David Cormand : « Il y a ceux qui veulent être servis et les autres »

, par  DMigneau , popularité : 0%

David Cormand : « Il y a ceux qui veulent être servis et les autres »

Le numéro 2 d’EELV assiste, impuissant, à l’hémorragie des élus de son parti. Il continue de défendre la stratégie d’autonomie par rapport au parti socialiste et il fustige ceux « qui souhaitent d’ores et déjà soutenir François Hollande, quel que soit son bilan à la fin de son mandat ».

Marianne : Où en êtes-vous dans la constitution des listes pour les élections régionales de décembre prochain ?

David Cormand : Pour l’instant, sur les 13 régions métropolitaines, nous sommes uniquement sur des listes indépendantes du Parti socialiste. Dans deux régions, Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon et PACA, ce sont des listes où nous sommes avec le Front de Gauche et dans deux autres régions, Rhône-Alpes-Auvergne et Nord-Pas-de-Calais-Picardie, nous partons avec des composantes du Front de Gauche. Il reste encore des dernières discussions, ici et là, mais a priori, nous devrions en rester là. Donc dans les autres régions, il y a des listes écologiques, indépendantes et citoyennes qui se présentent.

Marianne : Donc le facteur commun de ces listes est de favoriser l’autonomie par rapport au Parti socialiste ?

David Cormand : Ce n’est pas une nouveauté. En 2010, dans toutes les régions, il y avait des listes EELV indépendantes du PS. En 2004, il y avait un tiers des régions dans lesquelles nous étions en autonomes et deux tiers avec le PS. La fois d’après, alors que nous avions gouverné des régions avec les socialistes, il n’y avait que des listes indépendantes. Nous poursuivons la stratégie lancée en 2010. Ce n’est donc ni un scoop ni une surprise…

Marianne : Vos anciens amis mettent pourtant en avant des divergences stratégiques pour justifier leur départ d’EELV…

David Cormand : Ce sont des prétextes. D’ailleurs, la plupart des personnes qui sont parties étaient eux-mêmes candidats sur des listes indépendantes du PS en 2010… Je pense que la vraie raison est la préparation de 2017. Ces personnes souhaitent d’ores et déjà, quel que soit le bilan de la fin du mandat de François Hollande, le soutenir…

Marianne : Ce dimanche, le Parisien publiait un sondage Odoxa qui créditait les listes EELV de 3 % des intentions de vote. Quelle analyse vous inspire ce chiffre ?

David Cormand : J’ai une règle d’or qui est de ne jamais croire les sondages… sauf quand ils sont très bons ! Plus sérieusement, c’est un sondage national sur un scrutin régional : on passe totalement à côté de la territorialité du scrutin d’autant que jusqu’à présent, il n’y a aucun sondage en région qui met EELV en-dessous de 7 %... Donc je ne vois pas comment Odoxa arrive à un tel résultat.

Après, il ne faut pas non plus être dans le déni. La mise en scène des départs que nous avons subis altère sérieusement l’image d’EELV, c’est certain. Ce n’est pas très glorieux pour ceux qui partent mais ceux qui restent en subissent aussi les effets collatéraux. A quelques mois de la COP 21, le bruit de fond qui apparaît est que « les écologistes s’engueulent encore… » De ce point de vue, l’opération est très bien menée et à ce stade, nous en sommes victimes. Après, je ne suis pas sûr que cet effet va perdurer jusqu’au mois de décembre.

Marianne : Ces départs, selon vous, sont-ils un affaiblissement de EELV qui perd ainsi une partie de ses sensibilités ou bien une chance de clarifier une bonne fois pour toutes les divergences idéologiques de ses membres ?

David Cormand : Les deux à la fois. Personnellement, j’ai toujours plaidé pour le rassemblement des écologistes. Mais comme l’ensemble des partis politiques, nous vivons un moment de décomposition des champs politiques traditionnels.

Cela peut-être une opportunité pour l’écologie qui s’est toujours situé en dehors de la fracture " gauche/droite ", de clarifier ce qu’est l’écologie du 21ème siècle par rapport aux vieilles idéologies quelles soient de droite ou de gauche. Mais la malédiction de la Vème république qui organise tout autour de la présidentielle fait qu’un certain nombre de nos amis ont refusé de tenter ce pari et ont préféré se réfugier derrière les vieux clivages et le grand frère socialiste.

Donc, c’est un affaiblissement, évidemment, à chaque fois qu’il y a des écologistes qui quittent le principal parti de l’écologie, ce n’est pas un bon signe. Mais c’est aussi une forme de clarification – même si je n’aime pas vraiment ce mot - sur les ambitions des uns et des autres. Certains veulent être servis par un autre parti plus puissant qu’eux et d’autres, à EELV, souhaitent porter un projet écologique même durant un moment politique difficile.

Marianne : Vous évoquez la nécessité d’une recomposition politique. Mais la tribune publiée dans Libération par quatre parlementaires pour créer un nouveau groupe et cette stratégie que vous développez à EELV depuis les départementales de rapprochement avec les forces de l’autre gauche opèrent-elles du même constat ?

David Cormand : Je pense que ce sont deux choses qui n’ont rien à voir.

D’un côté, il y a la volonté de construire une offre politique qui sera directement proposée aux électrices et aux électeurs, à l’échelon régional. Dans certaines régions, les écologistes voulaient le faire, dans d’autres, ça n’a pas été possible mais le point commun est de dire que, dans ce moment politique si particulier, il y a besoin de porter un vrai projet, à la fois d’alternance pour les régions et alternatif sur le plan politique au moment où il faut inventer de nouvelle solutions.

Mais ça, c’est une chose qui se fait avec les citoyens et qui sera proposée directement aux suffrages.

Pour ce qui est de l’appel des quatre parlementaires pour constituer un nouveau groupe politique à l’Assemblée nationale, cela ressemble plutôt à un montage institutionnel d’autant qu’il n’est pas validé par les citoyens dans leurs votes.

Je ne suis pas favorable à ce genre d’arrangements entre amis. Je souhaite, et je pense que c’est ce qu’il va se passer, qu’un groupe écologiste, même si il y a eu des divergences ces derniers temps, subsiste à l’Assemblée comme au Sénat.

Je pense que les recompositions, si elles doivent se faire, ne se font pas par le haut mais par le bas, à l’occasion d’élections où les citoyens votent directement.

Marianne : Auriez-vous voulu qu’il y ait plus de listes de « rassemblement citoyens » composées des autres forces de gauche ? Notamment en Ile-de-France par exemple…

David Cormand : Non. Je fais confiance à l’ensemble des équipes locales, des camarades écologistes dans toutes les régions, pour choisir la stratégie qui est la mieux adaptée aux thématiques locales et aux liens qui sont déjà noués ou pas avec d’éventuels partenaires. Ce serait la pire des choses que de vouloir plaquer régionalement des stratégies nationales dictées de Paris.

Le moment des élections régionales, surtout pour les écologistes, n’est pas un moment jacobin mais à l’inverse ; un moment où l’on donne toute sa place aux citoyens dans les régions. EELV étant en plus un parti très régionaliste, ce serait un paradoxe énorme de vouloir imposer une stratégie nationale. Les militants dans les régions ont fait ce qu’ils avaient à faire. Et dans ce cadre là, je les soutiens entièrement.

Propos recueillis par Bruno Rieth

Marianne