Présidentielle 2022 : les six boulets parisiens d’Anne Hidalgo
Présidentielle 2022 : les six boulets parisiens d’Anne Hidalgo
Anne Hidalgo. AFP
Aux prises avec une campagne électorale très difficile et des sondages décourageants, Anne Hidalgo est aussi " plombée " par plusieurs dossiers parisiens, de " l’affaire Missika " au " plan crack " en passant par le mouvement " #SaccageParis ". On récapitule.
Vous vous apprêtez à passer un mois de décembre délétère. La déprime automnale vous a déjà mis sur les genoux, tandis que le reflet dans le miroir vous renvoie un teint blanc céramique façon Jacob Delafon.
Arrêtez de vous regarder et de vous désoler, réjouissez-vous plutôt en vous comparant à Anne Hidalgo. C’est peu dire que la maire de Paris enchaîne les déconvenues. À commencer par sa campagne présidentielle qui ne décolle pas. Certains de ses amis politiques " qui ne lui veulent pas que du bien " lui suggèrent déjà d’adopter comme slogan " tout sauf ma poche ", en référence à ses 4 % dans les sondages.
Un tel niveau lui fermerait la porte à un remboursement de ses frais de campagnes. Tandis que sa proposition de " primaire de la gauche ", proposée à la va-vite en 4 minutes en fin de " JT " de " TF1 " est " un four ".
Mais en réalité, rien ne va.
À commencer par son " boulot " de maire de Paris.
Déjà fragilisée par les collaborations déontologiquement douteuses de Jean-Louis Missika, son ancien adjoint à l’urbanisme, qui lui valent un signalement au PNF, la candidate doit à nouveau assumer qu’un de ses adjoints soit " en délicatesse avec la justice ", comme " Marianne " l’annonçait.
Petite litanie des " boulets ".
Boulet d’or : le " baron noir " Missika dans la tourmente
Certains le surnomment le " Baron noir " d’Anne Hidalgo.
Jean-Louis Missika est " dans la tourmente ". Il fut son directeur de campagne, son " grand manitou " des équilibres entre les groupes de sa majorité jusqu’à fonder et présider le micro parti " Paris en Commun " pour la municipale de 2020.
L’ex adjoint à " l’urbanisme ", poste clé de l’Hôtel de Ville, est sous le coup d’un signalement au PNF (" Parquet national financier ") pour " prise illégale d’intérêt ". En cause : ses participations à des comités " théodules " de prospective de grands acteurs de l’immobilier.
À la suite de deux avis de la " Commission de déontologie de la Ville de Paris " pointant les risques déontologiques et pénaux, il a dû rendre coup sur coup " son tablier " d’abord chez " Novaxia " puis chez " Gecina ", où il était rémunéré 25 000 euros entre avril et octobre dernier, comme " Marianne " l’a dévoilé.
Ces deux " géants " du secteur avaient, en effet, noué avec la Ville de Paris des relations d’intérêts. Véritable maître des grands projets immobiliers de la capitale, Jean Louis Missika a notamment participé, voire présidé aux délibérations de nombreux jury des " Réinventer Paris ".
Problème : " Novaxia " fut lauréat de plusieurs d’entre eux.
Chez " Gecina ", les liens sont plus indirects mais tout aussi avérés.
Si la société foncière est peu - ou pas intéressée - aux décisions immobilières de la Ville de Paris, il en va autrement de son actionnaire principal : " Ivanhoé Capital ". Le fonds québécois exerce la réalité du pouvoir chez " Gecina ". La représentante d’ " Ivanhoé " comme " administratrice " depuis 2014, Meka Brunel, est en effet depuis 2017 directrice générale de " la Foncière ".
Propriétaire des deux " Tours Duo " du XIIIe, récemment livrées, " Ivanhoé Capital " a bénéficié de nombreuses décisions publiques lorsque Jean-Louis Missika était adjoint à l’urbanisme.
Boulet d’argent : les élus de Paris prennent leur quartier au PNF
Alors que le dossier Missika, dont on ne connaît que l’épisode " pilote ", est en attente de traitement au PNF, un autre " feu " s’est déclaré.
Après les révélations de " Marianne " assurant qu’un autre proche de la maire de Paris était " en délicatesse avec la justice " – cette fois un élu de la majorité encore en exercice – nos confrères du " Parisien " dévoilent un nom : Hermano Sanches Ruivo, adjoint chargé de « l’Europe ».
Cette fois, les soupçons portent sur du " blanchiment de fraude fiscale ". L’élu du XIVe arrondissement a ainsi été entendu par la police courant octobre.
Dans un communiqué de presse publié en urgence, l’Hôtel de ville assure qu’ " en cas de mise en examen de l’intéressé, il quittera sans délai ses fonctions au sein de la Ville ".
Contacté par " le Monde ", Emmanuel Grégoire, le premier adjoint d’Anne Hidalgo confirme : " Je viens de lui parler et il a été prévenu clairement qu’il devra démissionner si les soupçons débouchent sur une mise en examen. "
En cas de démission, ce serait le quatrième adjoint à quitter « l’exécutif » parisien après la mise à l’écart de Christophe Girard, éclaboussé par " l’affaire Matzneff ", et les démissions de Pierre Aidenbaum (mis en examen pour viol) et Célia Blauel (pour " raisons personnelles ").
Boulet de bronze : la ruine du " plan crack "
Ça tombe mal pour la maire de Paris. La « Chambre régionale des comptes » d’Île-de-France a réalisé un audit de " La mise en œuvre du Plan crack à Paris ".
Un sujet brûlant pour « l’exécutif » parisien qui fait l’objet d’attaques régulières de ses oppositions, notamment sur la création de nouvelles " salles de consommation ", en plus de celle proche de l’Hôpital Lariboisière (Paris 10e).
Prévu pour coûter 9 millions sur les trois ans de son existence, de mai 2019 à mai 2022, le programme a déjà consommé 25 millions " actualisés ".
Autant dire qu’à son terme, le budget aura été multiplié par 3, à raison d’un million par mois.
Pensé comme un dispositif de prise en charge et d’accompagnement vers la sortie de la consommation de drogue, le programme s’est transformé en un vaste système d’hébergement.
Quelque 400 chambres d’hôtels accueillent ainsi près de la moitié des 800 toxicomanes au " crack " que compte la capitale. Résultat, près de 70 % du budget est passé dans la note d’hôtel. Sans que rien ne change vraiment pour les riverains des zones de consommation.
Ce que pointe la CRC : " les moyens mis en œuvre n’ont pas permis suffisamment d’écarter [les consommateurs de drogue] de la rue et de réduire ainsi les troubles à l’ordre public ".
C’est - en réalité - tout le programme que la « Chambre » critique comme " un dispositif désormais dépassé ".
La Ville de Paris partage cependant les responsabilités de cet échec avec les autres acteurs du plan, la préfecture d’Île-de-France, la préfecture de police, la « Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives » (Mildeca), l’ARS et le « Parquet » de Paris.
Boulet de cuivre : le subterfuge des loyers HLM pour équilibrer son budget
C’est un sujet extrêmement tendu pour Anne Hidalgo.
Depuis qu’elle a été élue maire de Paris en 2014, elle utilise un " subterfuge budgétaire " pour dégager des marges de manœuvre financières.
Le procédé est baroque : elle " capitalise " chaque année la totalité des loyers des nouveaux logements sociaux conventionnés sur ses terrains par ses trois sociétés HLM.
Entre 2015 et 2020, cela a rapporté 1,2 milliard d’euros à la section de " fonctionnement " du budget de la Ville de Paris, dont le solde des recettes et des dépenses doit être au minimum à l’équilibre au nom de la " règle d’or budgétaire " qui s’applique aux comptes des collectivités locales.
L’année prochaine, ce sont encore 150 millions d’euros de " recettes de fonctionnement " qui sont inscrits dans les comptes de la Ville via cette " technique ".
Problème, ces " loyers capitalisés " sont concrètement une " avance sur loyer " consentie par les bailleurs HLM à la Ville de Paris, que la capitale est censée leur rembourser sur plusieurs dizaines d’années.
C’est donc une forme de dette contractée par la Ville de Paris auprès de ses bailleurs sociaux. Or, en théorie, dans la comptabilité locale, une dette ne peut pas être comptabilisée dans la section " fonctionnement " du budget d’une collectivité…
Las, le gouvernement de Manuel Valls en 2015 a délivré une dérogation à la demande d’Anne Hidalgo pour permettre aux communes de comptabiliser les " loyers capitalisés " en tant que " recette de fonctionnement ".
Dérogation renouvelée chaque année, depuis.
Contraire à " l’esprit " de la comptabilité locale, cette pratique n’en est donc pas moins légale.
" Bingo " pour la mairie de Paris : cela lui a permis de lancer des investissements importants depuis 2014 dans la " transition énergétique " et la " politique du logement ", et aussi de faire monter sa dette à plus de 7 milliards d’euros sans inquiéter « les marchés ».
L’agence de notation " Standard & Poor’s " note la Ville de Paris " AA " avec perspective " stable ", soit quasiment ce qui se fait de mieux à l’heure actuelle.
Malheureusement pour Anne Hidalgo, le gouvernement actuel a sifflé " la fin de la récréation ".
" Cette dérogation ne pourra plus être accordée à la Ville de Paris au-delà de l’exercice 2 022 ", lui ont récemment notifié le ministre délégué chargé des " Comptes publics " Olivier Dussopt et la ministre de la " Cohésion des territoires ", Jacqueline Gourault.
Il n’en fallait pas davantage pour que la principale opposante d’Anne Hidalgo, la " LR " Rachida Dati, demande que les finances de la Ville soient mises " sous tutelle ". Une menace peu crédible de premier abord. Mais sait-on jamais, car un affaiblissement durable des recettes pourrait mettre les finances de Paris " en tension "...
Boulets bonus :
" Tour Triangle " à Paris : le PNF a ouvert un juin une enquête préliminaire pour des soupçons de " favoritisme ". Cette procédure fait suite aux plaintes de Rachida Dati, élue " LR " de Paris et de l’association " Anticor ".
Le mouvement " #SaccageParis " : apparu sur " Twitter ", il mène depuis mars dernier une " guérilla " contre la maire de Paris, accusée de défigurer la capitale.
Emmanuel LEVY
Marianne.fr