La chute de la " Silicon Valley Bank " : l’analyse de Michael Roberts

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La chute de la " Silicon Valley Bank " : l’analyse de Michael Roberts

Crédits photo : AP

Nous publions la traduction d’un article de l’économiste « marxiste » Michael Roberts à propos de la faillite de la " Silicon Valley Bank " qui inquiète le secteur financier américain et international et fait craindre une nouvelle crise financière.

L’article original en anglais a été publié le 11 mars sur le site de l’auteur : " SVB : de la vallée au gouffre ".

Vendredi, la banque californienne " Silicon Valley Bank " (SVB) est devenue la plus grande banque à faire faillite depuis la crise financière de 2008. Dans un effondrement soudain qui a choqué les marchés financiers, elle a fait perdre des milliards de dollars à des entreprises et à des investisseurs.

" SVB " recevait des dépôts et accordait des prêts à des entreprises situées au cœur du secteur technologique américain. La " Federal Deposit Insurance Corporation " (FDIC) agit désormais en tant " qu’administrateur judiciaire ".

La FDIC est une agence gouvernementale indépendante qui assure les dépôts bancaires et supervise les institutions financières, ce qui signifie qu’elle liquidera les « actifs » de la banque pour rembourser ses clients, y compris les déposants et les créanciers.

Qu’est-il arrivé à la " SVB " ?

S’agit-il d’un cas isolé ou d’un signe avant-coureur d’autres " krachs " financiers ?

L’élément déclencheur a été l’annonce par la " SVB " de la vente à perte de titres de dette sur lesquels elle avait investi, et d’une levée de capital de 2,25 milliards de dollars pour tenter de rééquilibrer son bilan.

Cela a déclenché une panique parmi les principales entreprises technologiques de Californie qui détenaient leurs liquidités auprès de la " SVB " qui se sont ruées vers la banque pour les retirer. Le cours de l’action de la société s’est effondré, entraînant les autres banques dans sa chute.

La négociation des actions de la " SVB " a été interrompue et la " SVB " a abandonné ses efforts pour lever des capitaux ou trouver un acheteur, ce qui a conduit la FDIC à prendre le contrôle de la banque.

Bien que relativement peu connue en dehors de la " Silicon Valley ", la " SVB " figurait pourtant parmi les 20 premières banques commerciales américaines (la 16ème plus grande banque), avec 209 milliards de dollars d’actifs totaux à la fin de l’année dernière, selon la FDIC.

C’est le plus grand prêteur à faire faillite depuis la " Washington Mutual " qui s’est effondrée en 2008 lors de la dernière crise financière mondiale.

Contrairement à certaines informations, la " SVB " n’est donc pas un " petit poucet ". Elle offrait des services à près de la moitié des entreprises technologiques et de soins de santé financées par le " capital-risque " aux États-Unis.

La " SVB " conservait l’argent de ces " capital-risqueurs " ; ceux qui investissent dans les nouvelles entreprises en phase de démarrage.

Mais elle a également réalisé des investissements avec les dépôts en espèces qu’elle a obtenus, en accordant des prêts parfois risqués aux fondateurs d’entreprises technologiques à titre personnel ainsi qu’à leurs entreprises.

Mais ses investissements ont commencé à être déficitaires.

La " SVB " avait parié sur l’achat « d’obligations d’État » américaines a priori sûres. Cependant, lorsque la " Réserve fédérale " a entamé son cycle de hausse des taux d’intérêt pour " contrôler l’inflation ", la valeur de ces « obligations d’État » a fortement chuté et le bilan de la " SVB " a commencé " à prendre l’eau ".

Lorsque la " SVB " a informé le " monde financier " qu’elle vendait ces obligations à perte pour faire face aux retraits d’argent de ses clients, la ruée sur la banque a commencé.

N’ayant pas réussi à obtenir des fonds supplémentaires en vendant des actions, la " SVB " a dû se déclarer en faillite et se placer sous la tutelle de la FDIC.

Certains écartent l’idée que l’effondrement de la " SVB " serait un signe avant-coureur d’une crise financière générale.

" La SVB était petite, avec une base de dépôts très concentrée ", a déclaré Ciaran Callaghan, responsable de la recherche sur les actions européennes chez " Amundi ".

" Elle n’était pas préparée à l’afflux de dépôts, ne disposait pas des liquidités nécessaires pour couvrir les remboursements de dépôts et a donc été contrainte de vendre des obligations, ce qui a entraîné une augmentation de capital et créé la contagion. Il s’agit d’un cas très isolé et idiosyncratique " a-t-il poursuivi.

Il s’agirait donc d’un cas unique.

Mais est-ce bien le cas ?

En réalité, l’effondrement de la " SVB " est dû à un contexte plus global, à savoir les hausses agressives des taux d’intérêt de la « Réserve fédérale » au cours de l’année écoulée. Lorsque les taux d’intérêt étaient proches de zéro, les banques comme la " SVB " se sont lancées dans l’achat de bons du Trésor à long terme, apparemment peu risqués.

Mais lorsque la " Fed " a relevé les taux d’intérêt pour " lutter contre l’inflation ", la valeur de ces actifs a chuté, laissant de nombreuses banques avec des pertes non " réalisées ".

La hausse des taux d’intérêt a également touché de plein fouet le secteur " technologique ", en réduisant la valeur des actions de ce secteur et en rendant difficile la collecte de fonds. Les entreprises technologiques ont donc commencé à retirer leurs dépôts en espèces à la " SVB " pour payer leurs factures.

Ed Moya, analyste de marché " senior " chez " Oanda ", commente : " Tout le monde à Wall Street savait que la campagne de hausse des taux de la Fed finirait par briser quelque chose, et pour l’instant, ce sont les petites banques qui en pâtissent ".

L’autre fissure dans le " mur bancaire " se trouve dans les crypto-monnaies. Le prêteur de crypto-banques " Silvergate " a également été contraint de liquider son activité après l’effondrement des prix et des échanges de " bitcoins " et autres crypto-monnaies.

« Les défis institutionnels de la SVB reflètent un problème systémique plus large et plus répandu : le secteur bancaire est assis sur une tonne d’actifs à faible rendement qui, grâce à la dernière année d’augmentation des taux, sont maintenant largement " sous l’eau " et en train de couler  », a déclaré Konrad Alt, cofondateur de " Klaros Group ".

M. Alt estime que les hausses de taux ont « effectivement anéanti environ 28 % de tous les capitaux du secteur bancaire à la fin de 2022  ».

La faillite de la " SVB " est peut-être un cas unique, mais les " krachs financiers " commencent toujours par les plus faibles ou les plus téméraires. Il s’agit d’une banque qui était prise dans l’étau d’une crise imminente : baisse des bénéfices dans le secteur " technologique " et la chute des prix des « actifs » provoquée par la hausse des taux d’intérêt.

La " SVB ", dont les « actifs » atteignent environ 209 milliards de dollars et dont la clientèle se concentrait sur les " jeunes pousses " technologiques, s’est révélée particulièrement vulnérable à l’impact d’une hausse rapide des taux d’intérêt.

Mais les pertes de la " SVB " sur les ventes d’obligations se répètent pour de nombreuses autres banques. La FDIC a récemment indiqué que les banques américaines sont assises sur 620 milliards de dollars de pertes cumulées non " réalisées " dans leurs portefeuilles de titres.

Entre-temps, après que les derniers chiffres de l’emploi ont continué à montrer un marché du travail " tendu ", la « Réserve fédérale » semble prête à continuer à augmenter les taux d’intérêt encore plus rapidement et plus fortement que les investisseurs financiers ne le prévoyaient.

Lors de son témoignage devant le « Congrès » américain la semaine dernière, le président de la « Réserve fédérale », Jay Powell, l’a clairement indiqué : «  L’emploi , les dépenses de consommation, la production manufacturière et l’inflation ont partiellement inversé les tendances au ralentissement que nous avions observées dans les données il y a à peine un mois  ».

Et comme l’a dit Larry Summers, " gourou keynésien " et ancien « Secrétaire » au Trésor, « nous devons être prêts à continuer à faire ce qui est nécessaire pour contenir l’inflation  ».

Peut-être jusqu’à faire " tomber " des pans entiers du secteur bancaire et des entreprises.

Michael ROBERTS

Revolutionpermanente.fr