Ils ont rejoint la " Nupes " : Villani et Taché veulent faire oublier leur passé " macroniste "
Ils ont rejoint la " Nupes " : Villani et Taché veulent faire oublier leur passé " macroniste "
Les deux anciens députés " LREM " Cédric Villani et Aurélien Taché seront candidats à leur réélection sous l’étiquette " Nupes ". ASSEMBLEE NATIONALE / AFP
Deux anciens députés " LREM " sont investis par la coalition de gauche " Nupes " pour les législatives, Cédric Villani et Aurélien Taché. Sur la retraite à 60 ans ou l’ISF, leurs votes d’hier, au sein de la majorité présidentielle, sont en totale contradiction avec ce qu’ils seront amenés à défendre à l’avenir.
Peut-on honnêtement défendre la retraite à 60 ans ou le retour de l’ISF, " l’Impôt de solidarité sur la fortune ", après avoir voté le contraire dans la majorité ?
La question se pose pour deux candidats aux législatives de la coalition de gauche " Nupes " (" Nouvelle Union populaire écologique et sociale "), Cédric Villani et Aurélien Taché.
Le premier, après avoir été exclu de " La République en marche " (LREM) en janvier 2020, a rejoint le groupe de Delphine Batho " Génération écologie ".
Il est investi dans la 5e circonscription de l’Essonne.
Le second s’est rapproché d’ " Europe écologie les verts " (EELV) et d’Éric Piolle en 2021, un an après avoir " claqué la porte " de LREM.
Il candidate aussi dans la circonscription où il a été élu, la 10e du Val-d’Oise.
Les deux plaident pour une politique écologique plus ambitieuse. Aurélien Taché est également rentré en dissidence avec la majorité sur la politique d’immigration et de laïcité, et pour " rester " un " homme de gauche ".
Pour autant, lui comme Cédric Villani conservent une ligne économique plus « libérale » que celle défendue par " l’union de la gauche ".
Le programme commun de la " Nupes " n’est pas encore décidé, mais il s’inspire principalement de celui de " la France insoumise ", parti majoritaire dans cette coalition.
Même avec des concessions aux partis alliés (EELV, PS ou PCF), la politique défendue par Jean-Luc Mélenchon sur l’âge de départ à la retraite et " l’Impôt de solidarité sur la fortune " s’oppose aux réformes menées par le gouvernement jusqu’à présent.
Des réformes votées et soutenues dans une certaine mesure par les deux transfuges de la " Macronie " lorsqu’ils étaient dans la majorité…
Suppression de l’ISF
Dès octobre 2017, Emmanuel Macron fait un geste pour les plus riches en remplaçant l’ISF par un impôt sur la fortune « immobilière ».
Cette suppression doit inciter l’entrepreneur à investir dans l’économie. Mais la réforme n’a pas obtenu les effets escomptés, ni sur l’investissement ni sur l’emploi, comme l’expliquait " Marianne " en avril dernier.
Contenue dans le projet de budget 2018, cette mesure est rejetée en bloc par " la France insoumise " ou le groupe " socialiste ", mais votée par la majorité présidentielle, dont Aurélien Taché.
Le 9 avril 2020, il réaffirme même sur son compte " Twitter " ne pas être favorable au " retour de l’ISF " afin de financer la crise économique due à la situation sanitaire.
Les " Insoumis " demandent - quant à eux - de rétablir cet impôt et de le renforcer pour inclure " un volet climatique visant à taxer les gros pollueurs ".
Un choix auquel adhère désormais Aurélien Taché.
Virage à 180° ?
Rien de tel pour l’ancien député qui explique à " Marianne " pourquoi il a défendu la suppression de l’ISF en 2017 : " L’objectif à l’époque, c’est de créer de nouvelles formes de fiscalités sur la rente, sur les droits de succession. Et les effets de la suppression de l’ISF devaient être mesurés un an après ! "
Seulement, rien de tout cela n’aura lieu.
Cédric Villani, qui avait aussi voté en faveur du budget 2018, déplore que les résultats ne soient pas au rendez-vous. " On ne voit pas les effets sur l’économie, mais sur l’écologie non plus ", regrette auprès de " Marianne " celui qui défend aujourd’hui un " ISF climatique ".
Retraite " par à points ", retraite à 60 ans…
La réforme du système de retraites n’a pas été votée par le Parlement, mais elle y a été longuement débattue. Ces dernières années, Aurélien Taché a défendu à plusieurs reprises le projet du gouvernement de repousser l’âge de départ légal à 64, voire 65 ans.
" La réforme des retraites est une bonne réforme, il faut dire aux Français que c’est une réforme de justice ", lance-t-il ainsi sur " Europe 1 ", le 8 novembre 2019.
" Il faut qu’elle aille au bout ", exige-t-il sur " France 2 " un mois plus tard, qualifiant encore ce projet de loi de " grande et belle réforme ".
Comment peut-il alors s’inscrire dans « l’opposition », qui défend un âge légal de départ à la retraite à 60 ans ?
Lui n’était pas contre l’idée que les gens travaillent plus longtemps, comme il l’expliquait au " Figaro " en décembre 2019 : " Le gouvernement veut inciter à travailler plus longtemps à travers une surcote, d’accord. Mais avec une décote pour ceux qui auront pourtant cotisé suffisamment, ce qui, à mon sens, pose problème. "
Dans le même article, Aurélien Taché indique même " envisager malgré tout " de voter la réforme.
« J’ai voulu un régime universel plus juste , explique-t-il à " Marianne ". Pour que les gens qui ont une carrière discontinue ne soient pas impactés ».
Mais quand le gouvernement évoque l’idée de repousser l’âge de départ à la retraite, les deux hommes changent " leur fusil d’épaule ".
" On s’est fait rouler par le gouvernement , s’agace de son côté Cédric Villani. Dès le début, j’avais défendu une réforme structurelle, pas un changement de paramètre sur l’âge de départ. "
Pour le lauréat de la " médaille Fields ", la réforme ne devait pas être pénalisante pour les métiers pénibles, mais même sur ce point, " le débat n’a jamais eu lieu ".
Après avoir vu leurs espoirs trahis, les deux députés s’accommodent finalement de la position de " la France insoumise " sur le sujet.
" Je soutiendrai la retraite à 60 ans sans aucun état d’âme , affirme Aurélien Taché. C’est plus cohérent que de défendre un projet à 65 ans. "
Quel appui des militants ?
Obtenir l’investiture est une chose, mais gagner la confiance des militants " Insoumis ", opposants farouches à Macron, est une autre paire de manches.
Pour Cédric Villani, l’intégration s’est faite sans encombre. Aucun candidat dissident ne s’est encore manifesté pour critiquer l’investiture du député sortant. Le militant de « l’Union populaire », Nilo Schwencke, reconnaît toutefois que le groupe a été " un peu méfiant au vu de son parcours ".
" On était plutôt réticents, mais il s’est engagé à voter les programmes de la Nupes malgré les désaccords ", précise celui qui s’investit maintenant dans la campagne de Cédric Villani.
Ses actions locales, comme son soutien aux éboueurs lors des grèves, et sa coopération avec les « communistes » pour faire reconnaître le meurtre du mathématicien Maurice Audin en 1957 pendant la bataille d’Alger, ont aussi eu un écho auprès des militants actifs sur le terrain.
Aurélien Taché doit faire face à un contexte " plus houleux ". Plusieurs dissidents de gauche ont déjà dénoncé l’absence du député dans sa circonscription. Il bénéficie, en revanche, d’un soutien sans faille de Mouna Djemil, militante " Insoumise " dans la circonscription, qui s’est retirée derrière la candidature commune.
" Je pense avant tout au collectif, explique-t-elle. Mon objectif est d’avoir le plus de députés à l’Assemblée ".
Elle admet que quelques-uns ont pu être déçus en interne du choix de l’investiture, mais assure que c’est " une part minime des militants ". Et si Aurélien Taché ne convainc pas les " Insoumis " sur ses idées économiques, ce sont ses positions sur l’immigration et la laïcité qui ont fait la différence.
" En faisant des recherches sur lui, je me suis rendu compte qu’il avait déjà participé aux universités d’été sur ces sujets ", s’étonne Mouna Djemil. " Aujourd’hui je ne suis pas à 100 % avec lui mais à 10 000 % ", conclut-elle.
En espérant que ce ne soient pas au tour des militants d’être déçus.
Axel PERRU
Marianne.fr