Procès d’Alexandre Benalla : " Je ne regrette absolument pas ce que j’ai fait ce jour-là "
Procès d’Alexandre Benalla : " Je ne regrette absolument pas ce que j’ai fait ce jour-là "
Pendant deux jours, la 10e chambre du « Tribunal correctionnel » de Paris a examiné les faits survenus au " Jardin des Plantes ", lors du procès d’Alexandre Benalla.
L’ancien " chargé de mission " n’a pas dévié de sa ligne de défense : il est sorti de son rôle " d’observateur " uniquement pour agir " en citoyen ".
Difficile de dire s’il en est lui-même persuadé ou s’il cherche à convaincre. Mais ce qui est sûr, c’est qu’Alexandre Benalla assume et affiche clairement sa ligne de défense : tout ce qu’il a fait ce 1er mai 2018, il l’a fait pour " le bien de la société ".
" Si je n’avais pas été là, un agresseur de policier n’aurait pas été interpellé, n’aurait pas été conduit devant le tribunal, et n’aurait pas été condamné ", assume Alexandre Benalla pour expliquer l’interpellation à laquelle il a pris part au " Jardin des Plantes ", soit peu de temps avant son intervention place de la Contrescarpe, le 1er mai 2018.
Le manifestant, Khelifa M., a été condamné à six mois de prison " avec sursis " pour ces violences. Mais, ce mercredi, il est assis du côté des " parties civiles ", face à Alexandre Benalla et Vincent Crase, son acolyte du " 1er-Mai ".
Le jeune homme raconte avoir reçu des coups, senti la matraque, mais admet aussi - trois ans après - ne plus trop se souvenir lequel a fait quoi, entre les deux hommes.
" Je ne regrette absolument pas ce que j’ai fait ce jour-là ", persiste l’ancien " chargé de mission " de « l’Elysée ». Il se dit même peiné de voir des syndicats de policiers du côté des " parties civiles " ; " à côté d’agresseurs de policiers ".
" Je suis malheureux quand je vois des gens se faire agresser et personne intervenir pour leur prêter main forte. "
Régulièrement, il invoque " l’article 73 "
Le prévenu est allé piocher dans le " code de procédure pénale " pour étayer son argumentation. Régulièrement, il invoque l’article 73, ce texte qui dit que : " Dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche. "
Subtilité qui semble avoir échappé au citoyen Benalla : cela ne vaut que lorsqu’il n’y a pas de policiers à proximité. Or, le 1er mai 2018, le " Jardin des Plantes " et ses alentours sont pleins de " forces de l’ordre ".
Ce jeudi, le tribunal s’est longuement arrêté sur une vidéo tournée dans le parc par Mélisande C., également " partie civile " dans ce procès.
Six minutes d’images, dont la fin intéresse particulièrement l’assesseur qui préside l’audience cette semaine : on y aperçoit Vincent Crase, Alexandre Benalla et Philippe Mizerski, le " major de police " chargé de " les chapeauter " ce jour-là, indiquer la sortie du " Jardin des Plantes " aux manifestants.
Puis survient - l’image bouge - une main passe et la vidéo s’arrête.
Mélisande C. explique avoir été contrainte de l’effacer. Et la jeune femme de 27 ans en est persuadée : ce quelqu’un est Vincent Crase.
" J’en serais techniquement incapable ", se défend le prévenu.
" Ça partait d’un bon sentiment "
Un proche réussira à restaurer les images et c’est ainsi que la salle d’audience a pu apercevoir les deux hommes indiquant fermement la sortie aux manifestants.
" Ça rentrait dans vos missions d’observateur ?! ", s’étonne le juge auprès de Vincent Crase.
" J’ai juste relayé l’information que j’ai entendue ", répond le prévenu.
Alexandre Benalla vient à son secours : " Il veut bien faire et réorienter les gens pour qu’ils ne se mettent pas en danger, ça partait d’un bon sentiment. "
Un autre manifestant également " partie civile ", Simon D., ne partage pas cette vision de " bons sentiments ". Il raconte avoir été soudainement plaqué au sol et avoir vu quelqu’un brandir une matraque télescopique près de sa tête.
Pendant longtemps, il n’a pas eu de certitude, mais " quand j’ai vu j’ai la vidéo, j’ai eu un flash - je ne peux pas le dire autrement - ce n’est pas un mot scientifique, je sais, mais je suis persuadé, certain de ce que je raconte ".
Pour lui, l’homme n’est autre que Vincent Crase. Ce-dernier assure que la matraque était " repliée et dans sa poche ".
Comme tous les témoins, le plaignant n’a aucun doute sur la qualité de ces hommes : " On était en train de vouloir quitter le Jardin des Plantes, il y avait des policiers partout, je n’ai pas douté une seconde que c’était des policiers."
Confusion renforcée par le brassard " police " porté par Vincent Crase.
" Des mensonges "
Alexandre Benalla est également soupçonné d’avoir joué un rôle dans cette interpellation. Un policier affirme que c’est le " chargé de mission " qui lui a indiqué que Simon D. avait poussé Philippe Mizerski.
" Ce sont des mensonges ", insiste le prévenu, qui nie tout contact oral ou physique : " Quand je fais quelque chose, je le dis. Je l’assume, même parfois ".
« Je relève le " parfois " », sourit le juge.
Ce 1er mai 2018, juste après les faits, un policier rappelle à Alexandre Benalla qu’il n’est " qu’observateur ", qu’il n’a pas à intervenir.
" Ce message n’a pas été tout à fait compris ", ironie le magistrat qui préside l’audience .
Après le " Jardin des Plantes ", le " chargé de mission " de « l’Élysée » se rend place de la Contrescarpe, y est filmé en train d’interpeller un homme… et déclenche, malgré lui, toute " l’affaire " pour laquelle il se retrouve aujourd’hui devant la justice.
Ariane GRIESSEL
Franceinter.fr