50 ans après la mort de Jimi Hendrix, les trois disques posthumes à écouter
50 ans après la mort de Jimi Hendrix, les trois disques posthumes à écouter
ERIK KARLSSON / EXPRESSEN / TT NEWS AGENCY / TT NEWS AGENCY/AFP
Un live, une compilation, une ébauche d’album : voici trois disques essentiels dans l’œuvre posthume de Jimi Hendrix, mort le 18 septembre 1970, il y a cinquante ans jour pour jour.
Il y a cinquante ans, jour pour jour, le plus grand guitariste de l’Histoire disparaissait à l’âge de 27 ans. Depuis la mort de Jimi Hendrix, ses producteurs, son manager et sa famille se sont âprement disputé son héritage musical.
L’exploitation du filon Hendrix a débouché sur la parution d’innombrables disques, la moindre " chute de studio " étant bien souvent publiée et catapultée au rang de " pseudo-inédit ". Pourtant, parmi ces œuvres posthumes, tout n’est pas à oublier sous le linceul, bien loin de là.
Voici donc, trois disques à écouter pour plonger dans les racines d’Hendrix, se souvenir de sa fougue sur scène et tenter de deviner ce qu’aurait pu être la suite de son œuvre.
" Le live : Hendrix in the West ", 1972, Warner
On aurait bien sûr pu citer le célèbre live à Woodstock, mais si cette performance reste légendaire, de par son contexte et ses quelques " morceaux de bravoure " (" Hey Joe ", " Star Spangled Banner ").
Si cet enregistrement mythique retranscrit bien la furie d’Hendrix " en live ", on lui préférera cependant la compilation " Hendrix in the West ", regroupant des performances des années 1969 (au " Royal Albert Hall " de Londres et à San Diego) et 1970 (à Berkeley et à l’île de Wight) en configuration " power trio " : guitare, basse et batterie.
D’une qualité sonore bien supérieure à l’immense majorité des concerts enregistrés de Jimi Hendrix grâce au travail du producteur Eddie Kramer, les titres réunis sur " Hendrix in the West " permettent de saisir l’incroyable versatilité de l’artiste et de ses complices, navigant sans effort entre " rock ", " blues ", jazz et " funk ".
Accompagné pour ces concerts des brillants musiciens du " Jimi Hendrix Experience " - l’incontournable Mitch Mitchell derrière les fûts et Noel Redding puis Billy Cox à la basse -, Jimi Hendrix étale sa virtuosité volcanique au fil des longues improvisations de " Red House " et " Voodoo Child " (" Slight Return "), revisite deux standards du rock – " Johnny B. Goode " et " Blue Suede Shoes ", revue dans un style " jazz-rock " brillant -, et livre ses meilleures interprétations de la ballade " Little Wing " et de " Lover Man ".
Si elle ajoute quelques titres intéressants (" I don’t Live Today " et " Spanish Castle Magic " notamment), la réédition de 2011 d’ " Hendrix in the West " a l’immense défaut de remplacer, pour des raisons contractuelles, les versions du " Royal Albert Hall " de " Voodoo Child " (" Slight Return ") et " Little Wing " par deux autres interprétations bien inférieures.
A l’époque de la sortie de ce live, l’ancien manager d’Hendrix, Michael Jeffery, ne s’était pas embarrassé de ces questions juridiques, présentant les deux titres enregistrés à Londres comme des morceaux issus du concert de San Diego.
Qu’on se rassure, ces deux pépites peuvent facilement se trouver (légalement) sur internet.
L’œuvre inachevée : " First Rays of the New Rising Sun ", 1997, MCA
Une des pochettes les plus laides de l’Histoire du rock, mais un album posthume qui a le mérite de regrouper ce qui aurait dû - ou du moins pu - constituer le quatrième (et double !) album studio de Jimi Hendrix.
En 1995, la famille du " Voodoo child " prend la main sur son héritage musical, avec la volonté d’y remettre de l’ordre - non sans en tirer profit. L’ingénieur du son Eddie Kramer est donc chargé de " fondre " les premiers albums posthumes (" The Cry Of Love ", " Rainbow Bridge ", " War Heroes " ou autre " Voodoo Soup "), sortis peu après la mort d’Hendrix, en un seul album.
Survendu par les " rentiers du génie " comme un disque respectant les dernières directives de Jimi Hendrix, " First Rays of the New Rising Sun " n’en reste pas moins une éblouissante prémonition de ce qu’aurait été la trajectoire de la comète Hendrix.
Aux antipodes de la fièvre improvisatrice des " concerts live " de la même époque, les prises de " First Rays ", témoignent au contraire de la méticulosité du musicien en studio. Enchaînant les sessions à " l’Electric Lady " - son studio personnel - à l’été 1970, Hendrix resserre ses compositions, qu’il travaille avec acharnement, enregistrant prise sur prise.
Jamais le guitariste n’avait poussé si loin la maîtrise de son son : d’ "Ezy Ryder " à " In From the Storm " en passant par " Hey Baby " (" New Rising Sun "), les possibilités de la " pédale Fuzz " et de la fameuse " wah wah " (le délicieux " Belly Buttom Window ").
Le psychédélisme de l’époque " Experience " se fait toutefois plus discret, et les solos de guitare sont plus construits (" Night Bird Flying ") que par le passé. " Angel " et " Drifting ", slows avant l’heure, attestent une nouvelle fois de la qualité d’écriture " pop " d’Hendrix.
Sur les morceaux plus animés, la basse, virevoltante (" Izabella ", " Stepping Stone "), occupe une place bien plus importante que par le passé. Mitch Mitchell, toujours impérial à la batterie, est cependant beaucoup moins libre de ses mouvements que par le passé, " funk " oblige.
Car c’est bien dans cette direction que lorgne Jimi Hendrix : mêlant l’efficacité d’écriture des standards " soul " et les motifs dansants de la " funk ", le guitariste " dégraisse " sa musique, à contre-courant de la tendance " progressive " et du " hard rock " naissant.
On ne peut que soupirer en imaginant jusqu’où le plus grand guitariste de l’Histoire aurait pu pousser la fusion entre ces genres.
" La compilation : Blues ", 1994, MCA
Parmi les derniers albums conçus par le producteur Alan Douglas - qui signe ici un travail de premier ordre - avant que la famille de Jimi Hendrix ne prenne le contrôle de sa discographie, la compilation " Blues " a l’immense mérite de privilégier, comme son nom l’indique, une approche thématique de l’œuvre du guitariste, plutôt que de vouloir recréer artificiellement un album " à part entière ".
Ici, c’est l’exploration des racines musicales du guitariste " Voodoo " qui passionne. Le disque s’ouvre par une version acoustique du classique " Hear my Train A-Comin’ ". Un " direct " dans les gencives : une guitare sèche, la voix sensuelle de Jimi Hendrix, et la magie opère.
Albert King (" Born Under a Bad Sign "), Elmore James (" Bleeding Heart "), Muddy Waters (" Mannish Boy ", " Catfish Blues ") : au fil de sa trop brève carrière, Jimi Hendrix n’a eu de cesse de rendre hommage à ces maîtres du « blues », magnifiés par la " six cordes " du prodige de Seattle.
Entouré tantôt des musiciens de " l’Experience " (Mitch Mitchell et Noel Redding) puis de ceux du " Band of Gypsys " (Billy Coxx et Buddy Miles), ainsi que de nombreux " guests ", le guitariste a tout le loisir de démontrer ses talents d’improvisateur.
La pièce maîtresse de cette compilation reste " Voodoo Chile Blues ", savant montage des deux premières prises du morceau au " Record Plant " de New York.
Inspiré de " Muddy Waters ", ce morceau est en fait un " jam " semi improvisé après une nuit de fête. Présents parmi la vingtaine de personnes invitée au studio, l’organiste Steve Winwood, du groupe " Traffic ", et le bassiste Jack Casady de " Jefferson Airplane " se joignent ainsi à Jimi Hendrix et Mitch Mitchell.
L’enregistrement à proprement parler, qui débute au petit matin, débouche, comme l’a remarqué le critique musical anglais Charles Shaar Murray, sur une fresque musicale retraçant l’Histoire du blues lui-même, du " delta blues " des origines au jazz de Coltrane.
Un panthéon dans lequel Jimi Hendrix trouve, comme en atteste encore cette compilation, une place naturelle d’héritier et de « passeur ».
Louis NADAU
Marianne