Réforme des retraites : quels recours législatifs en cas d’échec des motions de censure à « l’Assemblée nationale » ?
Réforme des retraites : quels recours législatifs en cas d’échec des motions de censure à « l’Assemblée nationale » ?
En cas d’échec des motions de censure, les oppositions disposeront encore de deux solutions pour contrer le gouvernement ? Bertrand GUAY / AFP
Au cas où « l’Assemblée nationale » rejetait les deux motions de censure examinées ce lundi, les oppositions disposeraient encore de deux outils pour bloquer la réforme des retraites : la mise en place d’un " référendum d’initiative partagée ", accompagné ou non d’un recours devant le « Conseil constitutionnel ».
Deux motions de censure et autant de " coups d’épée dans l’eau " ?
Sont discutés aujourd’hui, lundi 20 mars depuis 16 heures, deux textes visant " à faire tomber " le gouvernement après l’activation de l’article « 49.3 » de la Constitutions pour adopter la réforme des retraites.
Si l’une, émanant du " Rassemblement national ", a peu de chances d’être adoptée, la seconde, qui se veut " transpartisane " et compte des signataires venus des rangs des " centristes " de " Liot " et de " la Nupes ", fait bien plus peur à « l’exécutif ».
Dans la fourchette " haute " des derniers décomptes, celle-ci pourrait échouer d’une dizaine de voix seulement… mais échouer quand même.
Pas de quoi faire " baisser les bras " aux oppositions, car si la réforme des retraites n’est pas entravée par l’adoption d’une " motion de censure ", elle ne sera pas non plus promulguée de suite. Un gain de temps précieux pour les adversaires du texte, lesquels disposent de deux autres recours législatifs pour en venir à bout.
" RÉFÉRENDUM D’INITIATIVE PARTAGÉE "
Long et lourdement conditionné, le processus n’en est pas moins privilégié par " la gauche ".
Vendredi 17 mars, " Marianne " vous révélait le contenu de la proposition de loi référendaire, déposée le même jour par les groupes de " la Nupes " à « l’Assemblée nationale », réclamant la mise en place d’un " référendum d’initiative partagée " (RIP).
L’objectif : soumettre l’adoption - ou non - de la réforme au suffrage des Français.
Plusieurs obstacles se dressent cependant sur la route des parlementaires.
Le RIP, introduit par la réforme constitutionnelle de 2008, est encadré de façon draconienne. Tout d’abord, la " PPL " doit être déposée " à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement soit au moins 185 députés et/ou sénateurs sur un total de 925 », précise la Constitution.
Ce dont dispose " la Nupes ", forte de 149 députés et 91 sénateurs. Celle-ci doit également être " soutenue par un dixième des électeurs ", soit 4,87 millions de personnes, le tout dans un délai de neuf mois durant lesquels le cheminement de la réforme est suspendu.
Un seuil particulièrement élevé.
Depuis la mise en place du dispositif, aucun " référendum d’initiative partagé " n’a d’ailleurs dépassé le cap du 1,09 million de signatures du référendum sur la privatisation " d’Aéroport de Paris " (ADP).
Ensuite, la proposition référendaire " ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an ", précise l’article 11 de la Constitution.
Il faudrait donc que le texte porté par " la Nupes " soit examiné par le « Conseil constitutionnel » avant même le projet de loi " retraite ". Enfin, l’article 40 prévoit que " les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ".
En d’autres termes, pas question de " plomber " les caisses de « l’État » en restaurant la retraite à 60 ans, par exemple. C’est pourquoi les parlementaires " de gauche " ont opté pour le minimalisme en inscrivant simplement que " l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite […] ne peut être fixé au-delà de soixante-deux ans ".
À voir si les " Sages " jugeront la réforme des retraites comme " nécessaire " pour s’assurer de finances publiques saines ou bien s’ils jugeront le dispositif " anecdotique ".
RECOURS DEVANT LE « CONSEIL CONSTITUTIONNEL »
Méthode moins audacieuse mais également moins hasardeuse.
Dans les groupes " Liot " et " LFI ", on promet, en cas d’échec des " motions de censure ", de saisir le « Conseil constitutionnel ».
En cause, notamment, la procédure accélérée, régie par l’article « 47-1 » de la Constitution, usée par le gouvernement pour encadrer le calendrier des débats parlementaires.
Pour rappel, la réforme des retraites de « l’exécutif » était présentée sous forme de " Projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale " (PLFRSS), habituellement utilisé pour voter et/ou rectifier le budget de la « Sécurité sociale ».
Un cadre gouverné par l’urgence, d’autant plus lorsque le PLFRSS intervient en fin d’année ou quand surgit une crise. C’est pourquoi l’article « 47-1 » permet au gouvernement, « si " l’Assemblée nationale " ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet », de saisir " le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours
".
Vient ensuite un passage nécessaire en " Commission mixte paritaire ", réunissant sept sénateurs et sept députés, pour arriver à une version plus consensuelle du texte.
Si aucun accord n’est trouvé au bout de 50 jours après le dépôt du texte à « l’Assemblée », « l’exécutif » peut alors faire le choix d’adopter le PLFRSS par ordonnance… sans vote, donc.
Or, utiliser cette procédure pour réformer les retraites impose que l’impact sur les finances publiques soit direct et significatif. Surtout, les dispositions dites " sociales " contenues dans le projet de loi du gouvernement – celles portant sur " les séniors " ou sur la pénibilité, entre autres – pourraient être " retoquées " par le « Conseil constitutionnel ».
Dans le " Canard enchaîné " fin janvier, le président des " Sages ", Laurent Fabius, se montrait intraitable : « Nous ne voulons pas de détournement de procédure. Si un texte arrive au Sénat sans un vote préalable de " l’Assemblée ", c’est embarrassant. Nous regarderons si [le texte] a une incidence financière, car tout ce qui est hors champ financier peut être considéré comme un " cavalier budgétaire " et dans ce cas il faudrait un deuxième texte. »
Le risque pour les oppositions : que la rue de Montpensier valide la loi tout en " la dépiautant " de ses mesures les plus " séduisantes ".
Lou FRITEL
Marianne.fr