Elections régionales : les écologistes se déchirent

, par  DMigneau , popularité : 0%

Elections régionales : les écologistes se déchirent

Cela fait plusieurs semaines déjà que la rentrée politique française est marquée par les portes écologistes qui claquent les unes après les autres. A deux mois des élections régionales qui s’annoncent très mauvaises pour la gauche, le parti vit une hémorragie lente sur fond de divergences profondes sur la stratégie à adopter face au gouvernement et face au Front National.

« Je suis venue vous dire que je m’en vais »… Cette phrase, c’est la députée de la Somme (Picardie) Barbara Pompili qui l’a prononcée. Après le sénateur Jean-Vincent Placé et le député François de Rugy, après de nombreux élus locaux, la voilà donc qui agrandit le cercle des écologistes disparus.

Un départ qui n’est pas une surprise, tant l’élue n’a jamais fait mystère de ses divergences avec la direction prise par le parti : d’abord le départ du gouvernement en avril 2014, ensuite le refus de s’allier avec le PS aux régionales et singulièrement dans sa région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, une région qui a été le berceau des alliances rose et verte, une région surtout ancrée à gauche qui pourrait bien être dirigée par Marine Le Pen en décembre prochain.

Contrer le FN, l’argument central

« J’ai décidé de reprendre ma liberté », a déclaré Barbara Pompili dans un entretien au journal Le Monde. Pour la députée, le parti a mis « l’écologie dans un corner ». La députée, qui plaide dans sa région pour « une grande liste de toute la gauche », précise qu’elle ne rejoint pas pour l’heure " Ecologistes ! ", le nouveau parti créé par les deux autres dirigeants parlementaires, François de Rugy et Jean-Vincent Placé. « Ce n’est pas ma priorité », dit celle qui avait adhéré il y a quinze ans aux Verts, tout en jugeant « avec sympathie » leur démarche qui va contribuer à ses yeux à « une refondation de l’écologie politique ».

Son objectif affiché : « tout faire pour empêcher une victoire de Marine Le Pen ou de la droite dure. Les premières victimes en seraient les habitants de la région. Je suis assez sidérée de voir qu’il y a assez peu de réactions face à cela », ajoute-t-elle. Réaction cinglante de Sandrine Rousseau, porte-parole d’EELV et chef de file pour les régionales en Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Elle a stigmatisé auprès de l’AFP « les gens qui s’en vont en maîtrisant extrêmement bien la communication, en disant qu’ils sont obsédés par le fait qu’on fasse le jeu du FN ».

Divergences de point de vue chez les écologistes

François de Rugy, co-président avec Barbara Pompili du groupe écologiste à l’Assemblée depuis 2012, a salué sur Twitter un « choix de cohérence, de clarté et d’honnêteté politique ».

L’élu de Loire-Atlantique avait initié la scission d’EELV en annonçant son départ le 27 août, imité le lendemain par le président du groupe au Sénat, Jean-Vincent Placé, dénonçant une « dérive gauchiste ».

Au quotidien Le Monde, Barbara Pompili a précisé qu’elle entendait « évidemment » rester à la tête du groupe écologiste à l’Assemblée nationale qui doit - selon elle - « s’extraire de toute soumission à un parti ».

Le groupe (18 membres) est divisé à parité entre partisans d’un retour au gouvernement et des alliances avec le PS, et défenseurs d’un rapprochement avec le Front de Gauche, dont Cécile Duflot.

Les discussions sont suspendues alors que l’Assemblée s’apprête à examiner une avalanche de textes, dont le projet de budget 2016 sur lesquels chaque sensibilité veut se faire entendre. Et les divisions vont sans doute se raviver d’ici à la mi-octobre et le référendum du Parti socialiste sur l’unité de la gauche aux régionales. Le parti à la rose veut exhorter « le peuple de gauche » à l’unité, pour « faire sauter le verrou de la division » face à la menace du Front national.

Le chemin de croix d’Emmanuelle Cosse

François de Rugy et Jean Vincent Placé y participeront, pour « ouvrir, reparler aux citoyens », plaide ce dernier dans Paris Match. Sur les quatorze listes présentées par EELV en prévision des élections régionales, aucune ne fait mention d’une alliance avec le Parti socialiste. Cela avait déjà été le cas, en 2010, pour le premier tour des élections régionales. Forts de leurs bons résultats lors des élections européennes, un an auparavant, les Verts avaient obtenu 247 sièges de conseillers régionaux, en nouant dans près de 20 régions une alliance avec le Parti socialiste au second tour.

En attendant, la patronne du parti et candidate à la région Ile de France vit - elle - un véritable chemin de croix. Emmanuelle Cosse a beau tenter le grand écart entre les différentes tendances du parti, sur ses propres listes, ce sont huit candidats, le plus souvent en position charnière, qui ont claqué la porte. La plus emblématique est Laure Lechatellier, vice-présidente sortante du conseil régional et tête de liste dans les Hauts-de-Seine. « Il y a une manière d’organiser les départs pour laisser entendre qu’ils sont nombreux, regrette Emmanuelle Cosse. Mais les petites manipulations politiciennes me laissent de glace ».

La future stratégie des écologistes

Chez EELV, David Cormand, secrétaire national adjoint chargé des élections, fustige « ces départs perlés et soigneusement mis en scène pour pénaliser EELV et l’écologie à trois mois des régionales et de la COP21 ». Un congrès du parti écologiste doit être organisé au printemps 2016. Né d’un regroupement de plusieurs partis après le succès des élections européennes de 2009 et régionales de 2010, EELV ne pourra pas faire l’économie d’une réflexion profonde sur son rôle et sa stratégie.

Anissa El Jabri

Rfi, La Voix du monde