Cambodge. Une ONG pour aider les syndicats

, par  DMigneau , popularité : 64%

Cambodge. Une ONG pour aider les syndicats

Des salariées d’une usine cambodgienne de confection de chaussures pour des marques comme Nike, Adidas victimes de malaises dus à une surcharge de travail.
Photo : CLEC

Trop dispersés et très nombreux, les syndicats cambodgiens patinent dans leur lutte en faveur du droit des travailleurs. Une nouvelle ONG, « Central », souhaite apporter son aide pour remédier au problème.

En visite officielle au Cambodge depuis lundi, le secrétaire d’État américain John Kerry, lors de son entretien avec le Premier ministre Hun Sen hier, n’a pas manqué de pointer les atteintes régulières aux droits de l’Homme dans le royaume khmer. Notamment dans le secteur du textile où les violations du droit des travailleurs ont toujours court allant parfois jusqu’au bain de sang. Il y a un an, la répression du mouvement de grève des ouvriers du vêtement qui réclamaient une augmentation du salaire minimum a fait quatre morts, trois disparues, 39 personnes blessées et 23 arrêtées.

Cette réalité n’empêche pas les acteurs de la société civile de persévérer dans leur lutte en faveur des travailleurs. À l’image de Moeun Tola et ses collègues du Centre Communautaire d’éducation Juridique (CLEC) qui, en juillet 2013, ont eu une sorte de déclic.

Les rues de Phnom Penh sont à ce moment-là envahies par plusieurs milliers de manifestants réclamant des élections législatives sans fraudes et le respect de leurs droits en tant que citoyen et travailleur. « Nous avons remarqué que les agriculteurs se battaient pour eux-mêmes, les travailleurs se battaient également pour eux-mêmes et pareil pour les jeunes… Il n’y avait pas de coordination entre les groupes », relate Moeun Tola au " Cambodia Daily " dans un article paru décembre dernier.

De là naît une idée simple : fédérer l’ensemble de ces énergies afin de mieux lutter pour le droit des travailleurs cambodgiens. Fin décembre 2015, quatorze membres du personnel du CLEC inaugurent la création du " Centre pour l’Alliance du Travail et des Droits de l’Homme " ou « Central ». Comme l’explique Moeun Tola, cette nouvelle ONG sera « axée sur l’organisation des travailleurs, la mise en réseau des personnes de tous les secteurs. Pas seulement les ouvriers, mais aussi les jeunes, les agriculteurs etc. Nous allons renforcer le pouvoir des gens ordinaires. »

Le secteur textile, premier terrain de lutte de l’ONG

Comme premier terrain de lutte, les employés de Central ont choisi le secteur du textile. Employant 700 000 personnes pour un chiffre d’affaire actuel estimé à 5,8 milliards de dollars, l’industrie cambodgienne du vêtement est l’un des poumons économique du pays.

Nombreuses sont les marques occidentales à y employer de la main-d’œuvre locale. Si le Cambodge a déjà signé plusieurs conventions internationales relatives au droit du travail et surtout, possèdent près de 3 000 syndicats, les violations demeurent encore nombreuses en la matière. Selon l’avocat du droit du travail, Moeun Tola, cette situation est liée aux divisions internes de certains syndicats et aux réticences du gouvernement à imposer le strict respect des conventions qu’il a signées. Par peur de voir les investisseurs étrangers partir en Birmanie, au Vietnam ou en Thaïlande.

En rassemblant les syndicats et leurs membres, Central espère les faire travailler ensemble dans la formulation de leurs revendications. Réunions stratégiques, pétitions en ligne, formations pour prendre des photos et vidéos de toutes les infractions commises par les employeurs, l’ONG envisage différents outils pour soutenir les travailleurs dans leurs luttes. À commencer par le salaire minimum vital, réclamé de longue date par les citoyens cambodgiens.

Ecouter la base

Concernant son fonctionnement, Central l’envisage le plus participatif possible. « Notre stratégie est de renforcer les travailleurs à la base, de sorte qu’ils puissent dire quoi faire au syndicat national ou aux syndicats régionaux. » conclut Moeun Talo dans le journal cambodgien. « Nous devons accepter que le syndicat démocratique ne soit pas celui qui tire sa puissance du haut, mais du bas de l’échelle ».

Mathieu Viviani

L’Humanité