" GPA éthique " : la posture très marketing de " l’écologiste " Yannick Jadot
" GPA éthique " : la posture très marketing de " l’écologiste " Yannick Jadot
Serge Tenani / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Yannick Jadot, député européen " Europe écologie les verts " (EELV) vante les mérites d’une " GPA éthique ". Le candidat à la présidentielle emprunte la rhétorique " marketing " des acteurs français des filières étrangères de gestation pour autrui. Analyse.
C’est un oxymore.
Lundi 13 décembre 2021, Yannick Jadot (EELV) a exprimé sur " France info " son engagement en faveur d’une " GPA éthique ". Et d’expliquer son projet en une phrase : " Vous pouvez organiser de la gestation pour autrui de façon absolument non-marchande. Il arrive que des sœurs portent un enfant pour une sœur ".
Autre " son de cloche " avec Romain Taillandier, ex-mari de l’animateur de " M6 " Alex Goude, homme d’affaires pour la clinique " Fertility Center " à Las Vegas. Ce dernier affirmait à " Marianne " avec pragmatisme en décembre 2020 : " La GPA doit être un business, sinon, cela ne marche pas ".
Sur le plan " commercial ", ce dernier présente la gestation pour autrui comme une " cause qui fait avancer la société ". Les clients de Romain Taillandier paient leur GPA 170 000 dollars, justement pour obtenir cette garantie " éthique ".
" L’ÉTHIQUE ", LE MEILLEUR GAGE DE PERFORMANCE ÉCONOMIQUE
Ces derniers mois, d’autres communicants français de filières de GPA à l’étranger se sont positionnés sur ce créneau de " la morale ".
Le 25 mars 2021, Sam Hyde, le président de l’agence américaine " Circle Surrogacy & Egg Donation " publiait une tribune dans " Lepoint.fr " titrée : " Pour une GPA éthique ".
« Aux États-Unis, dans un processus très souvent encadré, être " femme porteuse " et faire cet " incroyable cadeau " de porter un enfant pour d’autres exige des qualités exceptionnelles, car il s’agit de bien plus que d’une simple grossesse : grande empathie et désir d’aider à la création d’une famille, stabilité psychologique et financière, vie de famille épanouie, soutien de l’entourage et du conjoint, dossiers médicaux probants, condition d’âge, niveau de vie confortable, etc. Des critères rares pourtant essentiels ».
La sélection de " gestatrices " de qualité – qui doivent être " suffisamment bien " pour porter les enfants des clients – justifie le label " éthique ".
La gestation " haut de gamme " se paie cher. Comptez 142 000 dollars en tout dont 57 000 dollars pour la mère porteuse qui fait " l’incroyable cadeau ". Ce n’est pas étonnant, dans une économie où l’ " éthique " est le meilleur gage de productivité.
LIBÉRALISME CULTUREL ET ÉCONOMIQUE, MÊME COMBAT
Est-ce un hasard si ce terme " marketing " est prononcé aujourd’hui par le candidat d’EELV ?
« En se positionnant sur le créneau du libéralisme culturel, Yannick Jadot défriche le marché, analyse le politologue Jérôme Sainte-Marie. Le parti " Europe Écologie les Verts " n’a pas de ressources idéologiques pour s’opposer à la dynamique du " Capital " ».
Dans ses ouvrages, le philosophe Jean-Claude Michéa ne cesse de rappeler la convergence entre le libéralisme " culturel " et le libéralisme " économique ".
" Ce libéralisme radical se base sur un culte du désir et du narcissisme. Le référentiel n’est plus le collectif, mais l’individu ", analyse Jérôme Sainte-Marie. Ainsi, la " GPA éthique " exige-t-elle le sacrifice total des unes pour satisfaire le désir total des autres.
Les premières étant plus précaires, les seconds plus favorisés.
En 2010, l’avis défavorable du « Comité consultatif national d’éthique » (CCNE) s’appuyait sur des études montrant que les " mères porteuses " sont d’un niveau socio-économique inférieur aux couples " demandeurs ".
Le CCNE évoquait également la question d’une domination des couples " demandeurs " sur les " gestatrices " :
« Et même si elle le fait gratuitement, la femme qui dispose de sa capacité gestationnelle au profit d’une autre ne devient-elle pas une sorte d’outil de production ? (...) La GPA mobilise tout le corps de la femme pendant les mois de grossesse. En outre, le légitime intérêt que les parents d’intention portent à la bonne fin de la grossesse peut constituer de fait une atteinte à l’autonomie de la femme " porteuse ", à sa vie privée ou au droit exclusif que lui donne la loi de prendre toutes les décisions relatives à sa grossesse, y compris celui de l’interrompre dans les limites qui sont autorisées ».
Violaine Des Courières
Marianne.fr