Retraite : les arrière-mondes des " petits hommes gris "

, par  DMigneau , popularité : 0%

Retraite : les arrière-mondes des " petits hommes gris "

C’est à l’heure où, dans notre pays, l’inflation atteint des sommets que " notre " président a décidé de passer en force sur le passage de l’âge de la retraite à 64 ans et sur l’augmentation de la durée de cotisations à 43 ans.

L’ancien ministre de l’économie de François Hollande ne s’en est jamais caché : son ambition est bel et bien de " flinguer " le modèle social issu de 1945 ou tout du moins, ce qu’il en reste.

En 2015, Marc Endeweld, auteur de " L’ambigu Monsieur Macron. Enquête sur un ministre qui dérange ", citait Emmanuel Macron : " le consensus de 1945 est inadapté "... à la société actuelle.

Cette volonté sans faille de détruire notre démocratie sociale ne date pas d’aujourd’hui. Il y eut d’abord " l’épure " de 1990 avec la CSG dont l’objet initial fut de se substituer aux cotisations pour financer la branche " famille " de la « Sécurité Sociale ».

https://fr.wikipedia.org/wiki/Contribution_sociale_g%C3%A9n%C3%A9ralis%C3%A9e

Depuis 2018 aux cotisations, elle s’est étendue au financement du régime de " l’Assurance-chômage ". Alain Juppé, en 1996, institua la CRDS, un nouvel impôt sur les revenus pour financer le remboursement de la dette du régime " retraite ".

https://fr.wikipedia.org/wiki/Contribution_pour_le_remboursement_de_la_dette_sociale

L’impôt s’est progressivement substitué aux cotisations salariales et patronales.

Du coup, en 1996, Juppé a mis un coup d’arrêt à la démocratie sociale en " étatisant " la gestion de la « Sécurité sociale », en modifiant au passage la Constitution.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_financement_de_la_S%C3%A9curit%C3%A9_sociale

Fin du 1er acte.

" Gauche " et droite ont continué à travailler de concert pour démolir un des grands acquis de l’arrivée de " la gauche " au pouvoir en 1981.

Balladur rallonge la durée de cotisations de 37.5 à 40 annuités en 1993.

En 2011, Sarkozy et Woerth procèdent au relèvement de l’âge de départ en retraite à 62 ans. La réforme " Touraine " de 2014 fera que, mécaniquement, le nombre d’années de cotisations pour bénéficier d’une retraite à taux plein allait s’appliquer - avec ou sans réforme Macron - en 2035.

En 2018, le président actuel fait retirer 10 critères de pénibilité, rendant extrêmement compliqué un départ anticipé en retraites pour certaines catégories de salariés.

Question de temps ?

La temporalité de la contre-réforme doit nous interroger.

Pourquoi avoir fait le choix de précipiter des mesures basées sur des hypothèses contestables ?

Le montant que nous consacrons au financement des retraites restera dans tous les scénarios à 14 % du PIB. Il n’y avait pas donc pas " péril en la demeure ".

Annoncé lors des " vœux " présidentiels, il aura fallu un peu plus de 3 semaines pour que le projet de loi soit adopté au " Conseil des ministres ".

De l’avis de tous, ce projet est " mal ficelé " obligeant les " carrières longues " à cotiser 44 ans.

Cette précipitation, de mon point de vue, relève d’un calcul cynique des " petits hommes gris " : les salariés " déshydratés " par une inflation galopante n’allaient pas se mobiliser au point de compromettre le passage en force de cette contre-réforme.

Le " front syndical " n’aura donc pas suffi à faire reculer un gouvernement et un président dont l’ambition reste de détruire le modèle social de notre pays. A moins que Marine Le Pen soit " balayée " par un cancer du fait de sa tabagie, il y a de bonnes chances pour que sa stratégie de " ramasse-miettes " des gueules cassées et des éclopés du " Macronisme " fasse des étincelles en 2027.

Les arrière-mondes « néo-libéraux »

Dans la mise en place de ces contre-réformes successives, il y a un mantra.

Le " coût du travail " serait trop élevé dans notre pays du fait du poids des " charges sociales ". Les aides aux entreprises sont passées de 2000 à 2020 de 40 à 160 milliards, passant de 2,7 à 6,4 % du PIB.

Les exonérations de " charges sociales " en 2022 représentent 75 milliards. Malgré le déversement de ces aides publiques sur le secteur « privé », l’industrie en France représente 16.8 % du PIB.

Nous sommes les " antépénultièmes " derrière le Luxembourg et la Grèce.

La " politique de l’offre " menée dès la fin des années 80 est un désastre dont la logique poussée à son terme serait de nous transformer en petits Bulgares. Nous aurions pu faire un choix différent d’une société de riches héritiers : celui de « l’excellence éducationnelle ».

Thomas Piketty a montré que la part des « 1 % » des plus riches - les « ultra-riches » - dans le revenu américain, après impôts est passé de 10 % à 15 % depuis 1980.

L’autre croyance partagée par les « néo-libéraux » du " centre droit " et du " centre gauche " serait de nous sortir de l’ornière du régime de répartition en confiant la gestion de nos régimes sociaux au « Privé » et en passant accessoirement à la « capitalisation ».

L’idée du CNR de 1945 était pourtant sur le plan économique extrêmement lumineuse. Un jeune qui démarre n’a pas à s’occuper " de mettre de côté " pour ses vieux jours. Il peut ainsi construire sa vie et ses projets sans se soucier du lendemain. Il en va ainsi du malade et du chômeur qui peut compter sur la solidarité du " bien-portant " et des salariés au travail, la maladie et le chômage étant dans la plupart des cas des situations très temporaires.

Boîte à idées

Si le gouvernement a su trouver de " l’argent magique " pour financer " son quoi qu’il en coûte ", il semble ne pas avoir l’imagination fertile pour financer notre système des retraites par répartition, en dehors de faire tout endosser aux classes " moyennes " et " populaires ".

Je vois pourtant deux mesures faciles à mettre en place.

La 1ère serait d’instituer une « Contribution Sociale sur les Profits d’Entreprise », dont l’assiette serait constituée des dividendes versés par les seules entreprises auxquels « l’État » aurait octroyé des aides.

La 2e serait d’instituer une " surcote " et/ou une possibilité de départ anticipé pour les salariés faisant le choix de travailler au delà de la durée légale du travail.

Denis SZALKOWSKI

AgoraVox.fr