Le sort des banques italiennes dépend-il du référendum ? Une tromperie pathétique
Le sort des banques italiennes dépend-il du référendum ? Une tromperie pathétique
Si on voulait vraiment commencer à remédier à la situation de crise du système bancaire italien il faudrait se préparer à des nationalisations et à des contrôles sur les mouvements de capitaux, avec ou sans le consentement des institutions européennes. Des solutions similaires trouvent des exemples même au sein du Fonds monétaire international et ont été largement pratiquées ailleurs.
Hier, nous lisions dans le Financial Times : " Les hauts fonctionnaires et les banquiers affirment que jusqu’à huit banques italiennes risquent la faillite si Renzi perd le référendum constitutionnel. "
Il n’est pas indispensable de connaître les noms de ces informateurs secrets du FT : de nombreux capitaines de la haute finance ont ouvertement évoqué ces jours la menace de turbulences sur les marchés si dimanche prochain le NON à la réforme devait prévaloir. La raison, disent-ils, est qu’une éventuelle défaite forcerait le Premier ministre Renzi et ses ministres à démissionner, avec la conséquence d’arrêter les tentatives du gouvernement de stabiliser le système bancaire italien.
Maintenant que le marché boursier est dans le rouge et que les banques s’enfoncent une nouvelle fois, une pléthore de commentateurs du pays répète les mots des hauts financiers : le danger réside dans les urnes, dans le risque d’une victoire du Non au référendum.
Cette lecture du jeu référendaire est tout à fait fourvoyante et franchement aussi un peu pathétique. La raison en est simple : elle suppose que les initiatives du gouvernement, de l’institution du fond Atlante à la gestion du dossier Montepaschi, seraient en mesure d’éviter une crise bancaire.
La vérité, malheureusement, est que les mesures prises jusqu’à présent par le gouvernement ont été totalement inadéquates et même contre-productives.
Le cas Montepaschi est un exemple emblématique. Matteo Renzi aurait dû enfin commencer la recapitalisation publique de la banque, comme cela a été le cas de nombreuses fois dans le reste du monde ces dernières années, des Etats-Unis à l’Allemagne.
Pour ce faire, Renzi aurait même pu recourir à l’application des règles européennes en vigueur selon lesquelles le plan de sauvetage d’une banque est autorisé sans caution (bail-in) dans le cas où la stabilité financière d’un pays est en jeu.
Au lieu de cela, exhumant une rhétorique libérale obsolète, le premier ministre a voulu imposer une « solution de marché » délabrée : à savoir, trouver des investisseurs privés prêts à acheter la banque à prix cassés.
Cette initiative ne fonctionne pas, pour le dire avec un euphémisme.
Dans le scénario actuel, ceux qui détiennent de grandes quantités de capitaux prévoient de nouvelles baisses des prix et peut-être des dévaluations non contrôlées qui permettraient de happer les banques des pays en difficulté à des prix encore plus réduits.
Voilà pourquoi il est si difficile de trouver aujourd’hui des acheteurs privés. La seule certitude de la « solution de marché » est que, même dans le cas où elle fasse faillite, Montepaschi devra encore payer des frais somptueux à JP Morgan, la banque d’investissement à laquelle Renzi a confié la gestion de l’opération.
La ligne d’action du gouvernement contribue-t-elle donc à stabiliser le système bancaire national ?
Celui qui l’affirme est un imprudent. Ou peut-être qu’il a intérêt à le faire.
Avec Dani Rodrik et d’autres, nous avions soutenu justement dans le Financial Times que les soucis des marchés financiers et des systèmes bancaires, italiens et pas seulement, dépendent de causes profondes liées à la structure de l’Union monétaire et la funeste politique déflationniste avec laquelle les autorités européennes et les gouvernements nationaux sont en train de gérer la crise.
Dans ce scénario, de nouvelles faillites bancaires - et donc de nouvelles crises de la zone euro - seront des événements inexorables. La seule raison pour laquelle les turbulences jusqu’ici ont été limitées réside dans le fait que la BCE a inondé le marché par du comptant à chaque flambée baissière.
Mais à chaque attaque, le banquier central doit répondre avec des actions de plus en plus incisives et prolongées, tout au plus adressées non seulement aux obligations publiques, mais aussi privées.
Voilà pourquoi les spéculateurs ne sont pas en train de changer d’idée : ils sont prêts à faire s’effondrer le marché chaque fois qu’un doute surgit sur la capacité de Mario Draghi à convaincre le directoire de pousser la politique monétaire de plus en plus au-delà des frontières des accords européens.
Dans une telle involution macroéconomique, le référendum est seulement l’un des nombreux prétextes possibles : en réalité, chaque occasion est propice pour alimenter de nouvelles vagues au rabais du marché. N’en déplaise à ceux qui soutiennent que nous sommes protégés en vertu de l’euro.
Si on voulait vraiment commencer à remédier à la situation, il faudrait se préparer à des dénationalisations bancaires et à des contrôles sur les mouvements de capitaux, avec ou sans le consentement des institutions européennes.
Des solutions similaires trouvent des exemples, même au sein du Fonds monétaire international, et ont été largement pratiquées ailleurs, mais en Italie elles ne semblent pas prendre racine.
Apparemment, nous sommes tellement séduits par les « solutions de marché » que quelqu’un serait capable de nous les fourguer même dans le cas de sortie de l’euro. À ce rythme, face à une crise de proportions historiques, nous pourrions être bientôt pointés du doigt comme l’une des dernières provinces occidentales toujours disposées à avaler les vieilles recettes foireuses du libéralisme financier.
La situation des banques italiennes est donc grave, mais n’est pas sérieuse. Lier la stabilité du système bancaire à l’issue du référendum et au sort du gouvernement Renzi est juste une tromperie pathétique.
Emiliano BRANCACCIO
MediaPart