La « Nouvelle Union populaire écologique et sociale » est-elle une bombe à retardement ?
La « Nouvelle Union populaire écologique et sociale » est-elle une bombe à retardement ?
Jean-Luc Mélenchon peut-il devenir le Premier ministre d’une union de la gauche ?
EMMANUEL DUNAND / AFP
Pour l’heure, " l’urgence sociale " et les enjeux électoraux font office de " plus petit dénominateur commun " idéologique au sein de la « Nouvelle Union populaire écologique et sociale ». Mais les désaccords mis de côté peuvent-ils se solder autrement que par un éclatement à moyen terme, une fois passé le temps de l’union autour de l’objectif des législatives de juin ?
" Venez comme vous êtes ".
Si ce n’était pas déjà celui d’une célèbre chaîne de " fast-food ", ce slogan pourrait être celui de la « Nouvelle Union populaire écologique et sociale » (Nupes).
L’union des principaux partis " de gauche " en vue des élections législatives 2022, quasi actée ce mardi 3 mai après le ralliement du " Parti communiste " et celui, très probable, du Parti " socialiste ", témoigne de l’habileté manœuvrière de LFI, en position de force dans ces négociations. Chacun aura pu participer à l’union sans se renier ou abdiquer sur ses " différences ".
Mais les désaccords mis de côté peuvent-ils se solder autrement que par un éclatement à moyen terme, une fois passé les élections de juin ?
Depuis " l’entre-deux-tours " de l’élection présidentielle, " La France insoumise " s’emploie à rassurer ses partenaires quant à une tentation hégémonique de Jean-Luc Mélenchon sur la gauche.
Jeudi, dans " L’Humanité ", le " troisième homme " de la présidentielle déclarait : « Nous proposons que chacun ait un groupe parlementaire, et en même temps un inter-groupe ; et un Parlement commun sur le mode de " L’Union populaire ", expliquait-il. " L’Union populaire " donne une méthode qui permet à chaque organisation de rester elle-même et au peuple d’entrer en action. Je parle ici d’une fédération ou d’une confédération. »
Sur le fond, la formule pesée au trébuchet sur laquelle « Insoumis » et " écologistes " sont finalement tombés d’accord à propos de « l’Union européenne » illustre à la fois cette volonté d’aboutir à un compromis et la fragilité de ce dernier.
D’un côté, les assurances données à " Europe Écologie Les Verts ", pour qui la perspective d’un " Frexit " est un épouvantail : « La France ne peut avoir pour politique ni la sortie de " l’Union ", ni sa désagrégation, ni la fin de la monnaie unique. »
De l’autre, le maintien d’un discours " eurosceptique " essentiel pour le parti héritier du " Front de gauche " et de l’opposition à la « Constitution européenne » en 2005 : « Pour être en capacité d’appliquer notre programme et respecter ainsi le mandat que nous auront donné les Françaises et les Français, il nous faudra dépasser ces blocages et être prêts à désobéir à certaines règles européennes. »
Vous avez dit " diplomatie " ?
« URGENCE SOCIALE »
« Tout ça, c’est comme le vélo : pour que ça tienne debout, il faut que ça avance, que ce soit tendu vers un objectif. Si elle est victorieuse, il va de soi qu’on trouvera des solutions politiques pour avancer. Il y aura une réalité toute bête : dégager une majorité parlementaire », commente auprès de " Marianne " le député " Insoumis " Alexis Corbière.
D’accord, mais jusqu’à quand les sujets qui fâchent peuvent-ils être " mis sous le tapis " ?
« Il ne faut pas aller d’entrée à la difficulté. On peut commencer par ce sur quoi on est tous d’accord : répondre à l’urgence sociale. Ça représente déjà beaucoup et réussir, ça produirait de la confiance, un climat de travail qui permettrait d’aborder plus sereinement les points de désaccord. »
En lieu et place de la " sociale démocratie " européiste du temps de la splendeur du " PS ", " l’urgence sociale " et les enjeux électoraux font donc office de " plus petit dénominateur commun " idéologique au sein de la Nupes. Ce qui permet - par exemple - au " pro-nucléaire " Fabien Roussel d’affirmer sur " Franceinfo ", à propos de la " pomme de discorde " atomique :
« Les Insoumis sont d’accord pour accepter cette différence. Ça veut dire que ce ne sera pas dans le contrat de législature que nous aurons à signer ensemble, montrant aux Français ce qui peut changer dès le mois de juillet. (…) On va mettre de côté les fâcheries, mais je demande à ce que nous puissions avoir un groupe, pour que ceux qui pensent à gauche que nous en avons besoin puissent se dire qu’il y aura un groupe de députés communistes qui va se battre là-dessus. »
Philosophe, un ancien député " socialiste " commente le " numéro d’équilibristes " des partis de gauche : « Ce qui se passe à ciel ouvert aujourd’hui, c’est ce qui s’est toujours passé au Parti " socialiste ". Il ne faut pas remonter très loin pour arriver à l’époque où DSK et Jean-Luc Mélenchon cohabitaient dans le même parti. Et ce parti arrivait à une synthèse accouchant de la CMU ou des " 35 heures ". »
Mais également d’une candidate recueillant moins de 2 % des voix au premier tour de l’élection présidentielle.
" On a épuisé le modèle au niveau national, mais on va tenter de le réinventer ", promet notre source.
« IL VAUDRA MIEUX QU’ON AIT UNE DISCIPLINE »
Comment éviter que la synthèse ne tourne à la foutaise ?
Les débats sur les divergences idéologiques étant reportés sine die, la réponse est avant tout formelle dans l’immédiat : « L’objectif de victoire nous contraint à trouver des cadres de régulation politique , affirme Alexis Corbière. Quand on parle de confédération, " d’inter-groupe ", il s’agit de donner une réalité à ces cadres-là et de ne pas faire comme sous " la gauche plurielle " avec le PS qui donne des " coups de fouet ". »
L’élu de Seine-Saint-Denis rappelle tout de même ce vieux principe : « Liberté dans la discussion, unité dans l’action. Il vaudra mieux qu’on ait une discipline, sinon on organise nous-mêmes la défaite. En dernière analyse, les électeurs tranchent un certain nombre de questions. »
La tension entre le Mélenchon de 2017, lancé dans un " cavalier seul " pour liquider le " PS " et celui de 2022, revenu de la stratégie " populiste " au profit de " l’union des gauches " – une " soupe de logos ", disait jadis le principal intéressé – pourrait être " le ver dans le fruit " de la « Nouvelle Union populaire écologique et sociale ».
Rien ne permet d’affirmer aujourd’hui que cette " bombe à retardement " explosera. Pour l’heure, la dynamique politique et la tactique électorale retardent le lancement du " compte à rebours ".
Analyse d’un " socialiste " : « S’il veut donner chair à son projet d’être " Premier ministre ", Jean-Luc Mélenchon a besoin du plus grand élargissement possible. C’est-à-dire vers nous. Il n’a pas les moyens de l’hégémonie – il y a des départements entiers où les " Insoumis " ne sont pas en mesure d’avoir un candidat et de mener campagne, c’est la nature du mouvement qui veut ça –, donc il est obligé de respecter ses partenaires. »
Le même " socialiste " est optimiste quant à la bonne volonté de chacun, d’autant plus compte tenu de la " très grosse pression du peuple de gauche pour l’union ". Ce qui ne l’empêche pas, citant Engels, de rester sur ses gardes quant au respect de ses partenaires par LFI : " La preuve du pudding, c’est qu’on le mange. "
Louis NADAU
Marianne.fr