Idées radicales et candidate sulfureuse : le parti d’Aymeric Caron, " l’ovni " de l’union de la gauche

, par  DMigneau , popularité : 0%

Idées radicales et candidate sulfureuse : le parti d’Aymeric Caron, " l’ovni " de l’union de la gauche

Aymeric Caron se présente dans une circonscription " gagnable " à Paris. Edouard Monfrais / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Méconnue, la " Révolution écologique pour le vivant ", fondée par Aymeric Caron, devrait investir au moins six candidats aux législatives sous la bannière de la " Nupes ". La personnalité de ceux-ci divise tout comme le contenu de leur programme, parfois très éloigné des propositions de la nouvelle alliance de gauche.

C’est sûrement la formation politique la plus confidentielle de la " Nupes " (" Nouvelle Union populaire écologique et sociale ").

La " Révolution écologique pour le vivant " (REV), fondée par l’ancien journaliste Aymeric Caron en 2018, s’apprête à investir au moins six candidats pour les prochaines législatives. Aymeric Caron se présente à Paris dans une circonscription favorable, les autres candidats sont positionnés sur des terres plus acquises à la droite, dans les Yvelines, la Haute-Loire, ou le Nord.

Ce parti " antispéciste " et " écologiste " a participé à la rédaction du programme de Jean-Luc Mélenchon sur la condition animale au cours de la présidentielle.

Celui-ci prévoit la fin des " fermes usines ", caractérisées par " Greenpeace " par la présence d’un grand nombre d’animaux sur une surface trop petite pour produire leur nourriture, l’abolition de la corrida ou de la chasse à courre.

Le propre programme de la " Rev " va beaucoup plus loin. Son projet prévoit un droit pour " les animaux non humains sensibles " à ne pas être tués, la fin de l’élevage pour la viande, l’interdiction générale de la chasse et de la pêche après une " période de transition ".

Une étonnante " Assemblée naturelle "

Radical sur la question animale et écologique, ce programme comprend aussi des propositions très éloignées de la " Nupes " sur le plan démocratique.

Si certaines mesures sont semblables, comme l’instauration de la proportionnelle, d’autres empruntent très largement à la technocratie, pourfendue par le camp de Jean-Luc Mélenchon.

Le parti fondé autour d’Aymeric Caron projette l’abolition du Sénat qui serait remplacé par " une Assemblée naturelle ". Sa fonction serait de " représenter les intérêts des animaux non humains, des végétaux, des fleuves et des mers, ainsi que les intérêts actuels et futurs des humains ".

Contrairement au Sénat, cette " Assemblée " ne ferait siéger qu’un tiers d’élus du peuple, les deux tiers restants étant composés de hauts fonctionnaires " spécialement formés à toutes les questions qui touchent le vivant ", et d’un tiers de représentants d’ONG.

Ces technocrates seraient désignés par un " Comité du vivant ", lui aussi composé de " Sages et d’experts "… du vivant.

Dans la perspective de rupture prônée par la " Rev ", cette assemblée serait investie d’un pouvoir très important, puisqu’elle aurait un droit de véto sur les décisions de « l’Assemblée nationale », dans le cas " une loi contrevient aux intérêts du vivant ".

Polémique sur le " permis de voter​​​​ "

La campagne d’Aymeric Caron, qui se présente dans la 18e circonscription de Paris, a commencé par une polémique. Sitôt sa candidature annoncée, un journaliste du " Figaro " a publié sur " Twitter " un extrait d’un des interventions de l’essayiste dans l’émission " C à vous ", le 21 novembre 2017.

Le " post " est assorti d’un commentaire salé : " Si vous êtes électeur dans la 18e circonscription de Paris, vous êtes prévenu [sic]  : dans cinq ans, les cons ne voteront plus puisqu’Aymeric Caron ne veut laisser le droit de vote qu’à ceux qui ont le permis de voter ".

https://twitter.com/CaronAymericoff/status/1521723593184452608?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1521723593184452608%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.marianne.net%2Fpolitique%2Fgauche%2Fidees-radicales-et-candidate-sulfureuse-le-parti-daymeric-caron-lovni-de-lunion-de-la-gauche

En pleine promotion d’un essai d’utopie – " Utopia XXI " – Aymeric Caron propose effectivement sur le plateau de " France 5 " d’instaurer " un permis de voter, exactement comme il y a un permis de conduire ".

Objectif : qu’à " chaque élection, on s’assure que les connaissances liées à l’enjeu du moment sont bien maîtrisées (...) on répondrait à un petit QCM qui vérifie que vous avez bien les connaissances ".

Dans ce livre, l’essayiste prônait aussi la semaine de travail à 15 heures ou la limitation du nombre des naissances.

Divergences assumées

Réponse immédiate d’Aymeric Caron : « confondre un essai d’utopie politique et un programme est assez grave. Mon parti - la REV - ne porte pas cette mesure et je ne la porte évidemment pas comme candidat de " l’Union Populaire " ».

Et en effet, le parti de Jean-Luc Mélenchon propose de rendre le vote obligatoire. Une mesure à laquelle Aymeric Caron se disait hostile sur " C à vous ", qualifiant l’idée " d’hérésie " et " d’atteinte à la liberté ".

Se revendiquant de l’anarchisme, l’ancien chroniqueur d’ " On n’est pas couché " répliquait : " Si quelqu’un n’a pas envie de s’impliquer dans la vie politique de son pays, c’est sa liberté. "

Il semble donc il y avoir un fossé entre certaines convictions personnelles d’Aymeric Caron et le programme qu’il porte sous les couleurs de la " Nupes ". Des divergences qu’il assumait lors de l’annonce de sa candidature dans " le Parisien ".

" On s’est accordés sur un socle commun qui nous permettra de gouverner pendant au moins cinq ans. Certes, on a des différences ", reconnaissait-il.

La candidate ciblée par un préfet

D’autres critiques visent la candidature d’Azelma Sigaux, porte-parole de la " Rev ", dans la deuxième circonscription de Haute-Loire.

Dans le quotidien local " le Progrès ", cette " Gilet jaune " est prise à partie par le préfet du Puy-en-Velay.

https://www.leprogres.fr/faits-divers-justice/2022/05/07/incendie-de-la-prefecture-du-puy-en-velay-le-prefet-condamne-les-propos-de-la-candidate-de-gauche-aux-elections-legislatives

Ce dernier lui reproche d’avoir exprimé " des contre-vérités " au cours d’une émission de présentation des candidats de la " Nupes " sur une chaîne " Twitch ".

Azelma Sigaux dénonçait des violences des " forces de l’ordre " lors de la manifestation de " Gilets jaune " du 1er décembre 2018, qui s’est terminée par l’incendie de la préfecture.

« On retient la préfecture en flammes, tout le monde accuse les " Gilets jaunes ", sauf que ce qui s’est passé : c’est qu’on a été violentés par les policiers, comme régulièrement. On a un camarade qui a perdu un œil ce jour-là. Dans cet enchaînement de violences, certains ont jeté des cocktails molotov sur la pref’ et il y a eu un départ de feu  », explique-t-elle, tout en reconnaissant qu’elle n’a pas participé à cette manifestation.

Selon la presse locale un " Gilet jaune " a effectivement perdu un œil le 1er décembre.

https://www.leveil.fr/puy-en-velay-43000/faits-divers/exclusif-le-gilet-jaune-ayant-perdu-un-il-le-1er-decembre-au-puy-temoigne-pour-la-premiere-fois_13120289/

Le préfet dénonce des " amalgames " et se " réserve le droit de déposer plainte à la suite de tels propos diffamatoires ".

L’ombre de Dieudonné

Depuis plusieurs années, Azelma Sigaux est également accusée d’entretenir des liens troubles avec Dieudonné. Elle est la fille de Jacky Sigaux, le régisseur de l’humoriste et ancien comédien au " Café de la gare ", où il a joué avec Coluche.

C’est lui qui, " déguisé " en pyjama à carreaux avec une étoile jaune sur la poitrine évoquant un déporté, a remis au négationniste Robert Faurisson le " prix de l’infréquentabilité et de l’insolence " sur la scène du " Zénith " de Paris en 2008, aux côtés de Dieudonné.

Un point qu’elle n’évoque pas dans sa " lettre ouverte en réponse aux polémiques " publiée sur son site en 2019, lorsqu’elle assure que son père " n’est ni antisémite ni fasciste ".

http://www.azelmasigaux.com/blog/lettre-ouverte-en-reponse-aux-polemiques.html

Dans ce texte, elle reconnaissait avoir " remercié " Dieudonné par " courtoisie " lorsqu’il a « partagé le lien vers [s] on site internet sur sa page " Facebook " » en 2017. Elle expliquait toutefois qu’elle ne « partage absolument pas (...) les idées que [Dieudonné] développe désormais dans ses vidéos, [son] entourage récent et la relation qu’il entretient avec l’argent  ».

Pierre LANN

Marianne.fr