" La Pologne rappelle qu’être membre de l’UE ne signifie pas être vassal "

, par  DMigneau , popularité : 0%

" La Pologne rappelle qu’être membre de l’UE ne signifie pas être vassal "

Une décision du " Tribunal constitutionnel " polonais, qui a eu le malheur de rappeler que le droit européen s’appliquait dans des champs de compétence prédéfinis et qu’à l’inverse la primauté du droit national émanant de la Constitution librement choisie par le peuple polonais demeurait en cas d’incompatibilité. NurPhoto via AFP

À Varsovie, le « Tribunal constitutionnel » polonais a affirmé le 7 octobre la primauté du droit national sur le droit européen. Une décision qui n’est pas du goût de « l’Union ».

" La scène se passe en Pologne, c’est-à-dire nulle part ".

Le fameux prologue de la pièce drolatique d’Alfred Jarry résonne aujourd’hui aux oreilles de tout ce que « l’Union européenne » compte de thuriféraires et d’idolâtres.

Tous rêvent - eux aussi - de transformer la Pologne en " terra nulla " singeant sans même le savoir le drolatique père Ubu, tyran sanguinaire aux méthodes de gouvernement fondées sur l’arbitraire et l’absurde.

Comparaison n’est jamais raison, soit, mais tout de même.

Quelle est la cause d’un tel courroux ?

Une décision du « Tribunal constitutionne » polonais qui a eu le malheur de rappeler que le droit européen s’appliquait dans des champs de compétence prédéfinis et qu’à l’inverse, la primauté du droit national émanant de la Constitution librement choisie par le peuple polonais demeurait en cas d’incompatibilité.

« État-nation »

Crime de " lèse-majesté " juridique absolu !

Aussitôt, l’intégralité des décideurs européens s’est récriée, voyant dans cette décision une véritable " déclaration de guerre ".

On s’est empressé d’y voir la marque infâme du " PiS ", le parti « conservateur » au pouvoir, au prétexte que les juges siégeant au « Tribunal » avaient été nommés par « l’exécutif ».

On s’étonne d’ailleurs que ce même argument ne soit jamais utilisé s’agissant des décisions du « Conseil constitutionnel » français ou de la « Cour de Justice de l’Union européenne », alors que là aussi les juges sont pourtant désignés par les gouvernements.

Comme quoi, selon que vous serez d’apparence " pro " ou " anti-Union européenne ", les jugements sur votre « Cour » vous rendront " blancs " ou " noirs ".

Il ne sert strictement à rien de rappeler que la conception de la compétence juridique qu’a posée le « Tribunal constitutionnel » polonais est en tout point conforme au fonctionnement supposément " naturel " de « l’Union européenne », dans laquelle les États décident volontairement - ou non - d’appliquer tout ou partie du droit européen, par le biais de " révisions constitutionnelles " si besoin.

Il sera également inutile de rappeler que le « Tribunal constitutionnel fédéral » de Karlsruhe, juge suprême allemand, ne manque pas une occasion d’affirmer la même chose, notamment sur les questions d’orthodoxie budgétaire, sans susciter les mêmes récriminations et " sauts de cabri ".

Débat politique

De même, rappeler que le droit ne peut être perçu comme émanant d’une " source divine " et " hors-sol " pour disposer d’une légitimité et d’une efficacité mais doit - au contraire - s’appliquer par la volonté d’un peuple, sur son existence et pour défendre sa vision de la vie en communauté – et que, à ce titre, seul « l’État-nation » peut agir comme véritable lieu d’exercice d’un " empire juridique " – n’a aucune espèce d’utilité.

Enfin, préciser que l’expérience historique des Polonais en matière d’instance supranationale édictant un droit sur lequel ils n’ont pas de regard a pu les laisser un tantinet plus frileux que les pays de l’Ouest sur ces questions heurterait un peu trop profondément les " eurôlatres ", lesquels n’arrivent même pas à concevoir qu’on puisse comparer leur construction " miraculeuse " à la défunte URSS.

Non, la seule chose qu’il convient de faire, c’est de placer le débat au niveau où il doit être : celui de la politique.

C’est d’ailleurs ce que reconnaissait benoîtement le secrétaire d’État Clément Beaune, quand il déclarait : " Ça n’est pas un sujet technique ou un sujet juridique. C’est un sujet éminemment politique ", ce que confirmait la « Commission » - qui, jusqu’à preuve du contraire, n’a rien d’une autorité judiciaire - en s’emparant rageusement du sujet.

Par cette décision, la Pologne a rappelé que l’on pouvait s’opposer à " l’idéologie européenne " en son sein, qu’être " membre " ne signifiait pas être vassal et que la souveraineté voulait encore dire quelque chose, pour peu que l’on décide de l’exercer.

Simon OLIVENNES

Marianne.fr