À l’anti-meeting de Sandrine Rousseau : " anti-discours ", " anti-contenu ", " anti-crédibilité "

, par  DMigneau , popularité : 0%

À l’anti-meeting de Sandrine Rousseau : " anti-discours ", " anti-contenu ", " anti-crédibilité "

Sandrine Rousseau, l’ancienne numéro 2 d’EELV, a tenu jeudi 9 septembre un " anti-meeting " sur une péniche à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Ugo Padovani / Hans Lucas via AFP

On dit souvent que les politiques ne tiennent pas leurs promesses. Mais quand Sandrine Rousseau, candidate à la primaire " écologiste ", annonce un " anti-meeting ", elle a le mérite de ne tromper personne sur la marchandise : tout est réuni pour passer une véritable " anti-soirée ".

Notre contributeur Samuel Piquet y était.

Sandrine Rousseau sait créer l’attente. La réunion a débuté à 18 heures mais " le pot " est prévu à 19 heures. Étant donné que le paquet de chips sans gluten est à 4,50 euros, on n’a pas d’autres choix que de l’attendre pour manger.

Sur la péniche abritant l’évènement, on trouve un grand panneau ; " Nous ne voulons plus ".

Intrigué, je m’approche, pour lire les propositions qui y sont inscrites.

Que ne veut plus Sandrine Rousseau ?

" L’impunité de l’écocide ".

Mais comment le punir ?

C’est sûrement écrit sur un second panneau non-exposé. On ne veut plus non plus " de cette école exsangue, incapable de remplir ses fonctions d’inclusivité et d’émancipation ".

Pour les savoirs, on verra plus tard.

Quant à " l’impuissance des institutions faces aux violences faîtes aux femmes ", on comprend qu’elle sera toujours plus grave que l’impuissance face aux violences faites à l’orthographe.

Je me dirige ensuite vers un autre stand, intitulé " radicalité environnementale ".

" Que signifie cette expression ? ", demandé-je poliment.

" Attendez, faut que je réfléchisse parce que c’est la première fois qu’on me pose la question ", me répond-on. Je suis vite rassuré quand on m’explique qu’on vise " 100 % d’énergies renouvelables d’ici 2050 ".

Difficile de faire plus crédible.

Un peu plus loin, deux personnes jouent à un " jeu de plateau ". L’un des deux tire une carte et lit la question : " Nicolas Dupont-Aignan se rallie à vous au second tour, que faites-vous ? "

Je pars.

Il est maintenant 20 heures, c’est le début du grand " show ". Celui-ci commence en chanson, mais pas n’importe quelle chanson : " Qu’attend-on pour être les citoyens responsables d’une terre périssable ? ", s’émeut la chanteuse avant de conclure : " L’humanité étouffe sous l’envie de profit ".

On a déjà hâte que ce mouvement prenne le pouvoir pour transformer l’art en slogans bienveillants.

Trois porte-parole de la candidate se succèdent ensuite à la tribune. Compte tenu des récentes déclarations de Sandrine, il faut bien ça pour assurer le " service après-vente ".

" LES ASTRES SONT PARFAITEMENT ALIGNÉS "

Dans la salle, l’ambiance est surchauffée, on se croirait à un conseil des ministres animé par Jean Castex et Olivier Véran.

La première intervenante déclare : « Les temps doivent changer pour nous les femmes, pour nous les racisé.e.s, les ouvriers, les professeurs (RIP les ouvrières et les professeuses) les LGBT, les oubliés, les humiliés  ».

C’est beau comme du Paulo Coelho.

Une autre explique qu’on peut lui faire confiance, car elle vient " de la société civile ".

Comme les membres de " LREM " ?

Une militante y croit dur comme fer : " Pour l’union de la gauche, les astres sont parfaitement alignés ".

Parole de sorcière.

Une autre n’hésite pas à attaquer les sujets de fond tout en défiant le " politiquement correct " : " Le carbone est gratuit et toxique, comme tout ce que dit Eric Zemmour. "

Un tel courage force l’admiration.

" Quand on est attaqués par les fascistes, on doit faire front. Nous le serons tous un jour ", explique encore un intervenant à cette grande famille de résistants.

Une autre intervenante rappelle : " Sandrine Rousseau a déjà une longueur d’avance ".

Niveau bourdes, c’est indéniable.

Une autre déclare : " Notre pays doit être le pays de la lumière renouvelable. "

Pour les « Lumières », on repassera. Quant aux polémiques récentes, on n’en a que faire, nous assure-t-on : " Quand ça dérange, c’est qu’on est sur la bonne voie ".

Une autre encore explique : " Les temps vont changer car, oui, les temps changent ".

Une telle démonstration laisse pantois. Elle enchaîne, sans peur de la contradiction : " Ce n’est pas parce que nous sommes des femmes que nous ne réfléchissons pas. "

Effectivement, ça n’a rien à voir, c’est autre chose.

Enfin, le langage est souvent empreint de poésie comme lorsque cette militante déclame un magnifique alexandrin : " On a fait de l’indifférence une gouvernance ".

Ce vieux mâle cis " blanc " de Victor Hugo peut aller se rhabiller. La soirée est un véritable " sans-faute " à cet égard, tous les mots-clés ont été prononcés : " diversité ", " communautés ", " systémique ", " éco-féminisme ", " urgence climatique ", " sororité ", " violence sexistes et sexuelles ", " projet de rupture ". Mais ce ne serait ni un " anti-meeting " ni un rassemblement " écologiste " si on n’en avait pas aussi inventé quelques-uns comme " démocratiseuse ", " syndrome de l’impostrice " ou " grand cycle fraternel et sororel de la République ".

La soirée aurait pu s’arrêter là tant on avait déjà " des étoiles dans les yeux ". Ce n’était pourtant qu’un avant-goût.

Vient enfin la Candidate, immaculée de blanc, transfigurée par sa mission autant que par son charisme qui ferait passer Jean-Marc Ayrault pour " le Che ".

Première surprise et ce n’est pas la dernière : quand on l’appelle sur scène, Sandrine reconnaît son prénom. Elle fustige notre " façon napoléonienne de faire de la politique ".

Pour ça, on lui fait entièrement confiance : aucun risque de les confondre.

La candidate jubile : « Avant on me demandait ce que je faisais dans cette primaire… neuf mois après, on me dit : " vous pourriez la gagner cette primaire ". Et moi, je leur réponds : " on va la gagner cette primaire ! ". »

Mais sait-on désormais ce qu’elle y fait ?

" D’ici dimanche, allez chercher le plus de monde possible ", supplie-t-elle.

Façon Gérard Holtz à la grande époque du " Téléthon ", elle répète à l’envi " mobilisez-vous ! ". Elle s’imagine déjà présidente le 20 mai 2022 au soir, précisant : " Faut que je regarde la date, ça peut me concerner ".

Elle fait bien, il s’agit - en réalité - du 24 avril. On sent qu’elle se projette à fond.

" Ce ne sera d’ailleurs pas une simple victoire nationale mais ce sera une victoire pour les femmes et pour toutes les personnes discriminées partout dans le monde ", prédit la candidate.

" On va renverser la table ", ajoute-t-elle.

Bon, pour le moment, on va se contenter de les pousser pour danser. Ce sera d’ailleurs la seule bonne initiative de la soirée.

Samuel PIQUET

Marianne.fr