Ecolos, la grosse drague du gouvernement

, par  DMigneau , popularité : 64%

Ecolos, la grosse drague du gouvernement

Laurent Fabius, Marisol Touraine, Axelle Lemaire. Pas moins de trois ministres ont été dépêchés aux Universités d’été d’EELV à Villeneuve d’Ascq (Nord). Avec une feuille de route en trois points : tendre la main aux écolos pour les régionales, défendre l’implication verte de François Hollande en vue de la conférence de Paris et tenter d’empêcher une candidature écolo en 2017. Pas gagné.

Sur le papier, le programme des journées d’été des écologistes, cru 2015, est alléchant d’un point de vue médiatique. Duplex exclusif avec Julian Assange, leader de wikileaks, la bête noire des américains, toujours en résidence à l’ambassadeur de l’Equateur à Londres. Présence du trader Jérôme Kiervel, toujours en repentance. Et surtout, pas moins de trois ministres socialistes, signe que François Hollande ne se désintéresse pas d’Europe-Ecologie-Les-Verts alors que l’échéance présidentielle arrive à grand pas.

Jeudi, c’était au tour de Marisol Touraine, la ministre de la Santé, de participer à une table ronde. Un véritable bizutage : la député européenne Michèle Rivasi, ancienne fondatrice de l’association anti-nucléaire de la Criirad, l’accusant de compromissions avec le lobby pharmaceutique et rappelant le triste épisode Cahuzac au passage : « La France, c’est le jackpot pour les lobbys. Je réclame des sanctions ! Car les génériques sont 30 % plus chers que dans les autres pays européens. Alors qu’on pourrait faire près de 10 milliards d’économie pour la sécurité sociale en jouant sur le prix des médicaments. Mais, bien sûr, votre gouvernement préfère redistribuer 132 millions d’euros à Sanofi dans le cadre du pacte de responsabilité, permettant à cette société de reverser 60 % de ses dividendes à ses actionnaires ! »

À la tribune Marisol Touraine encaisse avec le sourire et répond point par point sans se démonter : « Michèle, tu ne peux pas dire que je ferai preuve de bienveillance à l’égard de l’industrie pharmaceutique, ce n’est pas vrai. Nous avons mené depuis 2012 une stratégie de resserrement des prix, et commencer une politique de transparence. Mais il existe aussi de la fraude... Je ne te laisse pas dire que rien n’a été fait sur les médicaments ». Plus tard, la ministre se fait huer et siffler par la salle après avoir prononcé le mot « rassemblement » sur scène.

Mais ce n’est pas la seule ministre à faire la danse du ventre devant les écologistes. Ainsi, vendredi, le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius va se déplacer en personne dans le cadre d’un débat avec Emmanuelle Cosse, la secrétaire nationale d’EELV, sur la prochaine conférence internationale de la Cop 21, organisée par la France, ainsi que la secrétaire d’Etat chargée du numérique, Axelle Lemaire qui va, elle, débattre de l’Internet...

Cette année, Cécile Duflot, qui ne cache pas ses ambitions présidentielles, a préféré faire profil bas lors des journées d’été en ne sortant son prochain livre qu’à la mi-septembre...

Ses appels du pied ministériels, Emmanuelle Cosse feint de les ignorer quand elle est obligée de répondre aux questions insistantes des journalistes : « Le parti n’a pas de position sur la présidentielle. Ouvrir même le débat de primaires à gauche comme certains le font, ce n’est pas le sujet aujourd’hui. Nous sommes actuellement en campagne pour les régionales. Et les Français ne se préoccupent pas de la présidentielle ! Ce n’est pas le débat ! »

Notant d’ailleurs au passage que Cécile Duflot, elle-même, n’a pas encore lancé le débat au sein du parti. Cette année, l’ancienne ministre écolo, qui ne cache pas ses ambitions présidentielles, a d’ailleurs préféré faire profil bas lors de ses journées d’été en ne sortant son prochain livre qu’à la mi-septembre...

Opération discrétion chez Duflot donc, et attentisme général chez le reste des écolos.

En dehors des parlementaires comme François De Rugy, Barbara Pompili, et Jean-Vincent Placé, qui espèrent entrer un jour au gouvernement, la plupart des militants ont bien du mal à voir où va le vaisseau écolo, de plus en plus replié sur les préoccupations de leurs élus et de leurs collaborateurs : « Comme l’année dernière, ces journées d’été ont un programme particulièrement apolitique. On débat de tout et de rien. Mais surtout pas de stratégie politique. Ni de réel projet alternatif  », se désespère une militante historique.

« La question n’est vraiment pas de savoir si on reste en dehors d’un gouvernement socialiste, ou si on n’y fait notre retour, mais plutôt de savoir comment on pèse une fois dans les institutions. Or aujourd’hui, j’ai l’impression que le parti est totalement déconnecté de la société  », critique un autre. En ajoutant, pessimiste : « Nous assistons à la longue dérive d’un parti. Ce n’est pas chez les écolos que les choses se passent, mais dans plein de mouvements sociaux qui naissent ici ou là, et qu’on n’arrive plus à capter ». Il pointe au passage les anciens de la « société civile », comme Emmanuelle Cosse (ex présidente d’Act Up) ou Yannick Jadot (ex leader de Greenpeace), que le parti a intégré depuis la création d’EELV en 2009, sous l’impulsion notamment de Daniel Cohn Bendit : « Depuis qu’ils sont dans le parti, ils sont presque encore plus déconnectés que les plus apparatchiks d’entre nous », se désole ce militant. Plus que jamais, les militants d’Europe-Ecologie-Les-Verts se posent la question de leur place dans le mouvement écolo, et plus globalement, dans la société française.

Ecolos : quand « Laurent » parle à « Emma »

C’était le clou de la journée d’hier à l’université d’été d’Europe-Ecologie-Les-Verts : le débat entre Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, et Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’EELV, sur la COP 21, la conférence internationale sur le climat qui se tiendra à Paris en décembre. Les deux responsables ont multiplié les gestes d’amabilité...

« Très habile le fafa », remarque une militante écolo au moment de sa prise de parole de Laurent Fabius aux journées d’été d’Europe-Ecologie-Les-Verts sur la COP 21, la conférence internationale sur le climat qui se tiendra à Paris en décembre. Et le ministre des affaires étrangères n’y est pas allé de main morte pour séduire les écolos.

Il s’est fait d’abord optimiste : « Il faut être ambitieux, sinon on se sera réunis pour rien. Tout est prévu pour que Paris ait l’accord ». Puis, en annonçant que « la France devra montrer l’exemple », il a suscité des torrents d’applaudissements.

Si les choses n’étaient pas assez claires, il a également tenu à remercier EELV au début et à la fin de son intervention. La chaleur de la salle aidant, il a laissé tomber la veste, et s’est mis à appeler l’ensemble des intervenants par leur prénom, y compris les différents responsables écolos, notamment « Emma ». Laquelle lui a rendu la pareille en l’appelant par un très peu protocolaire « Laurent ».

Emmanuelle Cosse a pourtant profité de l’opération séduction de Fabius pour avancer ses pions. Dans une intervention offensive, elle a exigé l’instauration d’une taxe sur les transactions financières au niveau européen : « La France n’est pas au rendez-vous », a-t-elle balancé au ministre des Affaires étrangères au sourire devenu pincé. « Ce que nous attendons du gouvernement français, c’est de réellement arbitrer, a-t-elle asséné. Et pas uniquement suivre les sirènes de la Société Générale ou de la BNP Paribas qui jouent un rôle néfaste sur le sujet ». Et d’évoquer également l’arrêt des aides au charbon, le désinvestissement public à l’égard des activités polluantes, notamment les véhicules diesel, et bien sûr également, l’instauration d’une taxe poids lourd.

Evitant soigneusement de répondre sur l’écotaxe, sujet particulièrement sensible pour le gouvernement socialiste depuis le mouvement des bonnets rouges bretons, Laurent Fabius a toutefois indiqué au sujet de l’arrêt des aides au charbon : « Je pense que l’engagement qui a été pris par François Hollande doit être strictement tenu avant le commencement de la COP 21 ». Moins sûr de lui, il a reconnu que « les choses étaient plus compliquées » sur une taxe européenne sur les transactions financières, chaque pays avançant ses propres propositions contradictoires : « Mais il faut vraiment une taxe même si au départ elle ne rapporte pas beaucoup d’argent », a-t-il ajouté. Malgré quelques flottements, mission remplie donc pour le ministre (et donc François Hollande) : sa séduction décontractée a, semble-t-il, ravi les écolos. Qui ne sont pas dupes pour autant de sa danse du ventre.

Marc Endeweld

Marianne