accord avec son temps " plutôt qu’en avance sur lui, et ce malgré la technicité de son guitariste vedette. Lequel, d’une modestie aux antipodes de son style prolixe, n’affichait d’ailleurs pas d’autre ambition : " Je veux juste que mon jeu de guitare fasse ressentir aux gens quelque chose : du bonheur, de la tristesse, voire de l’excitation ", expliquait-il, toujours dans " Rolling Stone ".
https://www.youtube.com/watch?v=SwYN7mTi6HM
Au magazine " Billboard ", celui qui n’avait jamais appris à lire la musique expliquait ne pratiquement pas en écouter et, tout aussi paradoxalement, être complètement déconnecté des tendances musicales de son époque : " Je ne pourrais pas faire un disque contemporain si je le voulais, parce que je ne sais pas à quoi ressemble de la musique contemporaine ", lançait-il.
Comme s’il avait marqué l’Histoire du « rock » malgré lui.
Louis NADAU
Marianne