A l’occasion du 110e Anniversaire de la naissance du Général Giap (25/8/1911 -25/8/2021) – le héros de la bataille de Dien Bien Phu
A l’occasion du 110e Anniversaire de la naissance du Général Giap (25/8/1911 -25/8/2021) – le héros de la bataille de Dien Bien Phu
Si l’on devait résumer d’une formule la vie et la personnalité de Vo Nguyen Giap, celui qu’Ho Chi Minh considérait comme un de ses " fils préférés ", avec Pham Van Dong, on pourrait, on devrait dire : cet homme a toujours eu un mal fou à dire " je ".
Il riait lui-même beaucoup des formules lues sous la plume d’observateurs occidentaux, du type " Le vainqueur de Dien Bien Phu ", " L’ennemi le plus redoutable des Français, puis des Etasuniens ".
Giap n’aimait pas personnaliser les événements, comme toujours les Vietnamiens, comme souvent les « communistes ». Ce n’était pas de la fausse modestie : quand il affirmait que " c’étaient les masses " qui " faisaient l’Histoire ".
Il croyait ce qu’il disait.
Précisons pourtant : il fut bel et bien " le père de l’armée populaire vietnamienne ".
IL fut bel et bien " le vainqueur de Dien Bien Phu ".
Il fut bel et bien " le stratège de la guerre contre les États-Unis ".
Certes, parmi bien d’autres officiers et soldats, mais bien à sa place, la première.
En bon " marxiste ", Giap aurait dû reconnaître que les grands bouleversements de l’Histoire du monde naissent de la rencontre entre des " éléments objectifs " et la capacité de grands hommes d’exploiter des situations.
Mais, décidément, sa modestie et, je dirais, son " hochiminisme " l’en empêchaient.
J’ai eu l’insigne honneur de le rencontrer dix, vingt, trente fois, rencontres échelonnées sur une trentaine d’années et de devenir - si j’ose dire- " un proche ".
La première fois, c’était en mars 1979, à Hanoi.
Le Vietnam traversait alors l’un des pires moments de son Histoire. Son économie était vacillante, ses relations internationales disloquées (blocus des Etats-Unis, hostilité allant jusqu’à la guerre menée par la Chine au nord et les " Khmers rouges " pro-chinois au sud), la France " giscardienne " n’était pas la dernière à vitupérer son ancienne colonie, le Vietnam se retrouvait dans un " tête-à-tête ", qu’il aurait probablement préféré éviter, avec l’URSS et le " Comecon " – lesquels, affaiblis, entamaient alors leur dernière décennie d’existence.
Et cet homme, qui n’avait jamais douté - qui ne doutait pas ! - transmettait sa confiance.
Vo Nguyen Giap, né le 25 août 1911, aura consacré son siècle d’existence à la défense de deux idéaux : l’indépendance nationale de son peuple et le « communisme ».
Dissocier les deux, tenter de choisir entre le patriote Giap et le " camarade Van " (c’était son nom dans la résistance), comme il est parfois procédé en « Occident », paraît un exercice infructueux.
Né au centre du pays, tout près de ce « 17 è parallèle » qui avait si longtemps, trop longtemps, déchiré son pays, mais aussi dans une région connue pour ses traditions de lutte, il s’est engagé très tôt dans le mouvement national.
À quinze ans, il est exclu du lycée de Huê pour participation à une manifestation « nationaliste ». Vers cette époque, il est déjà en contact avec le " Tan Viet ", Parti « nationaliste » aux options nettement " progressistes ", " socialistes ".
Il y a déjà, alors, des noyaux « communistes » qui vont progressivement s’imposer. On peut dire que, dès 1930 et la fondation d’un " Parti communiste vietnamien " (qui deviendra " indo-chinois "), le " bras de fer " est commencé, les deux principaux protagonistes d’une lutte titanesque sont en présence.
Le jeune Vo Nguyen Giap a entendu parler dès sa jeunesse d’un certain Nguyen Ai Quoc, le futur Ho Chi Minh, alors éloigné du Vietnam, mais terriblement efficace dans sa lutte au sein de la " III è Internationale ".
Dans le pays, la réputation de ce patriote " hors normes " grandit. Aussi est-ce tout naturellement qu’avec un autre jeune militant, Pham Van Dong, il prend contact avec ce Nguyen Ai Quoc.
Nous sommes en 1940, la guerre vient de prendre une dimension mondiale. C’est ce noyau d’hommes déterminés, appuyé sur une mobilisation populaire croissante, qui va donner naissance au mouvement dit " Viet Minh " (1941), puis qui va proclamer l’indépendance du pays (1945), enfin entamer une lutte de trente années contre les envahisseurs étrangers, qu’ils aient l’étiquette " colonialiste " (Français) ou " impérialiste " (Américains).
Dans sa longue vie, Vo Nguyen Giap n’a pas eu souvent l’occasion de faire des pauses, de prendre le temps de mesurer le chemin parcouru.
Et pourtant ! Quelle disproportion apparente entre sa poignée de premiers " guérilleros ", mal armés, peu formés, et une France colonialiste bien décidée à maintenir à tout prix le joug !
Et, plus tard, contre les Etats-Unis, quel fossé entre ce qui était toujours présenté comme un " petit peuple " et la formidable armada du complexe " militaro-industriel " qui déversa une décennie durant, par millions de tonnes, bombes " à fragmentation ", " napalm " et " dioxine " !
Mais le Vietnam a vaincu, même si - hélas !! - Ho Chi Minh, décédé en 1969, n’a pu voir ce jour.
Le 30 avril 1975, l’armée populaire mettait à bas les derniers pans de l’édifice bâti " pierre à pierre " par les puissances occidentales durant cent vingt années.
" Dans la vie d’un peuple, m’a dit Vo Nguyen Giap, il y a parfois des rêves, des rêves tellement beaux que l’on pourrait croire leur réalisation impossible. Eh bien ! En cet instant, nous avons pu réaliser un rêve chéri : voir enfin le pays réunifié et libre. Le pays indépendant, en paix et en marche vers le socialisme. Nous n’avons jamais eu une minute d’émotion comparable à celle-là. Et, tous, nous étions très émus, parce que nous pensions à notre Président Ho Chi Minh ".
Alain RUSCIO
Le Grand Soir.fr