Hôpital public, ordre du mérite et séquestration
Hôpital public, ordre du mérite et séquestration
« L’hôpital public » est à l’image de ce que deviennent les institutions, des lieux où les abus sont à la fois masqués et encouragés. Un lieu où celles et ceux qui s’élèvent contre ces perversions généralisées sont sévèrement réprimés. Le " deux poids deux mesures " est à l’oeuvre. Exemple avec la remise de " l’ordre national du mérite " pour une directrice après des violations graves des droits fondamentaux.
De la " cuisse de Jupiter " sortent de nombreux enfants. Les " Jupiter boys " sont désormais à la tête des institutions avec la même mentalité, le même éthos, les mêmes pratiques de pouvoir que leur " modèle ".
« L’Hôpital public » est à l’image de ce que deviennent les institutions, des lieux où les abus sont à la fois masqués et encouragés. Un lieu où celles et ceux qui s’élèvent contre ces perversions généralisées sont sévèrement réprimés. Le " deux poids deux mesures " est à l’oeuvre.
Promotion d’un côté, répression de l’autre.
Deux articles publiés par " Mediapart " relèvent cette tendance.
D’une part, l’article relatant les fortes suspicions " d’agressions sexuelles " d’un professeur de gynécologie de l’hôpital Tenon, agressions signalées à maintes reprises à l’établissement en question sans que rien ne se passe.
D’autre part, l’article relatant la destruction du service dans lequel j’exerçais la fonction de " chef de pôle " après avoir dénoncé des abus attentatoires gravement aux droits des patients.
Là, une enquête a bien eu lieu… Pour mettre en accusation les personnes qui ont dénoncé les abus au sein de l’établissement.
Cette enquête s’est basée sur une lettre anonyme avec la mise en oeuvre d’une méthodologie partiale et parcellaire dénoncée par de nombreux professionnels du service, sans que ces derniers ne puissent être entendus.
Malgré l’intervention de parlementaires, de syndicats, d’associations de " psychiatrisés " et de professionnels, rien n’y a fait : soutenir le droit des patients contre « l’institution » dans laquelle on exerce se paye chèrement.
La chronologie de l’enquête administrative " à charge " contre nous est clairement en faveur de représailles concernant notre signalement auprès du " Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté " en mai 2020 pour la confusion entre " confinement sanitaire " et " isolement psychiatrique ".
Alors que dans le même temps, aucune enquête administrative n’a été diligentée pour tenter de faire la lumière sur les responsabilités des personnes et du système qui ont enfermé de façon " abusive " et " indigne " - d’après le CGLPL - les patients de Moisselles.
Ainsi, nous ne pouvons qu’être surpris de la nomination au « Journal Officiel » de la directrice de l’établissement " Roger Prévot " de Moisselles et du CASH de Nanterre, Luce Legendre décorée de la médaille de " chevalier de l’ordre national du mérite ".
https://jorfsearch.steinertriples.fr/name/Luce%20Legendre
Les patients enfermés pendant 14 jours au mépris de leurs droits fondamentaux apprécieront cette nomination.
Les abus reconnus et nommés par une autorité indépendante – le " Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté " - n’ont donc pas entraîné de remise en question au sein de l’établissement.
Bien au contraire, la direction de l’établissement a mis en mouvement une mécanique de la " répression hospitalière " pour accuser celles et ceux qui alertaient sur ces abus. Le " défenseur des Droits " ainsi que la " Maison des Lanceurs d’alerte " se sont saisis du dossier, le jugeant sérieux.
Devant cette décoration, il est utile de rappeler quelques faits.
1 - La recommandation en urgence du CGLPL parue au " Journal Officiel " le 19 juin 2020.
Pendant la première vague, l’établissement public de santé " Roger Prévot " de Moisselles a mis en place des pratiques qualifiées " d’indignes " par le CGLPL.
Pour rappel, Mme Luce Legendre était - et est toujours - la directrice de cet établissement. Ces pratiques ont constitué toujours d’après le CGLPL des " violations graves des libertés fondamentales ".
Or, ces pratiques indignes et ces violations graves des libertés fondamentales se sont déroulées sous la responsabilité de Mme Luce Legendre, future " chevalier " de " l’ordre national du mérite ", et ce malgré nos alertes précédant la saisie du CGLPL.
Après la publication d’un article du " Monde " le 19 juin 2020, Mme Legendre a pu nous rétorquer lors du directoire de l’établissement " que chacun sait que la direction, c’est la directrice ».
Ainsi, si la fonction s’incarne intégralement dans la personne, nous ne pouvons que nous étonner que six mois après cette recommandation accablante, le même " Journal officiel " annonce la promotion de la directrice en tant que " chevalier " de " l’ordre national du mérite ".
Don Quichotte reviens, ils sont devenus fous !
2 - Un an plus tôt, les professionnels de ce même établissement alertaient sur le recours de l’intéressée à un management autoritaire.
Ce management a été dénoncé par la " Commission Médicale " de " l’Etablissement Roger Prévot " le 19 septembre 2019 :
« Nous nous trouvons placés devant un exercice de l’autorité qui use de plus en plus manifestement du déni de la réalité, de la négation des engagements pris, du double langage (..)
Pendant ce temps, les conditions de travail se dégradent sur le site de Moisselles : dans un contexte de réorganisation administrative à marche forcée, les équipes soignantes, médecins et paramédicaux, peinent à trouver des interlocuteurs. »
Cette alerte arrive neuf mois après la prise de fonction de Mme Legendre à la tête des deux établissements, l’EPS Roger Prévot de Moisselles et le CASH de Nanterre, début janvier 2019.
C’est ce même management qui a été dénoncé tout au long de la crise " covid " par des professionnels et des organisations syndicales.
Désormais, plusieurs plaintes pénales et administratives sont en cours d’instruction. Bien entendu, la « présomption d’innocence » se doit d’être respectée.
3 - Le " turn-over " des directeurs sous les ordres de l’intéressée n’a pas cessé depuis son entrée en exercice. Tant et si bien que des signalements ont été faits au " Centre National de Gestion " (CNG) par plusieurs d’entre eux pour alerter des risques psycho-sociaux encourus par ce management.
Pour l’heure, le CNG n’a donné qu’une suite purement formelle.
4 - " Last but not least ", comme l’a démontré " Mediapart ", la direction a eu recours à des constructions administratives abracadabrantesques pour arriver à ses fins : le retrait de la " chefferie de pôle ", la mutation de la cadre supérieure du pôle, la " mise au pas " et au silence des personnes ayant une appréciation divergente de la situation.
Rappelons - une fois de plus - que dans le même temps, aucune enquête administrative n’a éclairé la responsabilité des différentes protagonistes pour les enfermements abusifs et arbitraires.
Bien plus, « l’appareil administratif » a été mis au profit de logiques n’ayant que peu à voir avec une fonction de direction tempérée, apaisante et valorisant le « contradictoire », qualités d’une institution démocratique.
Notre affaire et l’ensemble du dossier administratif attenant en témoignent. Le « contradictoire » n’a pas eu sa place dans l’établissement. La bureaucratie a été mise au service des pré-supposés voire des préjugés de la direction de l’établissement quitte à inventer des preuves tout en effaçant d’autres.
La communication a été plus importante que les faits.
Au-delà de la personne de la directrice, cela en dit long sur la figure anthropologique actuellement promue pour devenir et rester « Directeur » d’une institution publique comme un hôpital.
Cette décoration en dit long sur le peu d’importance accordé aux droits fondamentaux des patients et à leur respect.
Pour rappel, certain(e)s patient(e)s ont été enfermé(e)s jusque quatorze jours dans des chambres non aménagées, sans que les conditions légales pour des isolements psychiatriques ne soient remplies.
Une personne s’est même défenestrée de cette unité. (1)
D’après le « Code de procédure pénale », la séquestration est définie par la loi comme suit :
Article 224-1 : Le fait, sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, d’arrêter, d’enlever, de détenir ou de séquestrer une personne, est puni de vingt ans de réclusion criminelle.
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000027811104
Article 224-2 : L’infraction prévue à l’article 224-1 est punie de trente ans de réclusion criminelle lorsque la victime a subi une mutilation ou une infirmité permanente provoquée volontairement ou résultant soit des conditions de détention, soit d’une privation d’aliments ou de soins.
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000027811099
Article 224-3 : L’infraction prévue par l’article 224-1 est punie de trente ans de réclusion criminelle lorsqu’elle est commise à l’égard de plusieurs personnes.
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000027811093
Ces articles seront-ils rappelés à cette directrice lors de la cérémonie de remise de la décoration ?
Il est possible d’en douter.
Mathieu BELLAHSEN
MediaPart.fr
Note :
(1) « Le mercredi 13 mai, le CGLPL a été informé que toutes les chambres des unités " entrants " et " covid " de l’établissement étaient fermées à clé et qu’une patiente, hébergée dans une unité " entrants ", au deuxième étage, avait été gravement blessée et admise aux " urgences somatiques " après être sortie par la fenêtre de sa chambre qu’elle avait brisée. Le CGLPL ignore si cette patiente souhaitait se donner la mort par défenestration ou si, plus probablement, elle ne désirait que recouvrer sa liberté de mouvements. »
https://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2020/06/joe_20200619_0150_0094.pdf