Belgique : les " travaux d’Hercule " du nouveau premier ministre
Belgique : les " travaux d’Hercule " du nouveau premier ministre
BELGA via AFP
Seize mois après les élections législatives, la Belgique a enfin un gouvernement. Entre hostilité des citoyens et divergences internes, les défis qui attendent le nouveau premier ministre, Alexander de Croo, sont immenses.
C’était long, mais c’est fait !
Depuis le 1er octobre et après 473 jours d’attente, la Belgique s’est officiellement trouvé un gouvernement de plein exercice et un « Premier ministre », le libéral Flamand Alexander de Croo.
La nouvelle met fin à une crise politique qui se poursuivait depuis les législatives de mai 2019 marquées par la défaite des partis traditionnels (" socialistes ", libéraux, " chrétiens-démocrates ") et la progression des " extrêmes " et des " écologistes ".
Plus d’une dizaine de tentatives ont été nécessaires pour arriver à un compromis mêlant pas moins de sept partis !
Issus de quatre familles politiques (" socialistes ", libéraux, " écologistes " ainsi que les " chrétiens-démocrates " flamand) ces derniers ont finalement réussi à s’entendre pour prendre ensemble " les rênes " de l’exécutif belge.
" Nous étions à la fin du mandat de Sophie Wilmès qui depuis près d’un an était à la tête d’un exécutif d’affaires courantes sans majorité à la Chambre " rappelle Jean Faniel, directeur général du « Centre de recherche et d’information socio-politiques, basé à Bruxelles » (CRISP).
" Il fallait donc prendre une décision rapidement pour gérer la crise et surtout voter un budget. En outre, ces partis avaient la volonté commune d’éviter de nouvelles élections qui auraient favorisées, selon eux, les partis extrémistes. "
Cette coalition baptisée « Vivaldi » en référence aux quatre saisons du compositeur vénitien sera menée par le libéral flamand Alexander de Croo.
Nommé « Premier ministre », cet ancien ingénieur commercial de 44 ans aura un rôle politique crucial dans le mandat de ce gouvernement.
Redonner confiance aux Belges
« On a tiré " à pile ou face ", c’est tombé sur Alexander et c’est un excellent choix », avait de suite plaisanté le " socialiste " Paul Magnett préalablement chargé de composer le prochain gouvernement fédéral en binôme avec le nouveau « Premier ministre ».
Une nomination - blague à part – qui ne doit rien au hasard.
L’origine régionale du nouveau chef du gouvernement belge a lourdement pesé dans la balance. « Symboliquement, c’était important d’avoir un premier ministre flamand. » confirme le politologue Dave Sinardet, « Mais pas seulement. Sur le plan politique aussi, l’origine régionale du premier ministre était primordiale, car ce gouvernement va être attaqué en Flandre où la N-VA (droite) et " Vlaams Belang " (extrême droite) sont dans l’opposition ».
Les deux partis les plus puissants de Flandre étaient sortis premiers du scrutin de mai 2019 dans la région, mais avaient été exclus de la coalition, faute d’accord.
" Au-delà de la Flandre, c’est la confiance de l’ensemble des citoyens belges qu’il va falloir gagner ", reprend Dave Sinardet. Et pour cause : en 10 ans, la Belgique a connu deux crises politiques.
En 2010-2011, déjà, le pays était resté sans gouvernement pendant 541 jours (son record).
Et en 2019, au début de la dernière crise, une étude menée par « l’Union nationale des mutualités socialistes » montrait que 41 % des citoyens n’avaient pas du tout confiance dans le système et encore moins vis-à-vis du politique.
" Aujourd’hui, ce chiffre a probablement encore augmenté ", suppose Jean Faniel.
" Redonner confiance dans le politique, sera sans doute parmi les plus gros défis du premier ministre et de son gouvernement ".
Un challenge : gérer les divergences au sein du gouvernement
Pour regagner cette confiance, Alexander de Croo devra réussir à gérer les divergences au sein de son gouvernement.
Mais comment faire alors que sept partis politiques aux idéologies parfois opposées, se partagent le pouvoir exécutif ?
" Dans un premier temps, il va falloir apaiser cette équipe qui a négocié sous pression " estime Jean Faniel. Pour se mettre d’accord sur la ligne à suivre, les partis politiques ont signé un « accord de gouvernance » qu’ils devront, à priori, respecter.
« Ce rapport est relativement détaillé pour certaines mesures, mais d’autres sont laissées en suspens. On retrouve parfois des phrases qui commencent dans un sens et qui terminent dans un autre. Cela montre qu’il y a des points de tension », conclut le directeur du CRISP.
En ce qui concerne la répartition des " portefeuilles ministériels ", les choses sont - en revanche - assez convenues en Belgique.
« Les " socialistes " ont les ministères sociaux, les " écologistes " les compétences " vertes " et la droite libérale ou " social-chrétienne " les ministères plutôt régalien et financier » explique Dave Sinardet.
« Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de débats. De nombreux sujets sont transversaux comme " l’écologie " et d’autres très conflictuels comme l’immigration. »
Ainsi, le « Premier ministre » devra assumer le rôle de coordinateur au sein de son équipe. Une équipe qui en tout cas - et c’est une première victoire - s’est dores et déjà entendue sur un plan d’urgence destiné à lutter contre les effets pervers de la pandémie sur les fronts économiques et sociaux ainsi que sur une refonte du système fédéral à l’horizon 2024.
Robin LEMOINE
Marianne