Percées nationalistes, polémiques sur l’immigration : la fin du faux miracle scandinave
Percées nationalistes, polémiques sur l’immigration : la fin du faux miracle scandinave
Jimmie Akesson, chef de file du parti d’extrême droite des " Démocrates de Suède ", célèbre la percée de son parti aux élections. - ANDERS WIKLUND / TT NEWS AGENCY
Malgré un score moins important que prévu, la percée de l’extrême droite en Suède rappelle une froide réalité : les sociétés des pays nordiques sont soumises aux mêmes problématiques que les autres, loin de l’utopie hermétique aux " populismes ".
Depuis la France, la Scandinavie a longtemps été vue comme une sorte " d’Allemagne de gauche ". Moins libéraux que nos voisins d’outre-Rhin tant célébrés dans l’Hexagone, les pays nordiques remplissent de longue date le rôle de " paradis rêvé " des " sociaux-démocrates " français.
« États-providences » généreux mais fle-xi-ble, harmonieuses sociétés multiculturelles, absence de gênants partis " populistes "… et si la " recette du bonheur " était à chercher dans ces froides contrées, emmitouflés dans une couverture en sirotant un bon chocolat chaud à la lueur de bougies parfumées ?
Fin du rêve : les nations scandinaves n’échappent pas aux défis qui rongent la cohésion des autres pays d’Europe.
La plus récente illustration est venue de Suède : à l’issue des élections législatives de ce dimanche 9 septembre, les " Démocrates de Suède ", un parti " populiste " violemment anti-immigration, a réuni 17,6 % des voix.
C’est moins que prévu mais une progression sensible par rapport aux élections d’il y a quatre ans (12,9 %). Et le signe d’un raidissement de l’opinion suédoise au sujet de l’arrivée massive de réfugiés ; depuis la crise de 2015, la proportion d’habitants nés « à l’étranger » est passée à près d’un cinquième.
La courbe a grimpé en même temps que celle de l’extrême droite.
Au Danemark, des " sociaux-démocrates " anti-migrants
Ailleurs, en Scandinavie, le constat est le même : la fable d’une société multiculturelle idéale n’a pas résisté à la « crise des migrants ».
C’est au Danemark, là où Emmanuel Macron a loué la mentalité d’un peuple " luthérien " et ouvert, que l’évolution a été la plus spectaculaire : longtemps omnipotent, le parti " social-démocrate " a dû progressivement modifier sa ligne sous la pression du " Parti du peuple danois ", formation " populiste " elle aussi très opposée à l’immigration et devenue une force politique majeure.
Les convergences sont désormais spectaculaires : la leader de centre-gauche, Mette Frederiksen, propose de réduire drastiquement le nombre d’entrées de " non-Occidentaux " au Danemark, le port de " la burqa " est interdit depuis le 1er août et les " sociaux-démocrates ", pourtant dans l’opposition, ont soutenu des mesures gouvernementales drastiques pour lutter contre les " ghettos ".
Dans ces quartiers où sont concentrées les populations immigrés, une loi votée oblige les parents à mettre leurs enfants à la crèche pendant vingt-cinq heures par semaine, sous peine de perdre leurs aides sociales.
Objectif : transmettre la langue et la culture danoises aux enfants d’immigrés. Signe de l’attention portée aux thèmes du communautarisme et de l’intégration au Danemark, le parlement de Copenhague a récemment dû examiner une « initiative populaire » ayant recueilli plus de 50 000 signatures, proposant d’interdire la circoncision non médicale des mineurs.
Autre pays nordique, la Finlande n’est pas en reste : les " populistes " y ont siégé au gouvernement entre 2015 et 2017, avec leur parti " Les Vrais Finlandais ", né de la double dénonciation de « l’immigration de masse » et de « l’austérité budgétaire ».
En août 2017, la ville de Turku, dans le sud-ouest du pays, a été le théâtre du premier attentat terroriste en Finlande : un Marocain, " demandeur d’asile " arrivé l’année d’avant, a poignardé huit femmes dont deux sont mortes.
Depuis, " Les Vrais Finlandais " ont implosé et quitté le gouvernement mais leur nouveau chef, Jussi Halla-aho, a mis en place une ligne plus radicale.
Mentionnons également le cas de la Norvège, où la coalition de droite au pouvoir inclut le " Parti du progrès ", troisième parti du pays, qui axe son discours sur la lutte contre l’arrivée « d’étrangers ». Sylvi Listhaug, star du mouvement " populiste " et longtemps " ministre de l’Immigration ", a dû démissionner en mars après avoir déclenché une énième polémique en accusant les " sociaux-démocrates " de défendre " les droits des terroristes ".
Partout en Scandinavie, les partis " populistes " hostiles à l’immigration ont progressé, en surfant sur l’arrivée d’étrangers mais également sur le démantèlement progressif des « États-providences » et l’imposition de politiques néolibérales à des sociétés fondées sur la solidarité.
Ainsi au Danemark, un conflit social de grande ampleur a opposé en avril « syndicats » et « patrons » pour éviter une grève massive des fonctionnaires.
Tandis qu’en Suède, on déplore la disparition progressive de la " folkhemmet ", cette valeur nationale réunissant les citoyens dans un " foyer " solidaire et patriote.
Signe supplémentaire que, s’il a seulement existé, le " Valhalla " (paradis) nordique n’existe plus.
Hadrien Mathoux
Marianne