" L’état d’urgence " et le confinement anti-constitutionnels, selon le " Tribunal constitutionnel " d’Espagne
" L’état d’urgence " et le confinement anti-constitutionnels, selon le " Tribunal constitutionnel " d’Espagne
Le président du Tribunal constitutionnel espagnol, Juan José Gonzalez Rivas – Junta de Andalucía, Wikimedia Commons
" L’état d’urgence " et le confinement sont anti-constitutionnels, selon le " Tribunal constitutionnel " d’Espagne.
L’information est passée quasiment inaperçue en France.
De ce côté-ci des Pyrénées, d’aucuns se sont gargarisés du " feu vert " donné par le « Conseil constitutionnel » et le « Conseil d’Etat » au projet de loi portant sur le " pass sanitaire " et " l’obligation vaccinale " pour certaines professions.
Cet article a été publié une première fois sur " Vigilance Pandémie ". Il est repris sur " AgoraVox " avec l’autorisation de toutes les parties prenantes.
Remboursement des amendes pour " non-respect du confinement "
Le " Tribunal constitutionnel " d’Espagne a annulé le 14 juillet 2021 dernier les mesures les plus emblématiques prises dans le cadre de l’ " estado de alarma " par le gouvernement espagnol - littéralement " état d’alerte ", un équivalent de " l’état d’urgence " français.
La « Haute juridiction », saisie par le parti de droite conservatrice " Vox ", a jugé " anti-constitutionnelles " et suspend de fait et avec effet immédiat, un certain nombre de restrictions décidées dans le cadre de l’ " état d’alerte " déclaré par le gouvernement depuis mars 2020.
Dans le détail, la décision rendue par le " Tribunal ", par cinq juges contre quatre, ne se prononce pas de façon absolue sur la proportionnalité des mesures, mais soulève, dans le cadre insuffisant de l’ " état d’alerte ", l’atteinte à trois droits fondamentaux :
la libre circulation sur le territoire du Royaume,
la liberté de réunion entre particuliers, notamment entre les membres d’une famille,
et la " fijación de domicilio ", un concept juridique espagnol que l’on restitue difficilement en français. On peut le comprendre comme un droit à établir, à se fixer un domicile, un droit que la restriction de circulation met à mal, pour des citoyens souhaitant - par exemple - déménager, ou en déplacement en-dehors de chez eux.
Selon les juges constitutionnels, seul un " état d’exception " pourrait justifier une entorse à ces libertés. Un tel régime nécessite la convocation et l’aval du « Parlement ». Le premier confinement, fondé sur l’entrave à la circulation des personnes, a donc été inconstitutionnel.
Les Espagnols pourront demander le remboursement des amendes données pendant cette période.
Les dirigeants de " Vox " et, dans une moindre mesure, du parti de droite modérée PP (" Partido Popular ", une formation cousine des " Républicains " français) ont fait part de leur satisfaction quant à cette décision.
La Ministre de la Justice du gouvernement " socialiste " de Pedro Sánchez a indiqué - au contraire - " respecter, mais regretter " le verdict.
La Catalogne lève à son tour les restrictions
D’après " l’IREF Europe ", dans ce pays où chaque Communauté autonome, l’équivalent de nos régions françaises, dispose de marges étendues vis-à-vis de Madrid, une couche de " contre-pouvoir " supplémentaire est introduite par l’indépendance effective du pouvoir judiciaire.
Le " think-tank " estime que les membres du « Conseil d’Etat » et du « Conseil constitutionnel » en France, à cause de leur arrière-plan et parcours politiques, ne peuvent que faire preuve de carence en matière de " culture libérale " par rapport à leurs homologues ibériques, magistrats de profession.
Le jeudi 19 août dernier, le " Tribunal supérieur de justice " de Catalogne a fait suspendre le couvre-feu imposé par la " Generalitat ", le gouvernement catalan, dans 129 communes.
La « Cour » a jugé que le couvre-feu ne répondait pas à un impératif sanitaire, mais que son principe se prêtait plutôt à des considération de sécurité et d’ordre publics.
Une décision qui a déclenché la colère du gouvernement local, furieux que " les juges se prennent pour des épidémiologistes ".
Pourtant, ce vendredi 10 septembre, la " Generalitat " elle-même a suspendu l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes, mettant en avant l’amélioration de la situation sanitaire.
Il est vrai que la « Fête nationale » catalane a lieu ce samedi 11 septembre et qu’il serait dommage pour les " indépendantistes " au pouvoir de la gâcher...
D’Espeyrac
Pour aller plus loin
Pour comprendre la décision du « Conseil constitutionnel » français en faveur de l’extension du " pass sanitaire ", il est utile de consulter des études qui reconnaissent le manque d’indépendance de ce " Conseil ".
À ce titre, l’article " L’indépendance du Conseil constitutionnel français en question " de Romain Espinosa, paru dans " Les Cahiers de la Justice " 2015/4 (n° 4), pp. 547-561, est particulièrement éclairant.
Le « Conseil constitutionnel » français y est, par son processus de nomination et par l’influence politique exercée par les institutions élues, largement critiqué pour son possible manque d’indépendance.
L’auteur fait référence à son étude " Constitutional Judicial Behavior : Exploring the Déterminants of the Decisions of the French Constitutional Council " dans laquelle il conclut que le " Conseil " souffre - en effet - de sérieux manques d’indépendance.
Il montre, d’une part, que des considérations idéologiques et politiques sont en jeu lors de la prise de décision (" couleur " de l’autorité qui a nommé les juges et/ou le président du Conseil) et, d’autre part, que le " Conseil " se restreint fortement dans ses décisions de censure.
Ces deux conclusions mettent en cause l’indépendance du « Conseil constitutionnel ».
Source : " Vigilance Pandémie "
AgoraVox.fr