"Maghju 21" : en Corse, un FLNC " flambant neuf " sort du maquis

, par  DMigneau , popularité : 0%

" Maghju 21 " : en Corse, un FLNC " flambant neuf " sort du maquis

STEPHAN AGOSTINI / AFP

Lors d’une conférence de presse ce 5 mai, plusieurs personnes ont annoncé la création d’un nouveau groupe armé en Corse. Se réclamant de l’héritage de la première organisation armée créée le même jour en 1976, ce mouvement clandestin baptisé " FLNC Maghju 21 " (mai 21) annonce un " redéploiement tactique " suggérant, sans le dire explicitement, un possible recours à la violence…

La Corse doit-elle redouter un retour de la violence clandestine dont le bilan, depuis le milieu des années 70, est estimé à plus de 200 morts et 10 000 attentats ?

La question, anxiogène pour la population insulaire comme pour le pouvoir central, ressurgit avec la régularité d’un " serpent de mer " venu menacer la paix de son venin mortifère.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, la " généalogie clandestine " s’est étoffée d’une nouvelle " branche ", le " FLNC Maghju 21 " (Mai 21) qui, sans claironner explicitement le retour de la lutte armée, laisse planer le doute en annonçant un " redéploiement tactique " et ce, " dans l’attente de l’amorce, par l’État français, d’un véritable processus politique de règlement de la question nationale corse ".

Sur le terrain rhétorique, on a connu des organisations armées proférant des discours nocturnes autrement plus explosifs.

Ce " FLNC Maghju 21 " est donc le dernier né d’une lignée à l’image de beaucoup de familles corses, nombreuses et souvent divisées : le FLNC « Canal historique », le FLNC « Canal habituel », le FLNC « du 22 octobre », le FLNC « Union des Combattants » et quelques autres éphémères voire " folkloriques ".

5 MAI, DATE HAUTEMENT SYMBOLIQUE

Composé de " militants issus de toutes les structures " clandestines actuellement " en sommeil ", le groupe de huit individus s’est montré conformément à " l’image d’Épinal " du FLNC originel dont il se dit " l’héritier " : en rang serré derrière une banderole sur laquelle le sigle apparait en lettres géantes, dûment armé de fusils mitrailleurs et d’armes de poing et le visage dissimulé sous une cagoule mais… sans masque ni " distanciation sociale ".

Le choix de la date n’a rien d’anodin. C’est 45 ans, jour pour jour, après la création du " Front de libération nationale de la Corse ", le 5 mai 1976 au couvent Saint-Antoine du village de Casabianca, là-même où Pasquale Paoli avait proclamé " l’indépendance " de la Corse.

Mais le 5 mai, c’est encore le jour du bicentenaire de la mort de Napoléon, commémoré par le président de la République aux Invalides et dont l’organisation administrative et civile a toujours cours dans la France d’aujourd’hui.

Le 5 mai, c’est enfin la date anniversaire de la tragédie du stade de Furiani en 1992 (18 morts, 2 300 blessés), emblématique du sous-équipement infrastructurel de l’île.

Dans sa ligne de mire, l’État français auquel ces clandestins reprochent de n’avoir fait " aucun geste significatif (…) vers une solution politique au problème corse " depuis le dépôt des armes annoncé et effectif depuis juin 2014.

À titre d’exemple, la réforme constitutionnelle, promise par Emmanuel Macron mais contrariée par les " Gilets jaunes " et " l’affaire Benalla ", prévoyait l’inscription de la Corse dans la Constitution dans le cadre d’un nouvel article 72-5 dédié au statut particulier de l’île. Une disposition jugée trop frileuse par les « nationalistes » qui réclament, pour « l’Assemblée de Corse », la faculté d’adapter les lois législatives et le transfert du pouvoir fiscal, mais qui a peu de chances d’aboutir avant la fin du quinquennat.

Autre exigence, la libération des " prisonniers politiques " corses et le rapprochement géographique des membres du " commando Érignac " pour lesquels la justice refuse la levée du statut de " détenu particulièrement signalé " (DPS), alors qu’ils sont théoriquement éligibles à une " libération conditionnelle " depuis 2017.

ADRESSE AUX NATIONALISTES CORSES

Mais il ne faut pas se méprendre. Le " FLNC Maghju 21 ", dont on ignore encore tout des forces et du plan d’action, fustige, d’une part, les groupes financiers qui ont une emprise forte sur l’économie corse comme les grandes enseignes alimentaires et pétrolières (le coût du panier de la ménagère est de 10 % supérieur à celui du continent et le prix du carburant de 5 à 7 % alors que les salaires sont globalement plus bas), d’autre part, la " gangrène mafieuse " qui prospère à l’ombre cryptique de la spéculation immobilière.

Mais le mouvement clandestin " flambant neuf ", qui a aussi choisi le printemps pour " se déconfiner ", s’adresse aux nationalistes corses au pouvoir depuis six ans.

La victoire de 2015, renouvelée en 2017, des « autonomistes » et « indépendantistes » réunis sous la même bannière " Pè a Corsica " (" Pour la Corse "), avait laissé entrevoir un souffle d’espoir aujourd’hui atone. Le communiqué témoigne de la déception produite par la prise de distance avec les fondamentaux de la " lutte d’émancipation nationale du peuple corse ". Le message a une résonance d’autant plus forte que les « nationalistes » se présenteront en rangs dispersés aux élections régionales.

" La Corse est en danger " estime en conclusion le " FLNC Maghju 21 ". Son avènement ne contribuera pas à convaincre du contraire

Jean-Marc RAFFAELLI

Marianne.fr

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